Les paléontologues du musée national d’Histoire naturelle se sont activés du côté de Gasperich pour collecter les restes d’un reptile marin vieux de 190 millions d’années. Histoire de fragments.
Les fouilles ne durent qu’une seule journée alors qu’ils cuisent au soleil ou pas, les étudiants en paléontologie répondent à l’appel du musée national d’Histoire naturelle parce que toute découverte revêt son importance.
Une petite équipe d’une demi-douzaine de personnes s’active le long du nouveau ruisseau de Gasperich, pas plus large que la Pétrusse, en cours d’aménagement derrière les bâtiments de la Poste, à la Cloche d’or. Cette nouvelle rue qui porte le nom d’Émile Bian, industriel et homme politique luxembourgeois du début du XXe siècle, est particulièrement animée hier après-midi. Les représentants des médias y défilent et le paléontologue du musée, Ben Thuy, passe d’un micro à l’autre sans perdre un brin d’enthousiasme.
Si les fragments d’os fossilisés sont bien ceux d’une espèce d’ichtyosaure appelée temnodontosaurus, ce sera le deuxième spécimen connu dans le monde.
«C’est une bestiole de 7 mètres de long», précise Patrick Michaely, le porte-parole du musée, non moins emballé par l’événement. Il veille sur le stock de fragments présentés sur une table de camping et connaît son sujet sur le bout des doigts. C’est aussi du doigt qu’il désigne un jeune paléontologue coiffé d’un chapeau à large bord. Il creuse sur le versant du ruisseau, remue le sol, trie rapidement ce qu’il en extrait et de temps en temps, il traverse d’une enjambée le petit ruisseau presque tari pour déposer un fossile dans la boîte.
Il ne s’agit pas forcément d’un fragment de temnodontosaurus. Les restes du squelette sont soigneusement disposés à part. Patrick Michaeli saisi une petite pièce, à peine plus grande qu’un dé à coudre : «C’est la petite pièce qui a tout déclenché et c’est lui qui l’a découverte», indique-t-il.
Ce collaborateur du musée va traîner ses guêtres sur les chantiers à ses heures perdues, partout où le sol a été retourné. C’est en se promenant le long du ruisseau qu’il a fait cette découverte intrigante. Il l’a ramenée au musée et ce qui est apparu comme le tiers d’une vertèbre d’ichtyosaure a incité le paléontologue du musée, Ben Thuy, à engager des fouilles.
La journée de jeudi a permis de rassembler une cinquantaine de fragments. Contrairement aux archéologues qui disposent de plus de temps pour mener leurs fouilles, les paléontologues savent qu’ils ne trouveront pas un squelette entier. «Ici ce sont des côtes, là un morceau de mandibule gauche sans doute», renseigne Patrick Michaely en replaçant soigneusement chaque pièce qu’il présente dans la caisse.
Plongée dans le jurassique
S’ils ne trouveront pas de spécimen entier que cherchent-ils en plus des fragments déjà déterrés ? «Ils cherchent encore pour trouver une pièce qui permette une identification jusqu’au niveau de l’espèce. Il pourrait s’agir d’une espèce découverte une seule fois dans les années 40 en Allemagne et si on en retrouve ici, cela complète tout ce que l’on sait de cette période», déclare le porte-parole.
L’année passée avant la pandémie, le musée avait présenté la mâchoire d’un pliosaure, un autre reptile marin de 9 mètres. Il y a quatre ans, c’était les restes d’un plésiosaure.
Cet ichtyosaure replonge les paléontologues dans le jurassique, l’animal ayant l’âge honorable de 190 millions d’années. «Si nous arrivons à dater avec une certaine précision les fossiles c’est bien parce qu’il y a eu des études auparavant qui nous permettent de faire une datation absolue ou relative», explique Patrick Michaely.
C’est la raison pour laquelle chaque ammonite peut être importante sous ses aspects anodins. «Les ammonites comme celles que l’on ramasse ici servent à la datation, certaines sont très connues pour une période précise et seulement pour cet âge-là, alors ce que l’on trouve à proximité a le même âge puisqu’ils sont issus de la même couche. C’est important de garder les belemnites aussi car elles permettent de donner l’âge», complète le porte-parole du musée national d’Histoire naturelle.
Geneviève Montaigu