La crise sanitaire n’a pas facilité la tâche de l’association qui vient en aide aux plus démunis au Grand-Duché. L’avenir semble, lui, encore bien moins rose… Le point avec Arnaud Watelet, directeur administratif et financier de la Stëmm.
Situation intenable dans les deux restaurants sociaux
Ils sont, à l’heure actuelle, entre 140 et 200 à prendre quotidiennement un repas au restaurant social de Luxembourg-Hollerich (environ 300 en temps «normal»), et entre 90 et 130 à celui d’Esch-sur-Alzette. «Nos restaurants sociaux n’ont jamais fermé pendant la crise. Par contre, nous servions nos repas à l’extérieur des bâtiments, aussi bien à Luxembourg-Hollerich qu’à Esch-sur-Alzette. Depuis le mois de juin, nous avons cherché à faire entrer à nouveau nos clients-bénéficiaires à l’intérieur, tout en respectant les gestes barrières, explique Arnaud Watelet.
Ainsi, dans le restaurant de la capitale, la Stëmm parvient à faire pénétrer 21 personnes en même temps pour qu’elles puissent manger durant 25 minutes. Cette restriction est due au fait que les personnes seules sont largement majoritaires. «On ne peut pas les regrouper, étant donné qu’il ne s’agit pas de familles», dixit Arnaud Watelet. «Sur le mois d’août et pour la période actuelle de début du mois de septembre, nous av(i)ons encore de la place après 14 h pour manger. Par contre, nous avons une file d’attente de personnes, de 11 h à 14 h, lesquelles sont obligées de patienter pour pouvoir se restaurer. Cette situation est propre à un mois de septembre, où l’on se retrouve avec beaucoup plus de monde qui se présente. Nous risquons donc de ne pas pouvoir accueillir tout le monde dans le restaurant», souligne encore Arnaud Watelet. Avant, pour lui, d’indiquer espérer que la Wanteraktioun (Action Hiver) rouvre ses portes plus tôt qu’au mois de novembre, car sinon cela risque d’être problématique à Luxembourg-Hollerich : «Nous sommes au maximum de nos capacités et n’avons aucune autre solution en vue. Notre seul et unique espoir, et c’est en cours de négociation au niveau des ministères, serait que l’Action Hiver débute beaucoup plus tôt que le 1er novembre. Idéalement, nous aimerions qu’elle commence au plus tard le 1er octobre, car je pense qu’à partir du 15 septembre, la liste d’attente risque d’être trop longue.»
Une salle paroissiale sera louée à Esch
Du côté du second restaurant social de la Stëmm, à Esch-sur-Alzette, la situation est également très compliquée, mais une solution est en passe d’être trouvée. «Le restaurant est très petit et fait de 90 à 130 repas par jour. Aujourd’hui, les personnes sont toujours dehors, car nous devons distribuer les repas par la fenêtre. Ceci dit, nous ne connaissons pas de baisse d’activité et cela nous inquiète, car les températures ne vont pas rester relativement clémentes, mais devenir beaucoup plus froides et humides», précise le directeur administratif et financier de la Stëmm.
Bref, jusqu’à la semaine dernière, l’ASBL ne disposait d’aucun endroit pour accueillir les gens entre quatre murs et cherchait activement une salle où elle pourrait déporter son activité repas «pour permettre à nos clients de la rue d’avoir un toit sur la tête et de pouvoir un peu se réchauffer. Et, depuis la fin de la semaine dernière, nous avons une vraie possibilité qui est en train de se transformer, avec une confrérie de prêtres. Nous allons pouvoir louer une salle paroissiale jusqu’au mois de mars. Cela va nous permettre de pouvoir offrir un toit pendant quelques minutes, voire quelques heures, en fonction du volume de personnes, pour que ces dernières puissent se restaurer au chaud et couvertes», se réjouit Arnaud Watelet.
Pour parvenir à cette solution, la Stëmm a fait jouer son réseau de connaissances et ce sont les scouts d’Esch qui l’ont informée de l’existence de trois salles où un accueil serait potentiellement envisageable. Les deux parties se sont ensuite mises d’accord sur un bâtiment loué par une confrérie de prêtres, laquelle n’a pas l’utilité de cette salle. Et comme celle-ci se trouve à 100 mètres du restaurant, la Stëmm a fait ce choix pour des raisons logistiques, sinon l’association aurait dû déplacer son activité repas à Lallange, à l’autre bout d’Esch.
Les autorités sont-elles à l’écoute depuis la mi-mars ?
