Sur les réseaux sociaux comme sur des sites de rencontres, les mauvaises expériences ne se font pas rares, comme en témoignent Pia, Sidonie ou Daniel*.
« Rencontrer quelqu’un sur internet n’est pas impossible, mais il faut tout arrêter si cette histoire implique une demande à caractère financier ». Jacques Federspiel, formateur Bee Secure, est intervenu le mercredi 18 septembre à l’occasion d’une conférence organisée par le Centre européen des consommateurs Luxembourg, sur les risques encourus sur les réseaux sociaux et autres sites de rencontres sur internet.
Face à lui, une assistance toute ouïe, particulièrement attentive à ses conseils. Car les seniors sont la cible préférées des arnaqueurs sur internet. Leur volonté : faire tomber les masques, éviter les pièges, avant que «l’émotion ne prenne le pas sur la raison», avant une (parfois nouvelle) désillusion.
Car tous se posent la question : «que faire lorsque l’on reçoit une demande d’amitié sur Facebook, de quelqu’un que l’on ne connait pas ?». D’abord, «vérifier sa photo de profil», répond le spécialiste. «Il existe un logiciel nommé Tine-Eye, qui analyse la photo suspecte qui aura été préalablement téléchargée en local, poursuit-il. Ce logiciel peut révéler si la photographie a été vue ailleurs sur internet, sur quels sites etc.»
Dans l’assemblée, chacun y va de sa petite histoire : «il ne faut pas hésiter à envoyer systématiquement un message privé pour demander qui est la personne en question», indique Michelle. «Mais bien souvent, les demandes disparaissent mystérieusement», répond Sandrine. Sidonie, elle, rencontre un autre problème : les courriels, qu’elle reçoit de «soit-disant amis», qu’elle ne connait pas. Elle a «régulièrement peur de se faire arnaquer». Et Daniel a d’ailleurs bien failli s’y faire prendre, s’il n’avait pas été vigilant.
«Un jour, j’ai reçu un mail d’un ami, qui me disait qu’il était actuellement aux États-Unis, et qu’il avait un problème de billet d’avion, raconte-t-il. Il demandait mon aide pour le lui financer, il parlait d’un prêt. Cet ami voyage beaucoup donc ce n’était pas incohérent mais j’ai décidé de l’appeler dans la minute. Malheureusement pour l’arnaqueur et heureusement pour moi, il m’a répondu et m’a indiqué qu’il était chez lui. Nous avons donc compris qu’il s’agissait d’un piratage». L’ami de Daniel a ensuite dû indiquer à tous ses contacts qu’il avait fait l’objet d’une «magouille».
«Ça m’a servi de leçon»
Pour Pia, l’affaire est allé un peu plus loin. La sexagénaire, inscrite sur un site de rencontres il y a un an, a communiqué pendant plus d’un mois avec un homme, «un Anglais qui prétendait habiter au Luxembourg», dit-elle.
Lorsqu’il a été question de passer à l’étape supérieure, à savoir «se rencontrer», l’homme lui a confié devoir rentrer chez lui au plus vite. «Nous avons gardé contact, je ne me doutais pas qu’il mentait», dit-elle. L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais le prétendu résident luxembourgeois n’a pas attendu longtemps pour lui demander un prêt.
«C’était une grosse somme, avoue-t-elle sans en indiquer le montant. Mais j’ai eu confiance en lui et je lui ai envoyé ce qu’il m’a demandé». Pia a pensé être vigilante en lui demandant de lui montrer son passeport, ainsi que son adresse en Angleterre. «Je me suis trompée», regrette-t-elle.
Et ce n’est que lorsqu’il a fallu faire un deuxième virement bancaire à son faux prétendant que la banque de Pia a bloqué le transfert. «Pour m’assurer que je n’étais pas victime d’une arnaque, je l’ai contacté, il m’a fait parler à son avocat, et même à sa soit-disant fille. J’ai compris plus tard que j’avais affaire à une organisation», raconte Pia, marquée au fer par sa mauvaise expérience.
Si elle n’a réussi à récupérer qu’une partie de ses fonds, elle assure que cette histoire lui a «servi de leçon». Elle raconte d’ailleurs que plus tard, elle a été abordée par le même type de profil mais qu’elle n’a pas du tout donné suite aux attentes de son interlocuteur. «Je ne suis d’ailleurs plus sur aucun réseau social à ce jour».
Sarah Melis
*les prénoms ont été changés
Certains en font de l’humour
Pierre Théobald, ancien journaliste, est l’auteur de Boys, publié aux éditions JC Lattès.
Depuis quelques mois, l’homme n’a de cesse de refuser gentiment les demandes intempestives «d’amitiés» sur Facebook. «C’est probablement dû aux algorithmes», suppose-t-il. Mais il ne se contente pas de dire «non» à ses pseudo-admiratrices. Il préfère leur écrire. «Je fais des captures d’écran de leur profil, publie la photographie et y ajoute un petit mot.»
Pierre Théobald a une belle plume, cela ne fait aucun doute, mais ses publications sont surtout très drôles. «Promets-moi que si l’on se marie, tu porteras mon nom», dit-il dans l’une d’elles à une certaine Brynjar Pall Rögnvaldsson. Dans chaque petit paragraphe, Pierre Théobald se moque, joue à celui qui ne comprend pas l’entourloupe. «Je fais comme si je prenais la demande très au sérieux, comme si je me livrais pour de vrai et que j’avais vocation à nouer des liens avec cette personne», dit-il.
Et pour que ça semble réel, il n’hésite pas à parler un peu de lui. «Je m’amuse à jouer avec le vrai et le faux, mais il y a aussi des bouts de ma vie personnelle dans ce que j’écris.»