Rencontrée dans la cour extérieure du Contact Esch, qui fait office d’espace fumeurs où seule la consommation de tabac est autorisée, Nora* est une toxicomane qui vit dans le sud du Grand-Duché et qui fume de l’héroïne «une fois tous les deux à trois jours».
Quant à son quotidien, il se décline de cette manière : «Je me lève le matin, je me lave et puis je m’habille. Ensuite, je prends le bus parce que je veux boire ma tasse de café au milieu de gens et c’est ici que j’ai beaucoup de contacts. Cela me procure beaucoup de joie de venir ici pour boire mon café et bien commencer ma journée. Car c’est très dur dehors. En fait, je veux vivre avec les gens dehors, même si j’ai mon appartement. Vous ne pouvez pas pointer du doigt les gens qui vivent dans la rue si vous ne connaissez pas leur quotidien. Alors j’ai vécu dehors pendant trois mois avec eux en hiver, pour savoir ce que c’est que d’avoir faim, d’avoir soif, d’avoir froid, d’avoir mal au ventre parce qu’on est en manque, de pleurer…»
Pour revenir à son quotidien, Alice explique aller après midi prendre un repas à la Stëmm vun der Strooss, à Esch. «Là aussi, j’ai beaucoup de joie à revoir beaucoup de gens que je connais», explique-t-elle, avant de prendre un ton bien plus vindicatif envers les autorités publiques.
«J’ai été choquée à l’Abrigado»
«Moi, ce qui me choque énormément, en tout cas, c’est qu’il y a toujours plus de Luxembourgeois et de vieilles personnes dans la rue. L’État a le culot de les mettre à la rue et ces personnes n’arrivent plus à se démerder dehors. C’est dur, vraiment très dur de vivre dehors, ou plutôt devrais-je dire survivre… C’est triste !», lance-t-elle.
En ce qui concerne sa toxicomanie, Nora indique fumer de l’«héro» depuis que sa «copine est décédée» et s’être retrouvée «toute seule dans la merde, sans entourage familial». Car la seule présence humaine sur laquelle elle a pu compter, ce sont des «amis qui prenaient de l’héroïne» et qui lui en ont fait goûter. «Je n’ai pas arrêté d’en prendre depuis», dit-elle, en indiquant également que, vu sa consommation, «le manque dû à la dépendance ne se manifeste qu’au troisième jour d’abstinence. Je commence alors à me sentir mal, à beaucoup transpirer, à avoir mal au ventre… jusqu’au prochain « blow ». En fait, je fume tous les trois jours, mais je viens au Contact Esch tous les jours pour voir les copains.»
Le Contact Esch ayant ouvert tout récemment, Nora et ses amis fréquentaient-ils l’Abrigado avant l’ouverture de la structure eschoise ? La réponse est négative : «Premièrement, je me fournis en héroïne à Esch. Deuxièmement, je suis allée une seule fois à l’Abrigado et j’ai été choquée par ce que j’y ai vu», explique-t-elle. Avant d’expliciter : «C’était en été. Les gens se piquaient devant la structure, c’est-à-dire dans l’herbe qui se trouve autour de l’Abrigado. Certains étaient endormis avec l’aiguille dans la jambe…»
Claude Damiani
(*) Le prénom a été changé