Riad Taha, réfugié syrien arrivé au Luxembourg en 2013, vient d’ouvrir à Belval le premier parc de réalité virtuelle du pays.
Confortablement assis dans un siège œuf à l’intérieur d’un bâtiment situé à proximité de l’université de Belval, casque de réalité virtuelle vissé sur la tête, nous nous retrouvons, un clic plus tard, à la Schueberfouer, à bord d’un manège à sensations. Le confort n’est que de courte durée, voilà le manège qui monte, monte, au point de nous faire dominer la ville. Avant de redescendre à toute vitesse. Le fauteuil tremble de tous côtés, le souffle du vent se fait sentir sur le visage, une légère nausée nous envahit… Jusqu’à ce que le manège se crashe!
On retire le casque, le cœur battant. Tout cela n’était qu’illusion, ouf! Nous sommes en fait toujours à Belval, dans le tout premier parc de réalité virtuelle du pays, le VR Park Luxembourg. C’est là la magie de l’endroit : on est projeté ailleurs comme pour de vrai…
Sur 500 mètres carrés, le complexe qui vient d’ouvrir Porte de France propose à tous, petits et grands, de s’amuser avec des multimédias immersifs. Au rez-de-chaussée, 15 machines de réalité virtuelle, qui possèdent chacune une centaine de jeux. À l’instar du VR Chair 3D, celui qui propose le tour de manège, ou du VR Flight Plus, dans lequel on pourra tuer des zombies en se déplaçant où l’on veut dans le jeu. Une gamme de jeux à caractère plus éducatifs y a aussi une place de choix, qui proposent par exemple la découverte du système solaire ou d’un parc à dinosaures.
À l’étage, qui sera finalisé d’ici quelques semaines, les tout-petits ont aussi leur espace : parc à boules, machines de réalité virtuelle spécialement conçues pour les enfants et écran interactif à venir d’ici peu. Il y a aussi un espace de restauration ainsi qu’un cinéma 7D (excusez du peu!) qui simule l’environnement d’un film diffusé en 3D.
Prison et torture
La réalité virtuelle, c’est le futur!», annonce Riad Taha, le concepteur du lieu, au parcours atypique. Cet ingénieur informatique de 37 ans arrive en effet de Syrie, où il a été contraint de fuir la guerre en 2011, après un passage en prison où il a été torturé pour avoir refusé de faire de la propagande sur les réseaux sociaux en faveur du gouvernement syrien après le début de l’insurrection.
«Après des études d’informatique au Soudan, j’ai travaillé à Dubai avant de rentrer dans mon pays et d’y ouvrir une entreprise d’informatique dans laquelle j’ai rapidement pu embaucher jusqu’à 30 salariés. Mais la guerre a éclaté…. Mon père, avocat, mes frères et oncles entrepreneurs dans la construction et le commerce, leurs épouses, leurs enfants, et moi-même avons dû tout abandonner : nos maisons, nos commerces…», explique-t-il pudiquement.
Riad Taha part alors pour Istanbul, où il travaillera au sein d’une compagnie turque, entre l’Anatolie et Le Caire. Jusqu’à cette conférence au Luxembourg en 2013, la ICT Spring, qui vise à mettre en avant les nouvelles technologies. «Lorsque j’ai vu que le concept de réalité virtuelle commençait à se répandre, j’ai tout de suite eu envie de le développer, ici, au Luxembourg, où mes proches et moi avons pu obtenir le statut de réfugiés.»
«Après un an à trouver une banque…»
Après des années d’errance et de tribulations administratives, mû par la reconnaissance envers son pays d’accueil et doté d’un esprit entrepreneurial intact, Riad Taha veut en effet «contribuer à la société et l’économie» du Grand-Duché. Il ouvre d’abord en 2016 Techno Tick, une boutique de réparation de téléphones portables, à Ettelbruck. Le temps pour lui de travailler à son projet de parc de réalité virtuelle.
Un projet qui aurait pu ne jamais voir le jour à cause de «Mister Covid», comme Rihad Taha s’amuse à le nommer. «Après un an à trouver une banque prête à nous accorder un prêt, nous avons signé le contrat de bail en mars dernier, mais trois jours plus tard le confinement était décrété!», se remémore l’informaticien.
Le voilà en tout cas aujourd’hui prêt avec ses sept salariés à accueillir les amateurs de jeux et à écrire une nouvelle page de son histoire. Quant à retourner en Syrie? Rihad Taha l’envisage, mais dans le cadre de «visites» seulement.
«La Syrie me manque, bien sûr, nous avons encore des proches là-bas, et cela reste mon pays. Ce qui s’y passe est terrible… Mais j’aime le fait que le Luxembourg soit un pays très développé, notamment en matière de technologies, qu’il soit très international. J’ai découvert plein de nationalités ici, c’est vraiment très intéressant.»
Tatiana Salvan