Au tour du Grand-Duché ! Lundi, les premiers vaccins anti-Covid ont été administrés. Près de 1 300 membres du personnel de santé sont appelés à se faire vacciner jusqu’à mercredi.
« Tout va bien ! Je me sens parfaitement normale ! », assure dans un grand sourire et visiblement en pleine forme Catarina Fernandes, infirmière cheffe de l’unité des maladies infectieuses du Centre hospitalier de Luxembourg (CHL), le service spécialisé dans le soin des patients atteints du Covid-19. Elle est la première personne au Grand-Duché à avoir reçu une dose du vaccin Pfizer/BioNTech contre le coronavirus, à la halle Victor-Hugo à Luxembourg-Limpertsberg. « L’injection ne m’a pas fait mal. Ce sont de vrais pros, et en tant qu’infirmière, j’en sais quelque chose ! »
La vaccination est un choix personnel, mais pour moi ça a été une évidence
Pour Catarina Fernandes, qui n’a jamais été contaminée par le coronavirus malgré une exposition constante depuis dix mois (elle a d’ailleurs accueilli le premier patient Covid au CHL), se faire vacciner aujourd’hui est « une chance, un privilège ». « C’est un honneur de pouvoir bénéficier de ce vaccin et de contribuer à la protection collective. En étant en première ligne, on voit l’impact du virus… Cette vaccination ne va pas changer grand-chose à ma façon de travailler, mais je crois que je serai plus sereine de me savoir immunisée. » Aucune appréhension donc pour cette professionnelle de santé âgée de 40 ans. « La vaccination est un choix personnel, mais pour moi ça a été une évidence. Il y a des gens qui croient toujours que l’homme n’est pas allé sur la Lune ! Moi, je crois aux progrès de la science. »
S’il y a une chance de mettre fin à cette pandémie, il faut le faire
Kevin Nazarro, 29 ans, infirmier à domicile qui a rejoint début octobre ce même service spécialisé du CHL afin d’apporter son aide, s’est fait lui aussi vacciner, mais avoue pour sa part avoir eu un peu de crainte. « Avec tout ce qu’on entend… Mais s’il y a une chance de mettre fin à cette pandémie et de reprendre une vie quasi normale, il faut le faire. Et je vais pouvoir montrer que je vais bien, qu’il n’y a pas d’effets secondaires. » Face au manque de recul, lui non plus ne changera en rien sa façon de travailler. « Mais peut-être qu’on sera soulagés dans notre travail, car il y aura moins de cas et moins d’hospitalisations. »
À l’entrée de la halle, les patients suivants, tous considérés comme prioritaires pour se faire vacciner par le gouvernement, font la queue munis de leur carte d’identité, leur carte de sécurité sociale et leur convocation de rendez-vous. Des membres du CGDIS, de l’armée et des douanes sont chargés de vérifier l’enregistrement administratif et le bon remplissage du questionnaire pré-vaccination.
Pas de contre-indication mais des précautions
Ils sont ensuite orientés vers l’un des espaces cloisonnés pour se faire vacciner, où ils seront alors pris en charge par un médecin et une infirmière. Trente-deux professionnels de santé au total (seize médecins, seize infirmières), des fonctionnaires et des volontaires, vont travailler à la halle Victor-Hugo. « Le médecin va pratiquer l’examen et prescrire le vaccin, ou pas », indique le Dr Sébastien Français, médecin à la direction de la Santé et membre de l’équipe de coordination à la vaccination.
En effet, si à ce jour une seule contre-indication a été retenue par l’Agence européenne du médicament – la connaissance d’une allergie à l’un des produits composant le vaccin, comme l’explique le Dr Français – par manque de recul et par mesure de précaution, il n’est pour l’instant pas recommandé de vacciner les femmes enceintes ou allaitantes ainsi que les enfants de moins de 16 ans. En outre, comme pour tout autre vaccin, si le patient présente des symptômes d’une infection le jour de son rendez-vous (de la fièvre par exemple), le vaccin ne pourra lui être administré.
