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Thierry Lagoda : « Camille Gira était un visionnaire »


Thierry Lagoda, successeur de Camille Gira à la tête de Beckerich, se confie suite au décès du charismatique leader écologiste (Photo : Claude Damiani).

Le bourgmestre de Beckerich, Thierry Lagoda, a succédé à Camille Gira lorsqu’il est entré au gouvernement fin 2013. Il se confie, après le décès du charismatique artisan écologique de la commune.

Monsieur le bourgmestre, comment avez-vous appris la tragique nouvelle ?
Thierry Lagoda : Nous avions un conseil communal hier (lire mercredi) à 17 h. Une conseillère communale m’a averti avoir reçu un message selon lequel Camille avait fait un malaise. Je suis resté à l’administration communale jusqu’à 20 h, avant de rentrer chez moi. Le premier échevin m’a alors appelé pour m’annoncer le décès de Camille.
Quelle a été votre première réaction ?
J’étais sous le choc. C’était incompréhensible pour moi de concevoir qu’un homme puisse décéder si tôt, à 59 ans. D’autant plus qu’il n’a même pas eu le temps de profiter de sa pension; Camille a juste travaillé toute sa vie, pour la commune, le canton de Redange et pour le pays. Il n’a pas eu la chance de se reposer.
Avez-vous eu des contacts avec sa famille depuis le drame (NDLR : l’interview a été réalisée hier matin)?
Pour l’instant, uniquement avec son neveu, Patrick Jacoby, qui travaille à la commune. Il est d’ailleurs en train d’organiser la cérémonie des obsèques civiles pour samedi. Je suis en concertation avec Félix Braz (NDLR : le ministre de la Justice/déi gréng) et le gouvernement. La cérémonie devrait avoir lieu à Beckerich.
Vous le connaissiez personnellement. Comment le décririez-vous?
Camille Gira était un visionnaire. Il était très enthousiaste et il parvenait à motiver les gens. C’était une personne très agréable, également. Il restait dans les cafés pendant des heures, parfois jusqu’au matin, à raconter des anecdotes. C’était un homme qui avait un très grand cœur. C’était aussi un homme qui avait ses propres idées, qu’il a défendues avec tout son cœur.

Camille Gira est une icône pour tous les habitants de Beckerich (photo Fabrizio Pizzolante).

Camille Gira est une icône pour tous les habitants de Beckerich (photo Fabrizio Pizzolante).

Quel souvenir peut-être plus « particulier » avez-vous de Camille Gira?
À la suite de sa nomination au sein du gouvernement, j’ai beaucoup apprécié qu’il m’accorde toute sa confiance au moment de lui succéder au poste de bourgmestre de Beckerich. Cela a été très important pour moi, car cela venait d’un homme qui a travaillé pendant 30 ans dans la commune, qui m’a ensuite confié la gestion de « SA » commune. Ce fut un beau geste de sa part.

« Camille a touché beaucoup de gens ici, pas uniquement dans l’environnement

Quel est le sentiment général au sein de la commune?
Camille a touché beaucoup de gens ici, dans divers domaines; donc pas uniquement dans celui de l’environnement. Je pense au sport, mais aussi au social et à la culture. C’était un homme très engagé sur tous les plans.
Dans quelle mesure?
Dans le domaine du sport, outre le fait qu’il ait présidé la fédération luxembourgeoise de handball, il a joué au tennis de table, ici dans le club de la commune, et était encore membre du club lorsqu’il était secrétaire d’État. Il était également membre du club de handball de Redange, le HC Atert, après avoir été gardien de but dans le temps. J’ai d’ailleurs moi-même joué au handball avec son fils Michel dans le même club. De plus, son deuxième fils, le cadet, Louis, joue dans le même club de tennis de table que celui dans lequel a joué Camille.
Et concernant son engagement dans le social?
Je peux vous donner l’exemple de son engagement dans le projet Youth for Work, qui a été initié au niveau du syndicat du canton de Redange, en vue de proposer un coaching aux jeunes afin qu’ils trouvent un emploi. Il s’agit d’un projet qui est désormais accessible dans tout le nord du pays.
Camille Gira s’est-il aussi engagé sur le plan culturel?
Il a longtemps été président de l’ASBL d’Millen qui organise, outre des visites touristiques, des conférences, séminaires et expositions. Il a dû quitter ses fonctions au moment d’entrer au gouvernement, mais il était encore présent, il y a deux jours (lire mardi), à l’assemblée générale de l’ASBL. Il répondait d’ailleurs présent chaque année.

Camille savait manier la rhétorique avec habileté »

Quelle a été la réaction des citoyens lorsque Camille Gira a lancé sa monnaie baptisée Beki?
Je dois dire que beaucoup de gens étaient sceptiques et ont bien rigolé, au début. Mais cela était tout à fait normal avec Camille; quand il avait une idée en tête, il fonçait. De plus, c’était un grand orateur qui savait manier la rhétorique avec habileté. Cela lui permettait de convaincre les gens avec ses arguments. De surcroît, il était toujours bien préparé et connaissait parfaitement ses dossiers. Il est donc parvenu à convaincre les gens.
Les drapeaux luxembourgeois et européens ont été mis en berne devant le bâtiment de l’administration communale, ainsi qu’à côté de l’église de la commune. Quand cette décision a-t-elle été prise?
La commune a pris cette décision ce matin (lire jeudi matin). En plus, j’avais écrit un mail à mes collègues du canton de Redange parce que Camille était aussi président du syndicat du canton de Redange. Les autres communes du canton ont également fait la même chose, en signe de solidarité.
Pour conclure, quel message de condoléances aimeriez-vous faire passer à la famille de Camille Gira?
Je pense que toute la commune éprouve actuellement les mêmes sentiments… nous sommes tous en deuil. Même les gens qui ont eu des difficultés avec Camille, dans le temps, disent qu’ils sont choqués. Je ressens une certaine solidarité qui s’est mise en place entre les citoyens, qui pensent tous la même chose. Nous soutenons son épouse, Simone, ainsi que ses deux fils, Michel et Louis.

Entretien avec Claude Damiani. 

 

Retrouvez trois pages de reportage et d’analyse consacré à Camille Gira, dans notre édition de ce vendredi.