Plus de trente-cinq ans après son apparition, le sida continue de se transmettre et de tuer. La crise sanitaire ne doit pas faire oublier le dépistage.
À l’occasion de la journée mondiale de Lutte contre le sida, le service HIV Berodung de la Croix-Rouge et le Comité de surveillance du sida ont organisé mardi une cérémonie symbolique dans le parc de l’Europe, à Dommeldange. À défaut de pouvoir procéder à la traditionnelle distribution de quelque 2 000 préservatifs à différents endroits du pays en raison du contexte sanitaire – une première depuis le lancement de cette initiative en 1988 – HIV Berodung s’est vu remettre symboliquement sous son patronage un arbre de la part de l’ASBL Paticka.
L’association Paticka, qui a été officiellement dissoute hier, «faute d’un nombre suffisant de membres, le sida restant encore un sujet tabou», comme l’explique avec tristesse son président et fondateur, Patrick Wengler, avait planté ce tilleul en 2016 en hommage aux personnes décédées du sida et en soutien à celles vivant avec le VIH au Luxembourg.
Cette cérémonie a aussi et surtout été l’occasion de rappeler que le VIH existe toujours et que l’épidémie continue de se propager. L’ONUSIDA estime ainsi que près de deux millions de personnes à travers le monde ont été nouvellement infectées par le VIH en 2019, et plus de 32 millions de personnes sont décédées des suites de maladies liées au sida depuis le début de l’épidémie, au début des années 1980.
«La crise aura un impact»
En 2019, 48 nouvelles infections au VIH ont été enregistrées au Luxembourg, un chiffre identique à celui de 2018, et sept personnes sont décédées du sida. Cependant, l’an passé, le pays est parvenu à atteindre l’un de ses objectifs, ce qui a d’ailleurs valu au modèle de soins communautaires luxembourgeois d’être cité en exemple par l’Observatoire européen des drogues.
Le rapport d’activité 2019 du Comité de surveillance du sida a en effet montré qu’il n’y a désormais plus de transmission du virus entre les usagers de drogues, et ce, grâce aux projets communautaires plus adaptés mis en place, grâce aussi à l’augmentation des dépistages sur les sites de traitement ainsi qu’à l’accès à des traitements antirétroviraux pour ces personnes vulnérables et précarisées.
«La flambée épidémique chez les usagers de drogues que le Luxembourg a connue entre 2015 et 2017 est bel et bien stoppée depuis 2018 : seuls 3 cas d’infections au VIH ont été recensés par usage de drogue (…) en 2019, et il s’agissait d’infections antérieures à 2019», rappelle dans un communiqué le ministère de la Santé, qui signale par ailleurs : «Le Luxembourg est ainsi le seul État membre à atteindre les cibles de l’OMS concernant les échanges de seringues (au moins 200 seringues stériles disponibles par usager de drogue) et la couverture de substitution aux opioïdes.»
Mais la vigilance à l’égard de ce virus pour lequel il n’existe toujours pas de vaccin ne doit pas se relâcher, surtout en cette période de crise sanitaire. Celle-ci a d’ailleurs inspiré le slogan de la nouvelle campagne de lutte contre le sida : «Les gestes barrières, même sous la ceinture !».
Tatiana Salvan
Une capitale engagée
En effet, «il est estimé que 15 % des personnes contaminées au Luxembourg ignorent qu’elles sont séropositives», écrivait le Dr Carole Devaux dans le rapport 2019 du Comité de surveillance du sida qu’elle préside. Or, «comme pour le coronavirus, à ce jour, le meilleur moyen contre le sida, c’est la prévention», a-t-elle rappelé lors de la cérémonie symbolique. Sauf que «la crise du Covid aura forcément un impact alors que la situation avait été stabilisée l’an passé : les dépistages ont clairement diminué pendant la période du confinement. Le CHL a enregistré une baisse de 48 % des tests VIH de mars à mai 2020 par rapport à la même période en 2019, et encore 20 % de moins de mai à juin», s’inquiète le Dr Carole Devaux.
La présence à cette cérémonie symbolique de l’échevin de la ville de Luxembourg Maurice Bauer a été l’occasion de souligner que la capitale fait depuis fin novembre partie des «Fast-Track Cities». Cette initiative regroupe des villes qui s’engagent à mettre en place les objectifs 90-90-90 de l’ONUSIDA : 90 % des personnes infectées au VIH sont dépistées, 90 % des personnes dépistées sont sous traitement antirétroviral et 90 % de ces personnes vivent avec une charge virale indétectable. Le but étant de mettre fin à l’épidémie du sida d’ici 2030.