Les soldes d’hiver s’achèvent ce mercredi soir. Une édition inhabituelle sous de nombreux aspects, selon les commerçants du centre-ville de Luxembourg qui constatent un changement des comportements d’achats.
Les rues sont bondées, les réductions s’affichent en grand et en couleurs fluorescentes dans les vitrines du centre-ville de Luxembourg, mais pourtant peu de personnes portent des sacs siglés de boutiques dans la foule de ces trois derniers samedis après-midi. Le télétravail et l’incertitude liée à la pandémie ont-ils changé les habitudes de consommation des citoyens ? «Il y a beaucoup de promeneurs», note Elisabeth, responsable de la boutique Georges Rech – Apostrophe au bout de la Grand-Rue. «Le premier samedi des soldes était excellent. Les autres beaucoup moins. Cette affluence n’a pas déclenché plus d’achats. Les gens voulaient juste se changer les idées, plutôt que de rester entre quatre murs chez eux.»
Pourtant, les commerçants qui ont bien voulu livrer leurs impressions en direct sans renvoyer vers une maison mère qui souhaite rarement s’exprimer, ne sont pas mécontents des soldes d’hiver en version Covid-19. À l’image d’Ophélia, responsable de la boutique The Kooples, rue Philippe-II. «Le Covid-19 fait toute la différence par rapport aux soldes d’hiver de l’an dernier. Nous constatons une baisse de 45% du trafic dans la boutique et une gestion des flux plus compliquée notamment en raison de l’affluence en centre-ville les samedis», indique la jeune femme occupée à installer la nouvelle collection en rayon. Lundi, nous avons eu 20 passages en boutique contre 70 il y a un an. Il y a moins de passage en semaine. Les gens sortent le week-end, mais nous n’avons pas les capacités de les accueillir comme avant en raison des restrictions sanitaires. De plus, nous avons perdu 75% de trafic entre 18h et 19h en raison des couvre-feux.» Une baisse de fréquentation qui ne se reflète pas dans les ventes. «Le chiffre d’affaires n’est pas mauvais. Nous limitons la casse avec seulement une baisse de 10%», annonce Ophélia.
Moins de trafic, mais des achats plus ciblés. «On a senti des habitudes de consommation différentes», intervient Fred, responsable de la boutique fusalp, voisine de la précédente. Le fait de ne pas avoir pu partir en vacances a encouragé les gens à consommer des produits de luxe ou de très haut de gamme. Il y avait des files d’attente qui n’en finissaient plus devant chez Gucci, Cartier, Vuitton, qui, eux, ne pratiquent pas de soldes. Toutes les boutiques du Sentier (NDLR : le quartier de la confection à Paris, berceau de marques comme Sandro, Maje, The Kooples) de moyenne gamme ont connu une baisse des ventes et de trafic. Les gens consomment dans autre chose.»
La boutique de la marque de vêtements et accessoires de sports d’hiver de luxe a ouvert au mois d’octobre dernier. «On a eu beaucoup de monde en novembre et avant les fêtes, mais les soldes sont différents de ce que j’ai connu les années précédentes dans d’autres boutiques du centre-ville», indique Léa, responsable adjointe. «Le fait d’avoir décalé les soldes n’a pas aidé à inciter les gens à consommer. C’est trop tard. Les gens sont tous partis au ski en pleine période de soldes. En plus, le mois de février n’a jamais été un gros mois pour les soldes, c’est un des mois les plus calmes de l’année», estime Fred. Le responsable de boutique incrimine également les mesures sanitaires des pays voisins qui auraient eu des répercussions sur la santé du commerce luxembourgeois. «En tant que pays de transit, nous avons aussi beaucoup souffert des confinements et de la fermeture des frontières. Les touristes et les clients frontaliers ont manqué.»
«De très belles réductions»
La fermeture des restaurants et le télétravail sont également invoqués comme ralentisseurs de l’activité commerciale. «Les gens se déplacent en boutique pour faire des achats utiles», souligne Fred. Ils ne flânent plus et n’achètent plus au coup de cœur. En télétravail, plus besoin d’être à la mode ou de s’habiller pour aller travailler. «Les marchands de costumes font de grosses ristournes», remarque le responsable. Pourquoi acheter une robe ou un costume dont on n’aura pas l’utilité dans l’immédiat ? Parce que qui dit soldes, dit bonnes affaires et que cette année, entre les ventes privées ou privilèges et les vrais soldes avec leurs démarques successives, les pourcentages se sont réellement envolés. Qu’on trouve une robe et un pull dans une enseigne de fast fashion pour 29 euros au lieu de 69, une robe en soie chez Zadig&Voltaire à 120 euros au lieu de 440 en profitant de 20% supplémentaires à l’achat d’un deuxième article ou encore de bottes de marque à 70 euros au lieu de 285 chez un chausseur du centre-ville, il y avait moyen de se faire plaisir.
Elisabeth, responsable de la boutique Georges Rech – Apostrophe, le confirme : «Les soldes se sont très bien passés, malgré une baisse de trafic en raison du télétravail. Il faut dire que nous avons pratiqué de très belles réductions dès le début.» Le week-end, la boutique profite de la récente proximité des Galeries Lafayette. «Personne ne venait jusqu’ici avant, à moins d’être une cliente fidèle. Nous n’avons pas à nous plaindre, même si certaines journées sont plus dures que d’autres et qu’il y en aura encore. Il ne faut pas se leurrer. Nous fonctionnons bien le week-end, mais c’est insuffisant sur l’année, même si j’ai presque atteint mon objectif durant les soldes.»
Des soldes que les commerçants rencontrés mardi auraient aimé voir être prolongés jusqu’à la fin du mois pour permettre aux gens qui n’en ont pas eu le temps jusqu’à présent de profiter des dernières affaires. Cette édition aura donc été marquée par moins de passage dans les magasins, mais le panier moyen était plus important, car moins d’activités étaient possibles pour les ménages, ainsi que par un recul du nombre de clients étrangers qui «hésitent à faire du shopping parce que les restaurants et les cafés sont fermés». À l’image de Fred, les commerçants ne se laissent pas abattre : «Le côté positif, l’année prochaine, nous ferons de grosses progressions.»
Sophie Kieffer