L’étude du site de Bascharage peut permettre de comprendre les causes des changements climatiques.
Le Pr Christoph Korte, de l’université de Copenhague (Danemark), est spécialisé en géologie et en paléoclimatologie : il étudie les climats et leurs variations sur des échelles de plusieurs milliers d’années. Ses recherches l’ont amené à Bascharage.
Pourquoi être venu étudier le site de Bascharage?
Pr Christoph Korte : Au Jurassique, une immense mer épicontinentale s’étendait de la Suisse au Groenland et recouvrait la France, l’Espagne, la Grande-Bretagne, jusqu’à la Pologne. Il s’agissait d’une mer très fragmentée avec de nombreuses îles. Mais au cours de la période qui nous intéresse, autour de -180 millions d’années, les niveaux d’oxygène dans les océans étaient extrêmement bas et l’environnement a donc complètement changé. Nous avons aujourd’hui des exemples de mer où il y a des niveaux très bas d’oxygène, la mer Noire par exemple. Je travaille actuellement sur ce sujet dans le sud de l’Allemagne et au vu des importants résultats que nous avons obtenus, nous avons décidé de venir travailler au Luxembourg, sur une même section parallèle. Le matériel d’études de Bascharage est excellent, très frais.
En quoi cette période est-elle si importante?
Il est essentiel de comprendre ce qui s’est passé au Toarcien (Jurassique inférieur) car il y a eu un changement climatique. Le niveau d’oxygène n’a guère changé au niveau de l’atmosphère, seulement dans la mer. Dans des conditions normales, l’atmosphère et l’océan sont connectés, ce qui permet un échange entre les eaux profondes et les eaux de surface. Mais parfois, une ligne chimique empêche cet échange – c’est ce que l’on peut observer dans les lacs en été. Or pour une raison qui n’est pas très claire, cet échange a cessé sur cette immense mer. Il faut bien comprendre que si les températures peuvent changer du jour au lendemain dans l’air, c’est impossible dans l’océan.
Cela peut-il permettre de comprendre le changement climatique à l’œuvre actuellement?
Nous sommes effectivement confrontés à un grand changement climatique, mais il n’est pas clair qu’il soit produit par la variation de CO2. Des recherches sont en cours, mais il serait très probable que le CO2 ne soit pas le facteur principal de cette augmentation de température sur le long terme et qu’il y ait des facteurs additionnels. Attention, nous parlons d’une échelle de temps très longue : des centaines de milliers, voire des millions d’années. Et à cette échelle, la tendance des océans à se réchauffer semble jouer un rôle majeur. Nous avons une histoire de la Terre qu’il est intéressant de connaître, car il existe des périodes où le CO2 n’est pas la première cause du changement climatique. Si d’autres facteurs entrent en compte dans un changement climatique portant sur des millions d’années, il faut donc penser à ce qui peut également l’affecter.
Comment procédez-vous très concrètement?
J’effectue des recherches géochimiques : je recherche des isotopes, car avec les isotopes de l’oxygène et du carbone, on peut reconstruire les températures de l’ancien océan et aussi la concentration en CO2. J’extrais donc les fossiles des dépôts de sédiments. Ces sortes de squelettes, qui ont été produits durant la vie des organismes, sont faits de calcite, qui a absorbé le CO2 de l’eau. Or dans le CO2, nous avons l’oxygène et le carbone.