Accueil | Luxembourg | Phosphates dans le lac de la Haute-Sûre : l’agriculture, mais pas que

Phosphates dans le lac de la Haute-Sûre : l’agriculture, mais pas que


Les phosphates dans les sols arrivent dans les eaux du lac de la Haute-Sûre, principal réservoir d’eau potable du Luxembourg. (Photo : Sophie Kieffer)

Le lac de la Haute-Sûre n’est pas épargné par les phosphates. La ministre de l’Environnement commente leurs origines et cite les mesures pour réduire leur présence dans l’eau en réponse à une question parlementaire.

Le phosphore est indispensable à la vie, mais en trop grandes quantités, il peut dérégler des écosystèmes. Dans les cours ou les plans d’eau, les algues prolifèrent et se décomposent en consommant l’oxygène nécessaire à de nombreuses espèces. Contrôler son utilisation s’avère obligatoire pour restaurer les milieux dégradés et ce, d’autant plus que le phosphore n’est pas une ressource renouvelable et que ses gisements pourraient être épuisés d’ici un à deux siècles. En agriculture, il est fourni aux plantes comme engrais sous forme de phosphates.

Une querelle d’experts par médias interposés a inspiré une question parlementaire au député libéral Gusty Graas à ce sujet. Ainsi, ces dernières années, l’excès de nutriments dans le lac de la Haute-Sûre et ses affluents, en dehors des impacts très négatifs pour l’écosystème aquatique, est non seulement responsable de la détérioration de la qualité de l’eau brute devant être traitée par le Sebes, mais constitue également une des raisons pour les efflorescences de cyanobactéries, les algues bleues. Le député a demandé à la ministre de l’Environnement, Carole Dieschbourg, des explications concernant l’origine de la concentration en phosphates dans l’eau du barrage.

Deux paramètres entrent en compte, indique la ministre, le phosphore sous forme particulaire et le phosphore sous forme dissoute. La prise de mesures et l’identification de l’origine du phosphore dissous et du phosphore sous forme particulaire que l’on trouve dans les sédiments, qui forment le phosphore total, sont plus ou moins compliqués. «Sans pouvoir toujours déterminer avec exactitude l’origine du phosphore total, surtout pour tous les sous-bassins, plusieurs études effectuées par le passé dans le bassin versant du barrage d’Esch-sur-Sûre ont mis en évidence un apport d’origine agricole, et notamment à cause de l’impact du travail du sol et de l’érosion des sols», note Carole Dieschbourg. Il serait donc conseillé de surveiller la fertilisation des terres agricoles.

Des solutions, pas de stigmatisation

Les phosphates dans les sols arrivent dans les eaux du lac de la Haute-Sûre, principal réservoir d’eau potable du Luxembourg. 50% de l’eau consommée en est issue. L’assainissement en est assuré par le Syndicat des eaux résiduaires du Nord (Siden). Ce dernier finalise les travaux pour évacuer les eaux usées d’une grande partie des localités limitrophes du lac vers la station d’épuration de Heiderscheidergrund située en aval du barrage d’Esch-sur-Sûre. «D’autre part, les ouvrages maintenus à l’intérieur du bassin versant du lac de la Haute-Sûre ont des valeurs de rejets bien plus strictes que d’autres ouvrages similaires», poursuit la ministre, «Avec la mise en place des zones de protection autour du lac, les stations d’épuration situées à l’intérieur du bassin versant du lac devront notamment être équipées d’installations d’hygiénisation, les bassins et déversoirs d’orages seront équipés d’un ouvrage de filtration pour, entre autres, éliminer le phosphore.» Le Siden devra effectuer des contrôles d’étanchéité de son réseau tous les cinq ans.

Outre l’apport régulier de phosphore d’origine agricole et des eaux usées, la ministre cite également les quantités de sédiments déposées dans les pré-barrages Misère et Bavigne, qui sont aussi à l’origine des concentrations de phosphore dans les eaux du lac. «Concernant ces sédiments, il y a lieu de mentionner qu’un projet, inscrit au programme gouvernemental, est actuellement à l’étude de la part de l’administration des Ponts et Chaussées, afin de retirer les sédiments des prébarrages», poursuit Carole Dieschbourg, soulignant que «la concentration de phosphore dans les eaux du lac de barrage d’Esch-sur-Sûre a dès lors de multiples origines.» 

Raison de plus pour que les différents acteurs concernés entreprennent des mesures pour contribuer à la réduction de l’apport de phosphore et la baisse de la concentration dans les eaux du lac. «C’est dans cette logique que le projet de règlement grand-ducal portant création des zones de protection autour du lac a été rédigé. En effet, le projet de règlement grand-ducal ne stigmatise pas un unique secteur désigné comme le seul responsable, mais prévoit des mesures dans différents domaines», rappelle la ministre. L’annexe II du projet de règlement grand-ducal mentionné comprend notamment des chapitres concernant l’industrie et le commerce, la gestion des eaux résiduaires, le traitement de déchets et d’installations de biométhanisation, l’urbanisation et le trafic, les différentes interventions dans le sous-sol, les secteurs agricole et sylvicole ainsi que les activités récréatives.

Sophie Kieffer