Le patron de la brasserie Rex, située sur le place du Brill à Esch, reste optimiste, malgré la fermeture imposée de son bistrot. Il espère que ses fidèles clients – et les autres – reviendront.
Comme beaucoup de cafetiers, Louis, le patron de la brasserie Rex à Esch-sur-Alzette, a appris la nouvelle dimanche soir, au terme du Conseil de gouvernement extraordinaire. Sa première réaction était teintée de surprise, mais aussi de déception : «Ce fut très brusque comme annonce… Pour ma part, ainsi que pour mes clients, ce fut un moment forcément émotionnel», souligne celui qui tient la brasserie depuis une douzaine d’années.
Il faut savoir que Louis – dit «Lou» – accueille depuis des années des personnes qu’il ne considère plus comme des clients à proprement parler, mais comme «une famille» : «Ils se sentent bien ici, rigolent ensemble… et ils discutent de l’actualité et des sujets de société. Cette fonction sociale est maintenant amenée à disparaître», souligne-t-il, tout en restant optimiste, car il est certain que cette fermeture forcée sera temporaire, même s’il reste dans l’inconnu.
«Fermeture… mais jusqu’à quand ?»
En effet, logiquement, vu la propagation incalculable du virus, les mesures prises par le gouvernement ne font pas état de la date de réouverture des cafés. «Le fait de ne pas savoir de quoi sera fait l’avenir m’inquiète. En plus, nous avons pratiquement eu que du mauvais temps depuis le mois d’octobre dernier; enfin, le soleil est de sortie, et voilà que ma terrasse sur la place du Brill est désespérément vide… Il faut bien avouer que c’est un coup dur, mais j’en ai connu d’autres de par mon expérience», déclare «Lou».
D’autant plus que le ministre des Classes moyennes, Lex Delles, lui a donné, un temps, de faux espoirs : «Au départ il a dit : « pas de panique », et maintenant nous voilà devant le fait accompli, c’est-à-dire la fermeture effective des cafés.»
Toutefois, le patron du café est un homme résolument optimiste qui, de surcroît, a entièrement confiance en les autorités. «L’État doit prendre ses responsabilités pour protéger la population. Et je pense également à ma serveuse Cristina qui, par ailleurs est une excellente employée, très motivée, et que tous les clients apprécient. Malheureusement, elle se fait aussi des soucis quant à sa situation.»
En guise de conclusion, «Lou» espère que «ses» clients retrouveront bientôt le chemin du café, un bistrot où il y d’ailleurs beaucoup de passage, car idéalement situé à Esch-sur-Alzette.
Claude Damiani
«La situation est grave !»
Le secrétaire général de l’Horesca (Fédération nationale des hôteliers restaurateurs et cafetiers), François Koepp, reste optimiste et ce, malgré la perte conséquente qui touche le secteur.
Contacté lundi matin, lle patron de l’Horesca, François Koepp, indique ne pas avoir été surpris par les mesures gouvernementales annoncées la veille : «Nous n’avons pas été surpris car nous étions en étroit contact avec le gouvernement, avant qu’il ne prenne ces mesures», assure-t-il. Quant à son état d’esprit actuel, François Koepp se veut catégorique : «La situation est grave, mais nous nous trouvons à un moment où nous espérons limiter la casse, en termes de délais temporels et d’un point de vue financier!» Face à cette période critique qui s’annonce, le secrétaire général de l’Horesca assure qu’il faut «tout mettre en œuvre pour cela. Je pense évidemment à la fermeture des restaurants, des cafés, des discothèques… et tous les commerces similaires. La bonne nouvelle est que les restaurants peuvent fonctionner en termes de livraison de leurs plats. La vente à emporter peut fonctionner. Je conseille à tous les restaurants qui ont cette demande de prendre le parti de la livraison. S’ils ont les moyens, même si le patron est aux fourneaux et que la patronne est à la caisse, il faut qu’ils prennent cette voie», insiste François Koepp.
