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Tatoueurs au Luxembourg : la transparence sur les prix, «c’est dur»


La concurrence est rude entre tatoueurs, et la loi semble trop rigide (Photo : Alain Rischard).

Trente-quatre salons de tatouage ont été contrôlés par le ministère de la Protection des consommateurs. Des fautes dans l’affichage des prix ont été relevées. Difficile de faire mieux selon les tatoueurs.

Chaque année, plusieurs enquêtes permettent de contrôler le respect des dispositions du code de la consommation en matière d’affichage des prix. De juillet à septembre 2019, les salons de tatouage ont été passés au crible par le ministère de la Protection des consommateurs. Quarante-quatre établissements ont été recensés, dont dix n’étaient pas concernés par l’enquête. «Des 34 établissements concernés, cinq informent leurs clients correctement des prix de vente de leurs accessoires et des tarifs de leurs prestations, 14 affichent les prix de manière incomplète, 15 n’indiquent pas le prix des produits de vente et n’affichent pas les tarifs de leurs prestations les plus courantes», relate le ministère de la Protection des consommateurs.
À noter que les studios listés avaient été informés au préalable de la tenue de cette enquête.
Concernant les tarifs des piercings et les prix des produits vendus, les établissements concernés par des manquements ont été invités à se mettre en conformité et à indiquer les prix de manière correcte et complète.
À propos des prestations, si «la majeure partie des établissements contrôlés indiquent les prix de façon incomplète», ils «proposent un devis à signer par le client avant de commencer» l’exécution du tatouage, soulignent les autorités.
Or le code de la consommation prévoit que les prix des produits et des services offerts par un professionnel doivent être indiqués sans ambiguïté et de manière facilement identifiable. Le ministère a cependant parfaitement conscience que les professionnels expliquent ces manquements par le fait que «les tatouages constituent des œuvres individuelles dont le prix varie». D’où la réalisation d’un devis «chez la quasi-totalité des tatoueurs». Une «façon de procéder jugée acceptable, compte tenu de la spécificité du service personnalisé», admet le ministère de la Protection des consommateurs. Tous les établissements ont dès lors été appelés à généraliser cette pratique.

«Les clients vont de salon en salon»

Cette tolérance est indispensable tant les tatoueurs n’imaginent pas pouvoir afficher leurs prix d’une autre manière : «C’est une chose très difficile à matérialiser, certains magasins facturent à l’heure, d’autres au forfait ou à la journée», analyse Pascal Pasek. Le gérant de LX Tattoo, situé à Bonnevoie, précise : «Les tarifs peuvent être estimés de diverses façons et le même tatouage être à différents prix selon l’endroit. Par exemple, les mollets et les biceps sont faciles d’accès, contrairement au ventre, à l’arrière des cuisses et aux côtes. Le prix sera donc plus élevé à ces endroits et la position de travail plus inconfortable, mais il n’y a pas de problème si le client est mis au courant, connaît les critères et qu’on lui communique le prix avant l’acte. Il est par contre nécessaire d’afficher la logique de facturation du magasin.» Le tatoueur ignorait d’ailleurs jusqu’à hier que le ministère de la Protection des consommateurs effectuait des contrôles. «Nous avons affiché nos prix pour 2020 dès la fin de l’année 2019» ou plutôt une logique qui paraît difficile à affiner ou préciser pour Pascal Pasek : «Je ne vois pas comment nous pourrions y parvenir.»
Et chaque tatoueur a son propre prix : «Les clients vont de salon en salon pour faire des devis. Et pour le même travail, chaque magasin donnera un prix différent. Cela dépend de l’artiste, de son talent ou encore de sa réputation. Généralement les tatoueurs doués le savent et appliquent les tarifs en conséquence. C’est ensuite au client de décider.»

«Chaque tatouage est différent»

La pratique était peu répandue il y a dix ans, mais elle est devenue incontournable avec la nouvelle génération et des tatoueurs désormais davantage professionnalisés, ayant pignon sur rue, et disposant de nouveaux outils de communication : «Notre clientèle se situe essentiellement entre 17 et 40 ans et beaucoup passent par les réseaux sociaux pour faire une estimation de prix. Ils parlent des tatouages comme un produit de consommation courant. Ils envoient leurs demandes à cinq ou six boutiques et prennent dans la majorité du temps le moins cher sans tenir compte de la qualité.» Une relation par message qu’il regrette un peu : «On perd le contact humain.» D’un autre côté, les réseaux sociaux sont devenus des vitrines indispensables pour les studios de tatouage.
Au salon American Ink à Esch-sur-Alzette, le patron, Edwin Navarro, partage son avis sur la clarification des tarifs : «C’est dur de faire mieux. Chaque tatouage est différent et donc chaque prix différent. Je n’ai jamais fait deux fois le même, tout comme je n’ai jamais le même salaire à la fin du mois. Par exemple, je viens d’avoir une cliente avec laquelle je travaille depuis douze ans et pourtant elle n’a jamais payé le même prix. C’est toujours une nouvelle expérience. Cela dépend de beaucoup de critères différents : la peau, la couleur, la complexité du dessin, la taille… Je commence à tatouer à partir de 60 euros, puis cela dépend beaucoup du temps nécessaire à sa réalisation. Dans tous les cas, le client est prévenu du prix avant.»
De nouveaux contrôles seront effectués dans les mois à venir pour s’assurer de la bonne application des dispositions en vigueur, fait encore savoir le ministère de la Protection des consommateurs.

Audrey Libiez

Règles d’hygiène plus strictes à partir de juin

Fin novembre 2019, le ministre de la Santé, Étienne Schneider, avait édicté de nouvelles règles à respecter afin de renforcer la protection des personnes souhaitant se faire tatouer.
Sur sa proposition, le Conseil de gouvernement avait alors approuvé le texte du projet de règlement grand-ducal qui a pour objet de mettre en place le programme et la durée de la formation professionnelle spéciale des fonctionnaires chargés du contrôle des conditions d’hygiène et de salubrité à respecter par des personnes pratiquant des techniques de tatouage, de perçage, branding, cutting ou qui exploitent des cabines de bronzage UV.
Le ministre avait alors précisé : «Le fait que les contrôles de conformité seront dorénavant effectués par des officiers de police judiciaire est une démarche dans l’intérêt de la sécurité des clients. Une réglementation stricte dans ce domaine protégera davantage la personne qui souhaite avoir recours à ces techniques contre des risques sanitaires qui peuvent en découler si elles ne sont pas réalisées selon les règles de l’art.»
En cas de non-respect de l’hygiène, les actes en question exposent le client à des risques qui peuvent aller de la simple infection à la propagation de virus tels le VIH ou l’hépatite.
À partir du 1er juin de cette année, les boutiques qui commercialisent ces pratiques pourront faire l’objet de contrôles et de suites pénales si des infractions sont constatées.