On aura rarement vu des députés débattre pendant plus d’une heure des aires de jeux. En cause : le choix du gouvernement de continuer à temporiser au sujet de la réouverture des balançoires, toboggans et bacs à sable.
Mardi après-midi, les députés de l’opposition ne se sont pas fait prier pour dégainer. Marc Baum (déi Lénk) croit ainsi avoir décelé une «certaine incohérence dans la gestion de crise». Sven Clement (Parti pirate) dénonce un «comportement ridicule». Et Gast Gibéryen (ADR) reproche même «un abus de l’état de crise».
À l’origine de cette montée au front se trouve une motion déposée en début de séance plénière par Marc Lies (CSV). «Nous réclamons que les aires de jeux soient rouvertes dès demain, le 10 juin», balance l’élu chrétien-social. Il dénonce la non-réponse du Premier ministre à une question parlementaire. «Pour résumer, on peut affirmer que le gouvernement nous dit : « Je le sais, mais je te ne le dis pas ».»
Le ton pour un débat aux ressemblances de querelle de bac à sable était donné. Dans un premier temps, le vice-Premier ministre François Bausch a tenté de calmer les ardeurs : «Je peux vous assurer que le Conseil de gouvernement va apporter demain (lire aujourd’hui) une réponse satisfaisante.» Un peu plus tard, le Premier ministre, Xavier Bettel, a en personne clamé que «nous voulons tous la même chose. Accordez-nous votre confiance pour qu’on puisse décider, entre autres, de la réouverture des aires de jeux». Cette confiance, l’opposition la refuse au gouvernement, dont le seul objectif serait d’«avoir le privilège d’annoncer la réouverture», dixit Gast Gibéryen.
«Un spectacle désolant»
Le renvoi vers la stratégie de décider toutes les deux semaines de nouvelles mesures de déconfinement, afin d’évaluer l’impact de la levée des restrictions sur le nombre d’infections au Covid-19, n’est plus valable aux yeux du CSV, de l’ADR, de déi Lénk et des pirates. «On attend les derniers chiffres afin de prendre une décision», clame en vain Xavier Bettel. «Faire patienter la Chambre quelques heures de plus équivaut à un spectacle désolant», contre-attaque le pirate Sven Clement.
Face à ces critiques virulentes, Mars Di Bartolomeo (LSAP) et Lydie Polfer (DP) ont fait part de leur étonnement. Les deux représentants de la majorité ont renvoyé vers une réunion de la commission de la Santé, organisée vendredi dernier. «Tous ensemble, on a transmis un message clair à la ministre de la Santé. On l’a sommée de rouvrir les aires de jeux. Il est équitable de lui laisser la chance de faire adopter cette mesure par le gouvernement. La première occasion possible est ce mercredi», insiste l’élu dudelangeois. La députée-maire de Luxembourg estime que l’attitude de l’opposition équivaut «à jeter par-dessus bord» l’esprit de coopération affiché lors de l’état de crise. «Je ne veux pas croire que vous voulez autant minimiser vos mérites», rétorque-t-elle à Claude Wiseler (CSV), qui lui dénonce l’absence de volonté du gouvernement d’écouter l’opposition. «Or vos propositions ont été prises en compte, même si cela a parfois duré un peu», conclut Lydie Polfer.
«En cette période d’état de crise, le seul gouvernement peut modifier le règlement grand-ducal. Si la Chambre veut décider, il lui faut un texte de loi, qui ne sera pas prêt à être voté demain», fait encore remarquer Mars Di Bartolomeo. Le dialogue de sourds s’est soldé par le rejet de la motion du CSV (31 voix de la majorité contre les 29 de l’opposition). Le principe même de la réouverture tant attendue des aires de jeux n’est pas pour autant remis en question. «Nous voulons tous que nos enfants soient heureux», lance même Georges Engel (LSAP). Quelques heures de patience sont cependant encore nécessaires. Le Conseil de gouvernement se réunit en début d’après-midi au château de Senningen pour dessiner le cadre de la prochaine phase de déconfinement (lire ci-dessus), y compris le feu vert pour les aires de jeux.
David Marques