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Un premier frigo solidaire et antigaspi au Luxembourg


Le frigo solidaire sera accessible tous les jours, 24 h/24. Des bénévoles de Foodsharing le videront si besoin et le nettoieront régulièrement. (photo Fabrizio Pizzolante)

Le premier frigo solidaire du pays a été inauguré mercredi à Bonnevoie. Un moyen de lutter contre le gaspillage alimentaire tout en jouant la carte de la solidarité.

Vous avez acheté trop de nourriture que vous ne consommerez pas avant la date de péremption ? Vous êtes sur le point de partir en weekend mais il vous reste des aliments dans votre réfrigérateur ? Et si, au lieu de les jeter directement à la poubelle, il suffisait de les déposer dans un frigo accessible 7 j/7 et 24 h/24 où des personnes qui en auraient le besoin ou l’envie pourraient se servir ? Moyennant le respect de quelques règles d’hygiène et de bon sens, il est en effet désormais tout à fait possible de venir remplir le tout premier frigo solidaire du pays, installé rue Auguste-Charles, à Luxembourg, juste devant la boutique bio Naturwelten.

Le concept ? Au lieu de jeter des aliments qui ne seront pas consommés, tout un chacun est invité à venir les déposer dans ce frigo. À l’inverse, tout le monde est libre de venir s’y servir. Une manière très simple de participer à la lutte contre le gaspillage alimentaire, véritable fléau dans nos sociétés occidentales riches et dont l’impact est considérable tant sur la planète que sur les populations du Sud.

Toutes les règles à respecter sont affichées sur la porte du frigo. Crise sanitaire oblige, il est ainsi recommandé d’utiliser le gel désinfectant pour les mains mis à disposition avant de l’ouvrir. Surtout, il ne faut évidemment pas y déposer des produits périmés ni de l’alcool, des produits avec des œufs, de la viande ou du poisson afin de ne pas mettre en danger la santé des éventuels consommateurs. « Il ne faut pas non plus y mettre des plats faits maison parce qu’on ne peut pas contrôler ce qu’il y a dedans », précise Eunice Sanchez Gonzalez, de Foodsharing Luxembourg, une initiative citoyenne comprenant plus de 150 membres bénévoles engagés dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, à l’origine de ce projet.

« Tous les deux à trois jours », des volontaires de Foodsharing viendront vérifier l’état des denrées et nettoyer le frigo. « Nous jetterons ce qui est périmé ou abîmé, mais nous allons réfléchir à des solutions plus durables aussi par la suite », fait savoir Eunice Sanchez Gonzalez.

Le fléau de la surconsommation

L’idée d’installer un frigo solidaire, qui a déjà fait son chemin dans d’autres pays d’Europe, a été importée au Luxembourg depuis l’Allemagne. « J’ai découvert cette initiative au cours de mes études à Berlin », explique Daniel Waxweiler, membre fondateur de Foodsharing Luxembourg. « Nous avons décidé de monter l’ASBL en août 2019 avec quelques amis mais, avec la pandémie, ce projet a été retardé et les deux emplacements que nous avions envisagés par le passé nous ont finalement été refusés. Nous avons donc lancé un appel à la télévision pour trouver un nouvel emplacement, auquel Lucien Reger, le gérant de la boutique Naturwelten, a répondu. »

Lorsque Lucien Reger, patron de Naturwelten depuis 35 ans, a vu le reportage en question, il n’a en effet pas hésité une seule seconde avant de proposer son soutien à ce projet dont il partage les valeurs, en fournissant l’emplacement et l’électricité. « Nous militons tous pour une autre forme de consommation. C’est un projet fantastique. » On estime en effet qu’au Grand-Duché, les trois quarts du gaspillage alimentaire relèvent des ménages. « Au Luxembourg, on gaspille 89 kg de nourriture par personne et par an, c’est considérable ! », rappelle Franz Fayot, le ministre de la Coopération et de l’Aide humanitaire, venu assister à l’inauguration de ce projet que le MAEE cofinance avec l’ASBL Frères des hommes. « On estime que l’on pourrait facilement réduire ce gaspillage à 20%. Les campagnes antigaspillage et des initiatives comme celles-ci contribuent à cet objectif de consommation durable, qui est d’ailleurs le 12 objectif de développement durable des Nations unies. »

Gaspiller la nourriture n’est en effet pas sans conséquences. D’après les Nations unies, le secteur alimentaire représente environ 30% de la consommation énergétique mondiale et près de 22% des gaz à effet de serre. En outre, pour des raisons de surproduction, de mauvaise gestion des stocks et de surconsommation, un tiers des aliments produits finissent à la poubelle chaque année, soit 1,3 milliard de tonnes. Or, des terres qui pourraient servir à une agriculture vivrière ont été monopolisées et les prix des aliments, gonflés, aggravent la crise alimentaire dans le monde.

« Nous espérons qu’au fur et à mesure, les gens auront le réflexe de regarder dans leur frigo les aliments – non périmés ! – qu’ils ne vont pas consommer et d’envisager de les donner à des personnes qui en auraient besoin plutôt que de les jeter. Et peut-être qu’au final, ils finiront aussi par acheter moins », commente Gilles Dacheux, de Frères des Hommes, ONG mobilisée dans des programmes de développement au Sud et qui a une mission d’éducation au développement au Nord afin de sensibiliser la population aux causes de la pauvreté dans les pays tiers.

Foodsharing dispose déjà de trois autres frigos, que les membres espèrent bien pouvoir installer à d’autres endroits dans le pays. « Mais nous sommes encore à la recherche d’emplacements, soit en extérieur, comme ici à Bonnevoie, soit à l’intérieur d’un centre culturel par exemple », font savoir les militants.

Tatiana Salvan