Le non-respect du code de la route est le principal danger aux passages à niveau. La CFL, la police et l’Association des victimes de la route tentent par tous les moyens de sensibiliser le public.
Sous la grande verrière de la gare de Luxembourg, au milieu des passagers pressés, de la direction des CFL, de la police de la route et de l’Association nationale des victimes de la route, des spots-chocs sont projetés sur grand écran.
Trois courts films s’enchaînent qui débutent tous par l’annonce de la mort d’un proche à la famille. Le premier, un homme en voiture, sous la pression des klaxons derrière lui, s’engage sur le passage à niveau alors que les voitures sont arrêtées dans un embouteillage juste devant. Il comprend son erreur quand les barrières s’abaissent. Il panique, mais ne parvient pas à se dégager. Il finit alors par sortir de son véhicule, mais c’est trop tard, il est face au train. Dans le deuxième film, un jeune homme traverse les rails, car il est en retard à une réunion. Dans le dernier spot, une jeune fille fait tomber ses clés sur la voie du train et essaye de les récupérer.
Des situations fréquentes, qui heureusement, la plupart du temps, se finissent sans mort. «Chaque année, on compte de 70 à 90 incidents ou accidents aux passages à niveau du pays», indique Marc Wengler, le directeur général des CFL.
Le non-respect des règles dans 98 % des cas
Le 6 juin est la journée mondiale de sensibilisation aux risques du passage à niveau et tous les acteurs sont unanimes : la principale cause de ces incidents, c’est le non-respect du code de la route dans 98 % des cas.
Pour lutter contre ce fléau, depuis 2009, la communauté ferroviaire, en collaboration avec un nombre croissant d’organismes du secteur routier, organise dans plus de 42 pays à travers le monde une journée mondiale de sensibilisation aux passages à niveau sous le slogan : «The most important STOP of the day». C’est dans ce cadre que tous les acteurs qui luttent au quotidien pour solutionner ce problème se sont réunis hier.
«Malgré un programme très intense de suppression des passages à niveau, on constate que le nombre d’accidents reste élevé sur ces points sensibles. Pourtant, nous en supprimons deux à quatre chaque année, c’est supérieur à la plupart des pays et il faut savoir qu’il se déroule environ dix ans entre la décision de supprimer un passage à niveau et sa suppression réelle. Car il faut imaginer un autre parcours, un tunnel ou un pont. C’est un travail qui prend beaucoup de temps», poursuit le directeur des CFL.
Un travail qui s’effectue depuis des décennies et se poursuit toujours aujourd’hui. Il reste encore 117 passages à niveau dans le pays. Vingt-quatre ont été supprimés entre 2014 et juin 2019 et au moins neuf devraient être supprimés dans les cinq prochaines années.
Le plus dangereux chez ArcelorMittal
Marc Wengler rappelle que «l’année dernière deux piétons sont morts sur des passages à niveau, dont un à Schifflange». Il est souvent difficile de comprendre ce comportement à risque, mais pour le directeur, il y a une «nervosité grandissante, une tendance que tout le monde peut constater, y compris sur la route».
Pour le représentant des CFL, le passage à niveau «le plus critique du pays, c’est celui sur le site d’ArcelorMittal à la tuberie de Differdange. Nous y distribuons régulièrement des prospectus pour dialoguer avec les employés et les sensibiliser.»
Les accidents sont souvent causés par des personnes qui traversent régulièrement ces passages à niveau. Les raisons des comportements non conformes au code de la route sont multiples, par exemple le manque de temps, la distraction (GSM, GPS, etc.), la routine, l’absorption de produits psychoactifs, la vitesse ou encore la fatigue. Des raisons que ne comprend pas Raymond Schintgen, le président de l’Association nationale des victimes de la route. «Pourquoi les personnes dépensent-elles autant de temps et d’énergie à contourner les règles sans se faire avoir ?» Pour lui, les usagers de la route devraient être plus souvent confrontés à des victimes ou leurs familles pour avoir un déclic et prendre conscience du danger.
«Ça passe ou ça casse»
De 2004 à 2018, quatre personnes ont perdu la vie sur le réseau ferré luxembourgeois à la suite d’un accident sur un passage à niveau. Des drames qui pourraient être évités. Pour Adnan Bobeta, le directeur adjoint de l’unité centrale de la police de la route (UCPR), il y a une marge de progression, puisque ces accidents sont souvent liés à «des négligences. Les gens se disent « ça passe ou ça casse ».» Selon lui, aujourd’hui, il y a également davantage de gens qui ont oublié le code de la route et n’interprètent plus de façon correcte la signalisation des passages à niveau. Mais le risque zéro n’existe pas et le représentant de la police a bien conscience «que le meilleur passage à niveau, c’est celui qui n’existe pas».
Audrey Libiez