Sans-abri ou toxicomanes avachis dans les halls d’immeuble, dealers au coin des rues, grandes gueules alcoolisées… Il y a des figures plus sympathiques à croiser sur le chemin de l’école. Parents et police veillent à Luxembourg.
Huit heures mercredi matin devant l’école de la rue du Commerce à Luxembourg. Il fait gris et humide. Un vrai temps d’automne. L’été est fini. Les écoliers ont remis leurs cartables et la nervosité se lit, par-dessus les masques, dans les regards de certains. Sur le trottoir, de l’autre côté des grilles bleues, quelques mamans veillent, rassurent, encouragent les plus réticents. La procédure est immuable. On est tous passés par là.
Les plus jeunes se lancent dans l’inconnu qui fait naître en eux un sentiment plus ou moins subjectif d’insécurité et de peur. Un sentiment qui touche également les «grands» habitant le quartier de la Gare à Luxembourg pour d’autres raisons encore obscures pour l’insouciance enfantine. Ce sentiment d’insécurité dû à une certaine criminalité fait la une des journaux depuis de longues années déjà sans qu’une solution efficace n’ait encore pu être trouvée. Les habitants du quartier font avec.
Carla, une maman née dans le quartier, témoigne que «les habitants ont plus peur qu’avant. Ils entendent parler d’agressions et cela leur fait peur. Je ne vois pas directement plus de criminalité qu’avant. Peut-être que je ne vois pas tout non plus.» Sa fille fait sa rentrée au cycle 2 (première année du primaire) dans l’école qu’elle a fréquentée durant son enfance. «Mes parents habitent toujours le quartier. Je connais bien l’école. L’équipe encadre bien les enfants», explique la jeune femme. «Après les cours, ma fille va au foyer. Elle est encadrée en permanence et ne sort jamais seule dans la rue.»
Les deux filles de Cécile étaient tellement impatientes de retrouver leurs camarades qu’elles se sont réveillées à 6 h hier matin. «Cela se passe bien dans cette école. Le quartier, ce n’est pas trop ça, mais on les protège bien à la maison. Elles sortent toujours accompagnées», explique-t-elle. «Dès le matin, elles peuvent croiser des drogués dans les coins. On leur explique beaucoup. Comme c’est des filles, c’est un double effort.»
La plupart des parents croisés hier matin reconnaissent que l’environnement de l’école n’est pas propice aux enfants et que «quelque chose doit être fait». Toxicomanie, trafic de drogue, prostitution, vols et agressions… pas facile d’élever un enfant dans le quartier de la Gare. «Nous aimerions bien quitter le quartier, mais pour aller où avec les prix de l’immobilier aussi hauts et mon petit salaire», indique un papa d’origine brésilienne.
Si les parents croisés ne se sentent pas particulièrement en danger, ils s’inquiètent pour les enfants. Depuis 2013, la présence policière a été accrue autour de l’école de la rue du Commerce aux heures de début et de fin de classe. Ce qui rassure Paola, dont le fils démarre sa deuxième année de scolarité au Luxembourg. «La police vient tous les jours», confie-t-elle. Et effectivement, sur le trottoir de la rue du Commerce, deux agents veillent. Plus tard, une patrouille passera à pied. «C’est une bonne chose que la police montre un peu de présence dans le quartier», estime également Carla.
«Besoin d’une vraie police de quartier»
«Je plains les mères de famille célibataires qui doivent accompagner leurs enfants dans deux ou trois écoles différentes du quartier parce que les écoliers ont été regroupés par cycles et non plus par secteurs au sein des établissements scolaires du quartier et qu’elles n’osent pas laisser les enfants faire le chemin seuls à cause des problèmes d’insécurité», remarque Jean-Marc Cloos, représentant des parents d’élèves de la capitale à la Commission scolaire de la Ville. «Le matin, oui peut-être. Les dealers et leurs clients dorment encore, mais le soir, en hiver, quand il fait sombre à 16 h, ce n’est peut-être pas conseillé.»
Les problèmes d’insécurité se concentrent dans le quartier principalement autour de la rue de Strasbourg. Mais pas seulement. «Jouer dans le parc de la vallée de la Pétrusse aux environs de la rue d’Anvers n’est pas non plus conseillé à cause des toxicomanes qui y traînent», indique le père de famille dont les deux fils fréquentent les écoles du quartier. «Je ne considère pas des personnes alcoolisées ou droguées comme de la criminalité.» Cependant, il est d’avis que la police devrait se montrer plus présente, comme une vraie police de quartier, pour renforcer le sentiment de sécurité des habitants. Cela éviterait d’avoir recours à une entreprise de sécurité privée, «une solution de secours».
Malgré les dangers potentiels, la rentrée s’est bien passée dans le quartier de la Gare. La plupart des enfants avaient l’air heureux de retrouver leurs camarades et leurs instituteurs. Certains n’ont pas hésité à foncer directement vers leur salle de classe où ils n’auront pas encore à se soucier des problèmes des «grands».
Sophie Kieffer