Ce qui devait être une réunion d’information s’est transformé en séance d’annonces : le couloir multimodal qui reliera Luxembourg et Esch-sur-Alzette d’ici à 2035 pénétrera en France.
Mercredi soir, deux semaines après la présentation à la presse du concept de tram rapide et de couloir multimodal, François Bausch a dépassé le cadre de la réunion d’information digitale destinée aux habitants d’Esch-sur-Alzette en annonçant un changement conséquent pour la Métropole du fer et la haute vallée de l’Alzette voisine : un bus à haut niveau de service (BHNS) transfrontalier reliant la haute vallée de l’Alzette à la gare d’Esch-sur-Alzette et au futur tram rapide. Cette nouvelle ligne de bus en site propre remplacera plus efficacement la ligne ferroviaire entre Audun-le-Tiche et Esch-sur-Alzette qui sera, quant à elle, supprimée.
Ce BHNS transfrontalier fera la navette entre le pôle d’échange Micheville, le P&R d’Audun-le-Tiche, le quartier Lentille Terres-Rouges, la gare d’Esch-sur-Alzette, les friches Esch-Schifflange, qui accueilleront un arrêt de tram rapide et un accès au BHNS «Est-Ouest» qui reliera Pétange à Dudelange, ainsi que le futur pôle d’échange (tram, RGTR, P&R) prévu près de la zone d’activités Um Monkeler à proximité de l’A4. Ce «superbus» circulera toutes les 5 minutes, ce qui optimisera largement l’expérience des usagers des transports en commun. «Nous rendons le train plus attractif pour les frontaliers, car nous les amenons directement jusque dans le train qu’ils voulaient prendre», ce qui est loin d’être le cas actuellement, assure le ministre. La navette ferroviaire ne circule que toutes les 30 minutes.
Les frontaliers pourront donc circuler plus aisément de part et d’autre de la frontière ainsi que jusqu’à Luxembourg. Le projet présenté mercredi et qui doit encore être montré aux autorités françaises découle de résultats d’analyses réalisées dans le cadre du plan national de mobilité 2035 montrant que la demande projetée en mobilité transfrontalière exige une amélioration substantielle par rapport à l’offre actuelle. En effet, la population de la haute vallée de l’Alzette aura augmenté de 80 % dans quinze ans et avoisinera celle de l’agglomération eschoise aujourd’hui. Agglomération qui elle aussi va s’étoffer avec l’émergence des nouveaux quartiers de la Lentille Terres-Rouges et des friches d’Esch-Schifflange pour finalement presque former une agglomération transfrontalière.
«Nous accrocher de manière conservatrice à l’existant, cela ne nous fera pas avancer. Nous devons innover, a assuré le ministre de la Mobilité et des Travaux publics. Nous voulons utiliser les transports publics pour aller chercher les frontaliers où ils habitent et les amener de la manière la plus directe et la plus rapide là où les activités auront lieu en 2035.» Une réorganisation du réseau routier dans et autour d’Esch-sur-Alzette devrait y contribuer. Elle permettra notamment un apaisement des rues entourant la gare et le quartier Hiel, qui va voir disparaître son passage à niveau.
Une agglomération transfrontalière
François Bausch veut donner la priorité à l’homme et pas à la voiture. Le ministre promet une tout autre qualité de mobilité. «L’ensemble de l’agglomération de part et d’autre de la frontière va s’unir grâce à la mobilité, insiste le ministre. Pas uniquement grâce au BHNS, mais aussi grâce à la piste cyclable express qui va relier Audun-le-Tiche aux pistes cyclables prévues par la Ville d’Esch-sur-Alzette et au pont à vélo qui permettra de rejoindre Belval.»
La physionomie du sud-ouest de la Métropole du fer va donc changer avec la création de cette nouvelle ligne de bus en site propre. «Le passage à niveau qui constitue la seule voie d’accès et de sortie du quartier Hiel va disparaître, s’est réjoui le bourgmestre Georges Mischo. Le boulevard Kennedy va être coupé en deux par une borne rétractable, ce qui va contribuer à apaiser la circulation dans le centre-ville. Le trafic sera autorisé dans les quartiers selon un itinéraire précis. Le boulevard ne pourra plus être utilisé comme itinéraire de transit.» La zone entre le futur quartier Esch-Schifflange et le centre-ville va donc être totalement reconfigurée. Les piétons et les cyclistes pourront évoluer sur deux kilomètres entre les deux futurs nouveaux quartiers en passant par la rue de l’Alzette sans croiser une voiture.
«Le BHNS et le tram sont des solutions inédites, modernes et avant-gardistes qui vont considérablement augmenter la qualité de vie des Eschois et de leurs voisins ainsi que la situation des commerçants», a estimé Georges Mischo. À ceux qui se sont interrogés sur la possibilité d’un renforcement plutôt que d’une suppression de l’antenne ferroviaire, le ministre a expliqué que cette possibilité se serait avérée inadaptée aux défis urbanistiques et en matière de transports. Une augmentation de la cadence de la navette ferroviaire doublerait le temps de fermeture du passage à niveau qui enclave le quartier Hiel sans pour autant rapprocher les transports en commun des futurs quartiers résidentiels du côté français. Un prolongement des trains partant d’Audun-le-Tiche et allant jusqu’en gare de Luxembourg entraînerait, vu le nombre limité des sillons particulièrement sollicités entre Bettembourg et Luxembourg, la suppression d’autant de trains directs sur une autre ligne.
Reste aux habitants de la région à s’armer de patience. Comme le tram, cette ligne de bus ne devrait pas voir le jour avant 2035.
Sophie Kieffer