«Perte mensuelle estimée à 120 millions d’euros»
François Koepp estime que «les mesures de chômage partiel concernent actuellement environ 14 000 salariés! Et cela pour un, deux, trois mois… on ne le sait pas encore!». L’impact financier sur l’économie du pays est donc bien plus que réel, comme le souligne François Koepp : «Pour l’instant, 80 % devraient être remboursés, mais nous avons demandé un remboursement de 100 % du chômage partiel, car il s’agit d’une fermeture ordonnée par l’État. Nous prenons en charge beaucoup d’autres choses, dont des marchandises qui ne seront pas vendues. La perte vient de tous les côtés. Cela étant, les frais sont importants pour les différentes entreprises du secteur : loyer, remboursement bancaire, frais d’électricité, frais courants… Tout cela doit être pris en charge, autant que possible, par l’État. J’estime la perte de chiffres d’affaires, mensuelle, pour l’instant, à 120 millions d’euros.»
Lundi matin (avant 12 h), l’Horesca signalait en tout cas avoir reçu environ 220 appels téléphoniques, de la part des principaux concernés de la part de cafetiers mais aussi de restaurateurs et d’hôteliers. «Nous avons aussi déjà été en contact avec le ministre de tutelle, et je tiens à rappeler une chose très importante : la vente à emporter est autorisée! Pas tous les restaurants doivent fermer; il faut résister en mettant une pancarte sur la vitrine signifiant que la vente à emporter est effective. De manière générale, je pense que le gouvernement est en train de prendre toutes les mesures nécessaires et j’estime que le gouvernement répond présent!», assure encore François Koepp.
«Une crainte partagée par tout le secteur»
Gabriel Boisanté, conseiller communal de Luxembourg et associé de plusieurs établissements (bars, cafés et restaurants), se soucie pour la santé de ses clients ainsi que celle de ses employés.
Nouveau conseiller communal (LSAP) de la capitale et associé de plusieurs établissements appartenant au secteur de l’Horeca (le Bazaar sur la place Guillaume-II, l’Urban, dans la rue de la Boucherie, le Mamacita, rue des Bains, le Paname, sur la place de Paris – tous à Luxembourg –, ainsi que l’Urban Belval dans l’avenue du Rock’n’Roll à Esch-sur-Alzette), Gabriel Boisanté dit se focaliser en priorité sur la santé de ses clients et de ses employés : «Mes associés et moi-même avons plusieurs affaires à Luxembourg et à Belval. Dès jeudi soir, il a été dit qu’on fermerait à partir de cette semaine, dont le Bazaar à Luxembourg et cela, pour des raisons évidentes de santé publique. On se disait que limiter à 100 personnes était un premier pas mais que cela ne suffirait pas. Nos clients ont donc déjà été prévenus en amont. Ainsi, dimanche après-midi, de manière objective et responsable, nous nous sommes dit que vu l’activité exponentielle des cas de virus au Luxembourg, mais surtout en Europe, et en voyant que les mesures de confinement seraient nécessaires pour nos sociétés, nous nous sommes dit que nous allions fermer, même avant les annonces gouvernementales.»
«Ça durera le temps qu’il faudra»
De manière plus générale, Gabriel Boisanté explique «comprendre ces fermetures», tout en martelant que l’«on a besoin de survivre, cela est capital. Il va falloir recevoir des aides, car notre trésorerie ne tiendrait pas le coup», indique-t-il.
Avant, pour lui, d’estimer qu’il faut «penser aux salaires de nos employés, mais aussi à leur santé, afin de les préserver (car) il y a des familles derrière tout cela». En clair, l’élu communal souligne que ses associés et lui-même «acceptent les mesures, non avec plaisir, mais dans la douleur et avec toutes les responsabilités que cela incombe».
Cela étant, Gabriel Boisanté n’est pas du genre à tolérer une situation de «deux poids deux mesures, car le sacrifice que nous faisons est volontaire : nous ne pouvons pas accueillir 25 000 personnes dans un supermarché et dire aux cafetiers de fermer leurs établissements…», s’indigne-t-il quelque peu. Enfin, l’élu relate que l’«on n’a pas envie de jouer avec la santé de nos clients ni avec celle de nos équipes, car il s’agit de la valeur la plus fondamentale à protéger. Ils ont peur pour leur santé, mais aussi pour leurs emplois. Nous avons beaucoup de personnes en période d’essai… La question, dès lors, est de savoir : qu’est-ce qu’on va faire avec eux? Il s’agit d’une crainte partagée par tout le secteur. Il faut soulager un maximum la trésorerie des commerçants et qui jouent leur survie, ainsi que celle de leurs familles, sur les prochaines semaines».