Ce n’est que lorsqu’elle a eu peur pour sa vie que Sara, 30 ans, a trouvé la force d’appeler à l’aide, après des mois de violences physiques et psychologiques.
Escortée par la police, Sara (prénom d’emprunt) est arrivée au foyer Paula-Bové, en urgence, avec ses deux enfants, un dimanche de juillet 2019. Choquée et très faible, la jeune femme vient alors de mettre un terme au calvaire que son mari lui fait endurer depuis des mois. Rien n’aurait pu prédire un tel épilogue pour cette relation amoureuse qui avait commencé comme au cinéma.
«On s’est rencontrés chez moi, à Madagascar, alors qu’il était en vacances», se souvient Sara. Très vite, la jeune femme, déjà maman d’un petit garçon, tombe sous le charme de ce Luxembourgeois qui multiplie les séjours sur l’île pour voir sa belle. Au fil des mois, les liens sont solides et le couple fait des projets : un mariage et un bébé scellent leur idylle, et le jeune papa adopte officiellement le fils de Sara.
Il lui parle de son pays, le Luxembourg, et convainc Sara, qui vient de boucler son master en droit, de tout laisser derrière elle pour entamer avec lui une nouvelle vie, enfin réunis tous les quatre. Début 2019, la petite famille s’installe du côté d’Echternach, prête à couler des jours heureux. Mais la situation se dégrade : «Il a dévoilé une facette de sa personnalité qu’il m’avait toujours cachée. D’un coup, ce n’était plus celui que je connaissais. Alors qu’il avait toujours été bienveillant et attentionné envers moi et nos enfants, il s’est soudain transformé en un homme méchant, manipulateur et violent.»
Je me sentais coupable : je ne voulais pas priver mes enfants de leur père
Loin de sa famille, dans un pays inconnu, l’isolement total de Sara facilite l’emprise psychologique que son mari exerce désormais sur elle. «Il me rabaissait sans cesse. Il me retirait mon téléphone, me privant de mes proches. La relation était extrêmement difficile.» Sara parle alors de retourner chez elle. «Plusieurs fois, j’ai évoqué la séparation, mais il me disait qu’il allait changer. Moi, je me sentais coupable : je ne voulais pas priver mes enfants de leur père.»
Et puis, il y a eu la dernière dispute : «Il a essayé de me tuer. Devant les enfants. Ils pleuraient et criaient, alors que j’étais dans un état critique. J’ai compris que si je ne partais pas, j’allais mourir.» Dans la soirée, l’homme se calme. Dès le lendemain, Sara alerte sa belle-famille et, avec son soutien, dépose plainte. Une injonction d’éloignement du domicile est ordonnée par le parquet mais rien n’y fait, il continue de la harceler et tente même de pénétrer de force dans la maison. Terrorisée, craignant pour sa vie, c’est finalement au foyer qu’elle trouvera refuge quelques jours plus tard avec ses petits, eux aussi traumatisés.
Plus d’un an et demi après son cauchemar, la jeune femme, aujourd’hui divorcée, se reconstruit petit à petit, accompagnée par la FMPO, à la fois au niveau psychologique et au niveau pratique, dans ces démarches pour faire reconnaître son diplôme au Luxembourg. Car Sara a décidé de rester. «La question de repartir à Madagascar s’est posée, mais je tiens à construire mon avenir ici, et à prouver à mon ex-conjoint que, contrairement à ce qu’il m’a asséné durant des mois, je vaux bel et bien quelque chose.»
Ainsi, Sara a suivi des cours complémentaires en droit luxembourgeois, une formation spécifique pour accéder à la profession d’avocat qu’elle convoite, et elle est aussi en passe d’obtenir son permis de conduire, grâce à l’appui de la fondation. Pour le moment, elle bénéficie du revenu d’inclusion sociale mais espère pouvoir travailler très bientôt et obtenir un logement. L’espoir d’une nouvelle vie, libre et indépendante, pour elle et ses enfants.
Christelle Brucker