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SOS Faim : il y a aura des nouvelles affiches


L'association a pris des risques avec cette campagne réalisée par l'agence luxembourgeoise Comed pour «réveiller les consciences». (Photo d'illustration : archives LQ)

L’association SOS Faim Luxembourg a fait parler d’elle la semaine dernière… Sa campagne d’affichage «Qu’ils se débrouillent!», a fait bondir les citoyens. Mardi, elle expliquait sa démarche.

Merci aux nombreuses personnes qui ont réagi à cette campagne en s’adressant à la police et aux médias, certains ont même voulu porter plainte. Quelque part, vous nous avez rassurés en n’acceptant pas des propos que vous preniez pour racistes, en refusant de fermer les yeux», a lancé d’emblée Thierry Defense, directeur de SOS Faim, mardi dans une conférence de presse à Luxembourg. L’ONG explique la campagne anonyme lancée jeudi qui a provoqué le débat avec une phrase choc : «Qu’ils se débrouillent!» inscrite sur les photos de personnes africaines en détresse.

La provocation était voulue pour attirer l’attention de potentiels donateurs dans le pays de l’OCDE où le nombre d’ONG est le plus nombreux : une pour 6 000 habitants. Or le marketing direct habituellement adopté ne marche plus : «Chaque année, nous perdons des donateurs.» L’association a donc pris des risques avec cette campagne réalisée par l’agence luxembourgeoise Comed pour «réveiller les consciences». Leur but est de montrer qu’il y a toujours encore des inégalités Nord-Sud et des personnes qui ne peuvent pas manger avec leurs ressources, «qui ne peuvent pas se débrouiller seules faute de moyens, reprend le directeur. Nous avons voulu contrebalancer cette idée que l’Afrique a éternellement besoin d’aide, sera éternellement dans l’assistanat. Nous voulons mettre un coup d’arrêt à cette image de relation de dépendance entre le Nord et le Sud, cette image de dépendance qui est depuis longtemps dans nos têtes même de façon inconsciente».

Aider à s’aider soi-même

«Se débrouiller», même si le terme n’est pas encore assez fort pour l’ONG, cela signifie que les Africains-Africaines puissent être acteurs de leur propre développement : «Aujourd’hui, nous avons encore besoin d’aide pour qu’un jour les paysans locaux puissent se nourrir eux-mêmes et la population en toute autonomie. Pour cela, il est impératif que leurs droits soient reconnus : droit à la terre, droit à l’eau, droit aux semences, au financement… Qu’ils puissent être dignes et fiers de leur travail. C’est pour cela que SOS Faim travaille sans relâche depuis 26 ans», détaille le directeur.
La deuxième vague de la campagne a commencé dans la nuit de lundi à mardi. Les affiches choquantes sont progressivement recouvertes par de nouvelles, avec les mêmes personnes, le même message : «Qu’ils se débrouillent!», mais complété de la mention «c’est notre objectif» avec davantage d’explications sur le projet de SOS Faim. L’ONG assume totalement cette campagne et estime que la polémique qu’elle a suscitée est déjà le signe d’un certain succès.
La campagne comporte d’autres étapes que SOS Faim ne veut pas encore totalement dévoiler. Des bulletins seront notamment envoyés aux donateurs de l’ONG avec les actions qu’elles mènent.
«Nous allons aussi répondre aux personnes qui ont manifesté leur indignation sur les réseaux sociaux», assure le directeur car jusque-là l’ONG s’était faite discrète laissant les gens dans l’incompréhension pour garder l’effet de surprise.
Seul le temps pourra dire si ce pari a été payant, si certains donateurs ne se sont pas détournés de l’ONG ne lui pardonnant pas ce coup de com provocateur et peut- être déstabilisant. «C’est un risque, mais je pense que les gens sont assez intelligents pour comprendre notre but», répond Claude Muller, directeur de Comed aux critiques.
Thierry Defense rebondit : « »Qu’ils se débrouillent! » Ce slogan ce n’est pas nous qui l’avons inventé, c’est la conséquence d’un monde assez injuste qui génère de la pauvreté.»

Audrey Libiez

Plus de renseignements sur les activités de l’association ici.

Un «risque pour se démarquer»

Ce coup de communication est le fruit de l’agence Comed qui a conseillé à son client de prendre un risque en se démarquant de la concurrence par cette campagne choc. Avant les fêtes de fin d’année, où l’on pense généralement davantage aux personnes dans la détresse, le «marché» est saturé de message de demandes de dons. «Nous voulions ce petit scandale car nous avions peur qu’en étant très clair, ce cri d’alarme (il y a toujours des personne qui ne peuvent pas survivre sans aide) passe inaperçu dans le quotidien de beaucoup de gens. Nous nous sommes dits provoquons un peu, puis donnons les explications après», indique Claude Muller, directeur de l’agence Comed.

Au sein même de SOS Faim, la proposition a aussi fait débat avant d’être acceptée. «Jusqu’ici, nous envoyions à toutes les boîtes (aux lettres) 225 000 exemplaires des demandes de dons, rappelle Thierry Defense, directeur de SOS Faim. C’est un système qui a très bien marché, il y a 10 ans, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Et on le voit chez toutes les ONG, nous perdons tous des donateurs. Nous avons également des donateurs qui vieillissent. Ici, la stratégie était aussi de rajeunir nos sympathisants en remplaçant un outil qui est dépassé et ce n’est pas facile.»

La campagne se devait d’être percutante avec un budget limité. Cela a été possible en imprimant deux fois 400 affiches au format A1, 15 000 flyers. «C’est une campagne à petits moyens, mais un peu décalée», note Claude Muller. «C’est toujours un peu schizophrénique : on doit dépenser de l’argent pour se faire connaître, mais on ne peut pas dépenser trop d’argent sinon les donateurs nous le reprochent», conclut le directeur de SOS Faim. Entre 60 000 et 65 000 euros sont dépensés pour cette campagne. L’an passé l’ONG avait investi environ 80 000 euros pour sa campagne de fin d’année et récolté 569 000 euros. Un prorata dépenses/gains qu’elle ne veut pas dépasser.