« L’infirmière procède ensuite à la préparation du vaccin, car celui-ci nécessite d’être dilué , précise le Dr Français. Il faut compter entre 5 et 10 minutes pour préparer cinq vaccins. » Les personnes vaccinées sont ensuite invitées à se reposer un quart d’heure dans une zone dédiée à cet effet, « pour s’assurer qu’il n’y ait pas d’effet indésirable rapide, par exemple une allergie, ce qui peut arriver, mais c’est extrêmement rare ». À cet égard, trois pompiers veillent constamment, prêts à intervenir en cas de besoin. Au final, l’opération aura pris en tout et pour tout une demi-heure maximum, phase de repos incluse.Rendez-vous est déjà pris pour la deuxième injection, 21 jours plus tard. Là non plus rien d’inhabituel, assure le Dr Français : « Ce qui est particulier, c’est que le rappel est relativement réduit. Mais très souvent, pour beaucoup de vaccins, on a besoin de faire un rappel, proche, pour provoquer un boost du système immunitaire. »
Même si la pandémie revêt une envergure exceptionnelle, le Luxembourg avait déjà eu quelques expériences en matière de gestion des personnes en grand volume et de vaccination, notamment lors de la grippe H1N1 en 2009, où des centres de vaccination avaient déjà été montés.
Un défi logistique
Toutefois, « cette fois-ci, cela a été un vrai défi logistique, en raison des difficultés de conservation du vaccin et du fait que nous avions énormément d’inconnues. Les données fournies par les laboratoires lorsque nous avons commencé à travailler sur le centre, il y a deux mois, étaient très réduites », explique le Dr Français. Les vaccins sont livrés dans des conteneurs spéciaux et conservés dans des congélateurs adaptés. Ils peuvent être gardés sur site jusqu’à cinq jours. Mais « on ne stocke pas de vaccins la nuit ici, car on connaît le nombre exact de doses dont nous avons besoin », prévient Luc Feller, le haut-commissaire à la Protection nationale.
« Il y a des choses qu’on ne sait pas précisément , reconnait le Dr Français. Des études prouvent que le vaccin permet de protéger contre la maladie et qu’il peut permettre de diminuer l’importance des effets graves du Covid-19. Le fait d’avoir déjà été positif au coronavirus ne constitue pas non plus une contre-indication. Par contre, on ne sait pas si le vaccin empêche de contaminer d’autres personnes. Nous ne disposons pas encore de suffisamment de données. » Un point fondamental, car si le vaccin ne permet pas de protéger les autres, les mesures sanitaires et de distanciation sociale doivent rester de rigueur.
Fin mars, 36 000 personnes vaccinées
Ils étaient 430 à être attendus lundi à la halle Victor-Hugo pour recevoir, à l’instar de Catarina et Kevin, leur première dose de vaccin anti-Covid. Ils devraient être autant aujourd’hui ainsi que demain pour cette première phase de vaccination, destinée au personnel considéré comme prioritaire. La capacité de vaccination devrait ensuite passer dans ce centre de 1 500 à 1 900 personnes par jour. « Le personnel hospitalier, le personnel de santé, le personnel qui intervient dans les structures d’hébergement pour personnes âgées, les ambulanciers qui sont en contact direct avec les patients Covid, les professionnels de santé hors milieu hospitalier et les résidents de structures pour personnes âgées seront les premiers vaccinés, soit 36 000 personnes », rappelle Luc Feller. En l’état actuel de la disponibilité du vaccin, ce nombre devrait être atteint fin mars. « Mais cela peut changer si un autre vaccin est mis sur le marché. »
« Un peu plus de 15% seront vaccinés dans les structures, 50% seront invités aux centres de vaccination et un peu plus de 30% sur site, dans les hôpitaux. On espère avoir un grand taux d’adhésion », indique Luc Feller. À l’heure actuelle, plus de 80% des personnes invitées à se faire vacciner ont répondu favorablement selon le haut-commissaire.
Tatiana Salvan