L’artiste photographe luxembourgeoise Neckel Scholtus s’est installée dans «le village» des forains de la Schueberfouer, afin de montrer leur «chez-soi».
« Bonjour, ça va ?», «Oui, et vous ?»… La conversation se poursuit quelques instants. Annick Sophie «Neckel» Scholtus a déjà sympathisé avec ses voisins. L’artiste photographe luxembourgeoise a installé, depuis la semaine dernière, sa caravane «chambre noire», boulevard Paul-Eyschen à Luxembourg, au milieu des caravanes des forains.
Après être allée en Afrique (Maroc, Mauritanie et Mali), avoir travaillé à Paris ou encore sillonné différents villages du Grand-Duché à bord de sa caravane, transformée en «chambre noire» et nommée Roulot’ographe, Neckel Scholtus a décidé de « montrer le chez-soi des forains de la Schueberfouer ». « On connaît tous la Fouer au Luxembourg et dans la Grande Région , poursuit celle qui a travaillé comme serveuse à la foire pendant ses études. Beaucoup de forains viennent pendant trois semaines, on connaît leurs manèges, mais eux, non. L’essentiel de mon travail est toujours axé sur la question du chez-soi. Ici, je veux livrer un nouveau regard sur les forains et leur habitat. »
Avec ses appareils photos, elle va à la rencontre des forains luxembourgeois, belges, français… qui ont installé leurs caravanes dans la capitale. Elle travaille en sténopé ( lire ci-dessous ) et en numérique. Elle s’attache aux « traces et aux moments de vie » comme les objets symboliques qui ornent les intérieurs des caravanes ou encore le fait que tous les matins de nombreux forains suspendent oreillers et couettes à leurs fenêtres… « Pour le moment, je ne suis qu’au milieu de mon travail, la Schueberfouer dure encore deux semaines , rappelle-t-elle. C’est un peu la fin de la phase d’observation. Je découvre chaque jour un nouveau contact, une nouvelle approche, une nouvelle vision… »
«Leur chez-soi, c’est partout»
Présente sur le boulevard Paul- Eyschen tout au long de la journée – « pour le moment, je n’ai dormi qu’une fois ici » – depuis le début de la Fouer, Neckel Scholtus discute beaucoup avec les forains. « Les contacts se passent bien , affirme-t-elle. J’écoute et je traduis en images. »
Et c’est quoi la vie d’un forain de la Schueberfouer? « Ils travaillent tous beaucoup et tout se concentre sur le manège , répond Neckel Scholtus. Le matin, ils préparent le manège, l’après-midi et le soir, ils accueillent les clients… Ils n’ont pas beaucoup de temps. Et lorsque leur journée de travail est terminée, certains se détendent en se retrouvant pour discuter, d’autres préfèrent s’isoler en famille dans leur caravane. Mais ils se connaissent tous, se saluent, discutent, boivent le café ensemble le matin… Comme dans n’importe quel village. »
Et leur habitat, comment est-il ? « Cela dépend, indique l’artiste photographe. Certains ont des caravanes faites par des architectes comme de vraies maisons. D’autres se contentent d’une petite caravane avec le strict minimum, mais ils ne sont pas pour autant malheureux. Cela interroge sur notre société de consommation dans laquelle on accumule les choses. »
La vie de forain n’est pas comme les autres. « Certains ne veulent pas s’attacher à un endroit , souligne Neckel Scholtus. Par exemple, ils étaient contents d’arriver à Luxembourg, mais ils vont aussi l’être au moment de repartir. Ils ont l’envie de voir autre chose, souvent. Pour beaucoup d’entre eux, leur chez-soi, c’est partout. »
Guillaume Chassaing
Pour suivre Neckel Scholtus : http://ne-ck-el.tumblr.com/
Le sténopé en bref
Annick Sophie «Neckel» Scholtus a transformé sa caravane et plusieurs boîtes en sténopé. En quoi? Le sténopé est un dispositif permettant d’obtenir un appareil photographique dérivé de la camera obscura (chambre noire). Il s’agit d’un simple trou de très faible diamètre.
Sur la surface opposée au trou vient se former l’image inversée de la réalité extérieure, que l’on peut capturer sur un support photosensible (tel que du papier photographique). Pour faire simple, on peut dire que le sténopé fonctionne de la même manière que l’œil, il capture des images inversées du visible.
Le trou du sténopé est minuscule, par conséquent, il permet une plus grande latitude d’exposition et offre une très grande profondeur de champ (presque à l’infini).