Péniche vintage et paniers gourmands : Dany Kieffer, le patron des croisières Navitours, fourmille d’idées pour tenter de maintenir son entreprise à flot en ces temps de crise.
Une année de galère vient de s’écouler pour Dany Kieffer, le patron des croisières Navitours, propriétaire de quatre bateaux maintenus à quai en raison de la crise sanitaire. «Ici, nous faisons à la fois de la restauration, du tourisme et de l’événementiel, les trois secteurs les plus impactés!», rappelle-t-il. D’ailleurs, sur les quatre bateaux, un était à l’origine en location du côté de Verdun, sur la Meuse, mais le contexte actuel a contraint le locataire depuis onze ans à déposer le bilan, malgré l’offre de ne pas payer le loyer.
«C’est une chose de ne pas gagner d’argent, c’en est une autre d’en perdre. On estime nos pertes à 78 % par rapport à l’année dernière», fait savoir le dirigeant, qui table sur une perte d’«un million d’euros d’ici fin 2023». Car Dany Kieffer en est convaincu depuis le début, les choses ne reviendront pas à la normale dans l’événementiel avant cette date. «Peut-être que nous aurons une bonne saison estivale, mais pas sûr qu’on aura les mêmes chiffres qu’en 2018-2019.» Un manque à gagner d’autant plus important que même s’ils ne naviguent plus, les bateaux nécessitent un entretien régulier et les moteurs doivent continuer de tourner.
Les temps sont durs, mais pas question de se laisser submerger pour autant et de devoir abandonner son équipage. Déjà, «grâce à une bonne gestion depuis des années qui a permis d’avoir des réserves», la crise sanitaire n’a pas conduit Navitours à licencier du personnel, au nombre de 22 à ce jour. «Nous avons aussi eu la chance que trois de nos employés aient choisi de prendre leur congé parental cette année pour nous aider et qu’un ait décidé de programmer son opération pendant la période hivernale afin d’être sur pied à la haute saison», tient à souligner le patron, qui s’inquiète néanmoins pour ses confrères moins bien lotis : «Je pense à ceux qui viennent de se lancer, qui n’ont pas les moyens, pas de réserves… Ça va être très dur dans un futur proche. Ça me fait mal au cœur pour eux.»
Dégustation à quai
Surtout, Dany Kieffer et son équipe ont multiplié les initiatives pour garder la tête hors de l’eau et se réinventer le temps de cette période si particulière. Dès juin, après en avoir littéralement rêvé, Dany Kieffer a eu l’idée de développer un «bateau vintage», aménagé avec des meubles assez uniques dégotés çà et là et qu’il était possible d’acheter directement tout en dégustant des produits du terroir luxembourgeois et de la Grande Région. Un bateau qui reste à quai, pour ne pas concurrencer les autres bateaux du groupe qui proposent habituellement des tours, mais aussi pour que les passagers ne soient pas contraints par les horaires des croisières. «Avec aucun bateau qui ne fonctionnait, il fallait quand même travailler et cette formule a eu un succès fou!», se réjouit le patron.
Si aujourd’hui il collabore avec une centaine de producteurs locaux, cela a été «extrêmement difficile» pour Dany Kieffer de les trouver. D’une part parce qu’il a personnellement plus l’habitude de gérer des événements plus importants en termes de nombre de convives (avec les grands bateaux, ce sont jusqu’à 600 personnes qui peuvent être reçues). «Nous avions l’habitude d’acheter massivement, tandis que pour le bateau vintage, j’ai dû acheter de petites quantités pour plus de 150 produits différents, à un prix très élevé! J’ai cru que je n’y arriverais jamais! Mais quand j’ai vu les camions luxembourgeois ou en provenance de la région venir nous livrer sur les quais, j’ai ressenti de la fierté. C’est vraiment une valeur ajoutée.»
D’autre part, «la publicité, ce n’est pas le fort des Luxembourgeois! Ils ne se mettent pas suffisamment en avant», déplore Dany Kieffer, qui écume internet à la recherche de ces pépites. «La pandémie est grave, mais il y a malgré tout eu du positif, notamment le fait que des gens ont pris des initiatives et que des petites brasseries ont vu le jour, comme la brasserie Papyllon, à Sierck.»
À la fin de la saison, le concept, avec en sus de petits concerts, a été entièrement transposé sur la «péniche vintage», le bateau vert et blanc qui trône près de la place centrale de Remich, plus grand et surtout chauffé. Rebelote, l’idée continue de séduire et le succès est à nouveau au rendez-vous. «Les derniers week-ends de novembre, nous étions complets!» Jusqu’à ce que la fermeture soit à nouveau imposée…
«J’avais repéré un bateau de 1930 à acheter, qui serait parfait pour ce concept vintage, mais ce n’était pas le moment d’investir», regrette un peu Dany Kieffer, d’autant que Navitours s’apprête à lancer un nouveau projet d’ici mai 2021 : la location de bateaux électriques pendant une heure, moyennant 50 à 60 euros. Dix bateaux pouvant accueillir chacun jusqu’à huit personnes et ne nécessitant pas de permis devraient donc bientôt naviguer sur la Moselle. «Le projet aurait dû démarrer cette année, mais il a été reporté en raison de la pandémie.»
En attendant, pour s’«occuper», continuer de travailler avec les fournisseurs et surtout rester visible, Navitours propose des paniers gourmands garnis des douceurs du terroir à l’attention des particuliers ou des entreprises, lesquelles semblent apprécier cette formule à défaut de pouvoir organiser des repas de fin d’année. Le bouche-à-oreille a déjà fait son œuvre. «On ne va pas survivre avec ce projet sur le plan financier, mais ça nous permet de rester visible. Car un jour, la situation redeviendra normale, et il faudra revenir le plus vite possible à 100 %», commente Dany Kieffer.
Pour commander une corbeille garnie, il suffit d’appeler le 75 84 89 ou d’envoyer un mail à info@navitours.lu ou direction@navitours.lu. L’équipe de Navitours suggérera par photo un panier en fonction du budget choisi.
Tatiana Salvan