Les autorités sont-elles bien au courant de la situation ? Selon Arnaud Watelet, «Oui, car nous nous sommes bien manifestés. Il était question de bien leur expliquer que pour l’instant, on fait avec les moyens du bord et qu’on n’est pas encore submergés à Luxembourg-Hollerich, car les conditions climatiques permettaient encore de continuer comme cela au mois d’août, mais aussi qu’ensuite cela deviendra plus que compliqué. Car si nous avons une solution pour Esch, nous n’en avons pas pour Luxembourg. Nous avons une capacité de production qui va au-delà des 300 repas journaliers, mais la capacité d’accueil est insuffisante.»
«Nous n’avons pas été une priorité, mais nous n’avons pas été oubliés»
De manière plus générale, le directeur administratif et financier de la Stëmm rappelle que son ministère de tutelle est celui de la Santé et que depuis mi-mars, celui-ci est sous les feux de la rampe en devant gérer la pandémie. «Je ne pense pas qu’on ait été une priorité mais, en tout cas, on n’a pas été oubliés!», estime-t-il. «Quand on a eu besoin de matériel de protection individuelle et de masques à distribuer à nos clients, nous avons eu du répondant de la part du ministère de la Santé. Nous avons géré la situation, mais aujourd’hui, on se retrouve dans une incapacité de pouvoir accueillir autant de personnes qu’avant. Et cette partie-là s’est vraiment matérialisée à partir du mois de juin, où on s’est dit : « Là, on ne saura pas faire ». À ce stade, nous n’avions pas de bonne solution. On n’a pas été oubliés, mais cette situation nouvelle est une problématique qui est partagée et pour laquelle les pouvoirs publics n’ont pas encore apporté de solutions, même s’ils sont en réflexion pour ce faire.»
Aucun cas positif au Covid-19
Aucun collaborateur de la Stëmm n’a été touché par le Covid, mais qu’en est-il des bénéficiaires? «Nous n’avons pas eu à gérer de cas de Covid, mais je ne peux pas vous assurer qu’il n’y en ait pas eu. Pour rappel, une grosse partie de nos bénéficiaires était aussi au Findel, dans le cadre de la Wanteraktioun, et ils sont restés « cloîtrés » là-bas. Une procédure avait été mise en place pour isoler un certain nombre de personnes. Le bâtiment B du Findel est resté ouvert tout le temps et une capacité d’accueil de neuf personnes, pour pouvoir les isoler en cas de problème, était assurée. Mais au sein de la Stëmm, nous n’avons pas eu à gérer de cas positif. Nous nous sommes préparés, au cas où, pour pouvoir accompagner ces personnes. Il subsistait encore un certain nombre de questions, dont celle de savoir où il aurait été possible de les faire dépister car, par définition, ce sont des personnes qui n’ont pas de numéro de sécurité sociale. On ne savait pas non plus comment les isoler et leur permettre de vivre leur quarantaine. Ces questions ont également été adressées au ministère et les solutions, aujourd’hui, sont en cours de validation.»
Y a-t-il eu des dons pendant la crise ?
De nombreuses entreprises ont soutenu la cause de la Stëmm durant la pandémie. L’association a ainsi eu accès à des financements pour une camionnette frigorifique, un robot mixeur-coupe légumes pour le restaurant de Hollerich, ou encore un nouveau lave-vaisselle. Des travaux sont également prévus dans la cuisine du restaurant social d’Esch, pour lui permettre d’avoir une plus grande capacité.
De plus, une camionnette pour l’atelier de réinsertion (Schweesdreps) a été financée par des donateurs. La Stëmm a aussi reçu un don d’un donateur privé pour acheter des vêtements, lors de la réouverture des Klederstuffen, parce que les dons de vêtements avaient été interrompus.
«De nombreux donateurs nous ont donc permis de financer des projets qu’il était urgent de mettre en œuvre. Soit pour augmenter nos capacités de transformation pour effectuer des repas, soit pour améliorer les conditions de travail dans nos différents ateliers parce que les mesures de distanciation sociale nous ont aussi imposé des modifications profondes, comme pour toutes les entreprises d’ailleurs, dans les processus de fabrication et de transformation», détaille Arnaud Watelet.
Projet de pergolas aux terrasses des restaurants
Par ailleurs, l’association a des projets qu’elle souhaite réaliser au plus vite, dont celui d’installer des pergolas aux terrasses de ses restaurants sociaux : «Enfin, nous avons encore quelques projets qui nous tiennent à cœur, comme l’aménagement des terrasses des restaurants sociaux avec un système de pergolas afin de pouvoir transformer nos terrasses, qui sont ouvertes, en des espaces bénéficiant d’un toit, ce qui nous permettrait de protéger des intempéries de l’hiver une partie supplémentaire de bénéficiaires. Nous allons essayer de trouver des solutions et des financements pour tous nos projets en cours.»
Claude Damiani