La plateforme Ouni Pestiziden revendique plus de discernement dans le traitement au moyen de pesticides de ces chenilles urticantes dans des zones de loisir.
La plateforme écologiste Ouni Pestiziden critique le fait que le ministère de l’Environnement a accordé plusieurs autorisations à des communes afin qu’elles puissent traiter les processionnaires du chêne avec des pesticides, et cela, pas forcément à bon escient. Le point avec la directrice de l’ASBL natur&ëmwelt, Lea Bonblet.
Dans un communiqué datant du 23 avril, soutenu par l’ASBL natur&ëmwelt, l’Ëmweltberodung Lëtzebuerg (EBL) et le Groupe entomologique de la Société des naturalistes luxembourgeois (SNL), la plateforme Ouni Pestiziden tire la sonnette d’alarme. «Nous avons eu écho qu’au moins quatre autorisations d’utilisation d’un pesticide (NDLR : biocide Foray ES) contre les chenilles processionnaires ont été délivrées par le ministère de l’Environnement. Sont entre autres concernés le parc Le’h à Dudelange, le Parc Merveilleux à Bettembourg ou encore dix-neuf lieux situés dans la commune de Schengen», indique Lea Bonblet.
Il faut savoir que la ministre Carole Dieschbourg a élaboré, en collaboration avec l’administration de la Nature et des Forêts (ANF), un plan d’action pour le traitement des processionnaires du chêne, qui a été publié le 22 avril sur le site sante.public.lu. Il liste cinq catégories de dangers liés aux processionnaires, mais une seule d’entre elles est considérée comme risquée, car pouvant provoquer des blessures. «Nous pouvons être d’accord pour l’autorisation du Parc Merveilleux et il est aussi clair pour l’ANF qu’il faut d’abord intervenir avec des moyens mécaniques, c’est-à-dire en aspirant les chenilles. Concernant le parc Le’h, ce sont 18 des 24 hectares du parc qui seront traités. Dans ce lieu, nous remettons en question l’utilité et l’application correcte du plan d’action ministériel. Nous comprenons bien la nécessité de traiter les chenilles à proximité des chemins, des aires de jeux, du parc d’activités en hauteur et autour de la terrasse du restaurant, mais 18 hectares, c’est quand même une grande surface», estime Lea Bonblet, biologiste diplômée.
Chaîne alimentaire en danger
Concernant l’autorisation délivrée à Schengen, l’ASBL déplore que «les pesticides y (soient) aspergés par des jardiniers de la commune et non par des professionnels de l’extermination de nuisibles. Cela n’est pas fait en toute sécurité et le produit est appliqué sur des arbres trop petits et non feuillus. Cela n’a aucun sens, car il n’y aura pas l’effet désiré : les feuilles des arbres doivent être développées à 70 %. Ces manœuvres ne sont donc pas en accord avec le plan d’action.» Par ailleurs, «il faut appliquer le pesticide avant que les processionnaires du chêne aient atteint le troisième stade de leur développement, c’est-à-dire avant qu’elles ne développent leurs poils urticants.»
Lea Bonblet explique qu’un traitement sans discernement peut causer du tort à la biodiversité : «Si l’on utilise des produits chimiques, la population d’oiseaux et de chauves-souris qui se nourrissent des processionnaires, papillons et papillons de nuit, se réduit. Cela casse la chaîne alimentaire». La biologiste poursuit : «De fait, il y aura un impact sur les cycles de reproduction. Il y a des cycles durant lesquels les processionnaires se reproduisent plus fortement. Cela est dû à la situation météorologique et les espèces animales qui se nourrissent des processionnaires se développent bien. On arrive dès lors à un certain équilibre.»
Lea Bonblet souligne que natur&ëmwelt «est, de manière principielle, en accord avec le plan d’action ministériel». Cela dit, précise Lea Bonblet, «on revendique une application vraiment rigide de celui-ci et, donc, une utilisation des pesticides seulement là où il est certain qu’il y a vraiment danger. Il faut ainsi absolument limiter l’application des produits chimiques au strict minimum. Or on a clairement constaté qu’une autorisation ministérielle au moins n’est pas conforme à ce que le plan d’action édicte». La directrice de l’ASBL natur&ëmwelt conclut par un cri du cœur : «Il faut laisser faire la nature autant que possible!»
Claude Damiani
Une fenêtre d’utilisation de dix jours
La période durant laquelle ce produit chimique peut être appliqué et être utile «est vraiment très limitée», selon Lea Bonblet, qui ajoute : «On parle d’environ dix jours, parce que la période de développement des feuilles des arbres, de même que celle du développement des chenilles processionnaires, du premier au troisième stade, correspond à environ dix jours. Cela signifie aussi que pendant cette période il ne faut pas de pluie et pas trop de vent, afin de bien pouvoir appliquer le produit. Ce n’est donc sûrement pas la solution miracle pour le Luxembourg !» La directrice de l’ASBL natur&ëmwelt souligne par ailleurs que la problématique liée aux processionnaires du chêne est relativement récente, car elle est connue depuis les années 1970 environ.
À Dudelange, on patiente avant le début du traitement
Le parc Le’h devrait fermer du 17 au 23 mai pour procéder au traitement des chenilles, sous réserve des conditions météorologiques.
Le traitement des processionnaires a finalement été décalé d’une semaine, a indiqué la commune de Dudelange, vendredi : «Conformément à la décision de l’administration de la Nature et des Forêts (ANF) et en raison des conditions météorologiques, le traitement contre les chenilles processionnaires du chêne au parc Le’h n’aura pas lieu dans la semaine du 10 au 16 mai, explique l’échevin René Manderscheid, en charge notamment de l’environnement et de la protection de la nature. La pluie, le vent, les températures trop basses et le fait que les arbres ne sont pas encore assez verts sont à la base de cette décision prise par l’ANF et par le garde forestier de la commune, qui s’est rendu sur place et nous a informé du fait que l’environnement naturel n’était pas encore prêt pour le traitement. L’ANF a ensuite informé le collège échevinal ce matin (vendredi).»
«Si la météo le permet, poursuit l’édile, le traitement se déroulera dans la semaine suivante, du 17 au 23 mai, mais cela reste à confirmer.» Pour veiller à la sécurité des visiteurs durant le traitement des arbres, le parc Le’h pourrait donc être fermé durant cette semaine-là.
«Non toxique pour les autres insectes»
«Comme chaque année, nos chênes, présents en particulier au parc Le’h, risquent d’être envahis par les chenilles processionnaires. Les poils de ces chenilles peuvent provoquer des allergies, des troubles respiratoires et autres désagréments pour la santé des humains et des animaux», souligne René Manderscheid.
Pour prévenir et limiter cette année une invasion de chenilles processionnaires, le collège des bourgmestre et échevins a décidé, en étroite collaboration avec l’administration de la Nature et des Forêts et dans le cadre d’une autorisation du ministère de l’Environnement, d’engager la société Auxidys de Dudelange afin de procéder à un traitement d’éradication des chenilles. Le produit biocide microbiologique Foray ES, basé sur la protéine d’une bactérie, sera utilisé à ces fins dans la couronne des arbres. «Il est agréé au Luxembourg et non toxique pour les autres insectes, y compris les abeilles», a encore précisé l’échevin.
Et pour ce qui est de l’objection soulevée par la directrice de l’ASBL natur&ëmwelt, Lea Bonblet, selon laquelle «18 hectares à traiter, c’est quand même beaucoup», René Manderscheid répond que «l’ASBL a raison, mais la décision a été prise d’un commun accord entre le garde forestier, l’ANF et la société Auxidys après une visite sur les lieux.»