Fort de 11 000 visiteurs en 2015, le musée national des Mines de fer rouvre ses portes ce vendredi 1er avril à Rumelange. Nouvelle muséographie, nouveau petit train : la mémoire ouvrière séduit plus que jamais.
Ils ont été pionniers de la sauvegarde de la mémoire ouvrière. Dès 1973, dix ans après la fermeture des mines de Rumelange, les anciens travailleurs se constituaient en ASBL pour sauvegarder non plus leur gagne-pain, mais leur raison d’être. Comment expliquer à des mineurs que le «fond» allait être bouché, et les puits de chevalement mis à terre dans une dernière ruade? Impossible. Toute une ville n’a existé que par son histoire du fer.
Rumelange, qui a poussé dès la fin du XIX e siècle autour de ses galeries : les fermer, ç’aurait été comme enlever la mer aux Bretons. Il y a eu l’immigration, le dur labeur, les clubs de foot, les écoles, les associations – tout – grâce à la mine. Le paysage lui-même raconte cette histoire.
Alors que la nouvelle saison du musée national des Mines de fer s’ouvrira vendredi, les responsables peuvent lancer fièrement : « Rumelange n’est pas une ville banale .» La petite phrase est signée Tayeb Youb, le comptable du musée. C’est lui qui nous a présenté les nouveautés hier, lors d’une visite privée. « Moi je n’ai rien à voir avec la mine , raconte-t-il. Mais je dis toujours aux gens : « Venez faire un tour, venez vous sentir tout petit au fond d’une vraie galerie »! » Quand Tayeb parle des mines de Rumelange, on croirait un guide qui parle du Mont-Blanc.
« Se sentir tout petit » face aux éléments, « comprendre le courage » de ceux qui ont arpenté ce paysage féroce, « ne pas les oublier » surtout, puisque personne, visiblement, n’a rassemblé les souvenirs des mineurs de Rumelange dans un livre façon Premier de cordée de Frison-Roche. « Des beaux livres il y en a, mais pas des mémoires d’ouvrier. Le dernier mineur de chez nous est mort il y a deux ans, c’était quelqu’un de passionnant. »
Que de nouveautés en 2016!
Pour se rattraper, il reste donc ce superbe musée. Première nouveauté 2016 : une locomotive toute neuve, construite en Allemagne spécialement pour le musée. Elle va remplacer les deux vieilles locos épuisées. Plus de risque de tomber en panne et de retarder les visites donc! De nouveaux wagonnets doivent arriver fin avril et porter la capacité de transport à 32 places. Le petit train permet de visiter l’extérieur de la mine (environ 2,5 km) et d’accéder à l’entrée de celle-ci. Là, le visiteur descend pour une visite d’un kilomètre dans les installations de la galerie. Frissons garantis!
Mais la grosse nouveauté se trouve en amont du parcours, car toute la muséographie a été revue. « Cela nous a pris un an », glisse Tayeb Youb. Le résultat est à la hauteur du travail : un parcours pédagogique sur trois salles permet de cerner toute l’histoire du fer et de Rumelange en particulier. Les panneaux design sont très bien renseignés. Surtout, des images d’archives et des vestiges rares de la mine sont exposés. Comme cette penderie de vestiaire, adaptée au retour du mineur : en haut un cintre, en bas un baquet pour préparer le savon ! Une vieille savonnette de la marque belge Sunlight est même exposée.
On retrouve bien sûr de nombreux outils (certains proviennent de la mine de Differdange, fermée en 1981) et un panel complet des lampes à carbure utilisées au fond selon les époques. Mais encore quelques objets qui à eux seuls suffisent à résumer les dangers du métier, tel qu’un vieux détecteur de gaz siglé «ARBED» ou des explosifs employés pour éclater la roche.
Les documents (écrits, photos) sont nombreux, le parcours est passionnant. « Il laisse un peu de suspense avant de descendre dans la galerie , sourit Tayeb. Le visiteur comprend mieux l’ouvrage et la puissance du lieu .» L’ancien accueil laissait à désirer. Désormais, tout est clair, cinq thèmes sont déclinés : 1) Luxembourg, le don du fer. 2) L’environnement naturel de la mine. 3) Techniques de travail. 4) La vie du mineur. 5) Le quotidien au fond.
L’aspect didactique n’empêche pas l’esprit de vagabonder. On est impressionné devant la monumentale statue de Jean-Pierre Bausch, mineur député défenseur de la cause. On est ému devant les photos des premiers mineurs, bariolés comme des Italiens ou des paysans fraîchement débarqués, chacun avec ses rêves. En sortant, on se dit que oui, Rumelange n’a rien d’une ville banale…
Hubert Gamelon
Ouvert du jeudi au dimanche à partir du 1er avril, de 14h à 18h. Pour les enfants : visite ludique et anniversaire avec gâteaux.