De plus en plus de personnes comptent les oiseaux chaque année à l’initiative de natur & ëmwelt. Un moyen de les sensibiliser alors que les populations baissent.
C’est reparti : le grand recensement des oiseaux de nos jardins débutera vendredi pour se finir dimanche. Une heure suffit pour participer, le temps de siroter un café ou une grenadine pour les plus petits, au bord de la fenêtre en essayant de bouger le moins possible. «En général, il faut attendre dix à quinze minutes avant de voir les premiers oiseaux arriver. Il faut donc un peu de patience, surtout s’ils ne sont pas habitués à votre présence», note Lieke Mevis, conseillère à natur & ëmwelt. Un temps que de plus en plus de personnes prennent chaque année pour apporter leur pierre à l’édifice. D’environ 100 personnes au début de l’aventure, on est passé à 834 en 2021. Et l’ASBL espère que le chiffre va continuer de croître.
Peut-être même qu’une dizaine d’écoles devraient jouer le jeu, et quoi de mieux que des élèves pour compter les oiseaux, «car ce recensement est avant tout un outil de sensibilisation», souligne la conseillère. «On protège ce qu’on aime et on aime ce qu’on connaît», insiste-t-elle. «Les données de ces observations ne peuvent pas être exploitées pour une analyse scientifique, car il y a trop de variables qu’on ne peut pas vérifier, comme les abords immédiats du jardin ou la constitution de celui-ci.»
79 % de moineaux en moins
Surtout qu’être protégés, les oiseaux en ont grandement besoin. Leur population ne cesse de baisser ces quinze dernières années, en particulier pour le moineau domestique. «En 20 ans, leur nombre a chuté de 79 %. Souvent les gens ne voient pas cette diminution, car si l’on voit un moineau, il est forcément présent en nombre du fait de sa sociabilité. Cela donne une impression de masse. Pourtant, il est sur la liste rouge catégorie 4. Et si ça continue, il risque d’être menacé d’extinction.» Un déclin dû en grande partie à la diminution de ses ressources. Les oiseaux de nos jardins sont visibles parce qu’ils se sont adaptés à notre civilisation dévorante. Ceux qu’on ne voit pas, qui restent dans les forêts et dans le milieu rural, souffrent encore davantage. La chute du nombre d’insectes liée notamment aux pesticides et la diminution des arbres et de la verdure mettent les oiseaux en grand danger, mais ce ne sont pas les seuls facteurs. La hausse constante de nouvelles constructions, qui pourrait encore s’accélérer avec la réforme projetée de la loi sur le logement, rend compliqué pour les oiseaux de trouver un endroit pour nicher. Et pas de nid signifie pas de naissances. «Dans les anciennes constructions, les oiseaux trouvaient des petits trous pour nicher, ce n’est plus le cas avec les nouvelles maisons, qui doivent être hermétiques pour garder la chaleur», explique Lieke Mevis.
Rendre les chats visibles
À ces nombreux problèmes s’ajoute celui des chats. «Nous n’avons pas de données exactes au Luxembourg, mais une étude a été menée aux États-Unis dont les résultats sont accablants», indique la conseillère, avant de préciser : «Si la population d’oiseaux était en parfaite santé, le chat ne serait pas un problème, mais dans ce contexte, si.» Pas question de se débarrasser de nos chères bêtes pour autant, des solutions simples existent. Accrocher une petite clochette au collier de son chat, qui pourrait lui-même être en matière réfléchissante, c’est déjà un bon moyen d’empêcher nos amis à quatre pattes de faire un massacre.
Pour retrouver plus de battements d’ailes dans nos jardins, on peut laisser un tas de branches, ménager des haies suffisamment grandes et broussailleuses, choisir des arbustes indigènes mellifères et d’autres qui produisent des baies, comme l’églantier ou le sureau. Bien sûr, on peut aussi donner à manger aux oiseaux l’hiver, des graines avec de la graisse et des arachides pour résister au froid. Par contre, si l’on veut poursuivre en été, on change de régime, «sinon, ce serait comme leur donner du chocolat toute l’année», précise la conseillère. Ça, c’est pour les efforts individuels. Au niveau du gouvernement, «il faut renforcer l’agriculture extensive pour détrôner celle intensive ou encore mettre des règles plus strictes en place dans les zones vertes, dans les jardins. Celles-ci sont trop souvent recouvertes de cailloux pour éviter de les entretenir.»
En attendant ces changements, Salomé, qui habite à Mamer, sera à son poste d’observation ce week-end : «Avec le télétravail, puis avec mon statut d’indépendante, j’ai installé mon bureau en face de ma baie vitrée et je m’émerveille chaque jour des différents oiseaux qui viennent se baigner et manger. Forcément, j’ai commencé à m’intéresser aux différentes espèces pour les reconnaître. Je vais participer au recensement avec mon fils, qui est tout aussi enthousiaste que moi quand il les voit.»
Audrey Libiez