Ouverte depuis le 1er octobre au public au Kirchberg, la nouvelle Bibliothèque nationale organisait ce week-end ses portes ouvertes. Les visiteurs de toutes nationalités ont afflué par milliers. Les 200 000 ouvrages accessibles dans la salle de lecture moderne et spacieuse ont émerveillé petits et grands.
Depuis 1973, elle était installée dans les murs de l’ancien Athénée, à côté de la cathédrale Notre-Dame. Avec son déménagement au Kirchberg, une page se tourne dans l’histoire de la Bibliothèque nationale de Luxembourg (BnL). Finie la salle de lecture où l’on pouvait entendre les cloches sonner. Finis les vestiaires exigus où il fallait penser à apporter sa pièce de monnaie afin de déposer ses affaires. Ici, à la nouvelle adresse, au 37D avenue John-F.-Kennedy, un simple code suffit.
Par une grande porte vitrée, vous franchissez l’imposant bâtiment de la BnL. Tapis bleu au sol, comptoirs blancs, étagères en bois clair… La plupart des visiteurs qui ont connu l’ancien bâtiment sont conquis. «C’est beaucoup plus grand. Je pense que cela va être très convivial», estime Carole, rencontrée à l’étage de la médiathèque. «Je retrouve mon rayon DVD avec les pièces de théâtre de la Comédie-Française.»
470 places assises
«Dans l’ancien bâtiment, il y avait moins de place. Et souvent toutes les tables étaient occupées», se souvient Miryana, de Dudelange. Ayant grandi à Bonnevoie, elle en a profité dans sa jeunesse pour réviser à la BnL. Effectivement, sur le nouveau site au Kirchberg, le nombre de places assises a été multiplié par quatre. Aujourd’hui, on en compte près de 470. «Un nombre qui accompagne l’évolution de la population», note la directrice de la BnL, Monique Kieffer. Elle tire un bilan positif de ces premiers jours. «On a eu 6 000 visiteurs samedi. On ne s’y attendait pas.» Si la BnL a ouvert au public le mardi 1er octobre, toutes ses tables étaient déjà occupées mercredi. «Les jeunes s’installent avec leur ordinateur portable. Ce qui montre que les lecteurs se sont déjà appropriés la nouvelle bibliothèque.» L’accueil, chargé notamment des inscriptions, a d’ailleurs été pris d’assaut ces deux derniers jours. «Peut-être pensent-ils que, comme dans un musée, il faut prendre un ticket à l’entrée?», observe Monique Kieffer.
Quoi qu’il en soit, les portes ouvertes n’ont pas seulement accueilli de nouveaux lecteurs. «C’est l’excuse de la réouverture qui me fait revenir à la BnL. Il y a bien longtemps que je n’y avais plus mis les pieds. Je redécouvre les collections», nous confie Maria-Luisa au rayon DVD. Mais il n’y a pas que l’offre de la bibliothèque qui intéresse cette femme qui habite à Luxembourg. «Je suis architecte, je viens également pour le bâtiment.» Un bâtiment qui n’aura pas fini d’émerveiller tout au long du week-end petits et grands.
«Pouvoir voir et toucher les livres»
«C’est un grand open space, mais on peut trouver des coins, des niches», constate Jean-Luc. «Et bravo pour l’acoustique. On n’a vraiment pas l’impression d’être dans un grand bâtiment.» Habitant la capitale, il ne cache pas vouloir prendre prochainement une demi-journée pour revenir. «C’est captivant, cela donne envie. C’est un véritable lieu d’évasion.» Pour sa femme Ralitza, la bibliothèque reste avant tout une institution qu’elle a fréquentée lors de ses études aux États-Unis ou à Moscou. «Aujourd’hui avec Amazon et les ebooks Kindle à 0,99 euro, on a tendance à acheter. Il faut être motivé pour venir chercher un livre à la bibliothèque.» Elle poursuit : «Mais la page ne se tourne pas. Les bibliothèques doivent se réinventer. L’ouverture de la nouvelle BnL tombe donc au bon moment.»
À l’ère où le numérique prend de plus en plus d’importance, la meilleure accessibilité des livres dans la BnL est appréciée. «Je lis les romans en ebooks, c’est moins lourd et donc plus pratique», concède Miryana. «Mais pour les ouvrages spécialisés avec photos, cela ne marche pas. Ce qui rend très intéressant la BnL, c’est qu’on puisse voir et toucher tous les livres.» Même son de cloche du côté de Cristiano plongé dans un livre sur les techniques d’écriture. Au total, 200 000 ouvrages sont désormais directement accessibles en salle de lecture sur trois étages! «C’est une bonne chose pour la culture», jugent André et Marie-Josée, venus d’Ettelbruck.
«En tram jusque devant la porte»
L’éloignement de la bibliothèque du centre-ville ne semble à première vue pas trop déranger les visiteurs. «On est venus avec le tram jusque devant la porte», témoigne Natalia, accompagnée de ses deux enfants (4 et 6 ans). Ce qu’elle regrette néanmoins, c’est que le rayon enfants ne soit pas aussi développé qu’à la Cité bibliothèque.
Un étage plus bas, dans la salle de consultation spécialisée de couleur vermeil, place aux documents précieux. Pour l’occasion, divers manuscrits anciens sont exposées, dont l’Evangelia quattuor réalisé vers 1130 à Echternach. «La lettre initiale de ce chapitre manque, mais l’encre du texte est toujours impeccable», explique un collaborateur de la BnL aux visiteurs.
Une preuve que l’histoire du livre est faite pour durer. Dans son nouveau bâtiment, la BnL accompagnera son évolution dans les prochaines années. Chaque année, elle accueille environ 10 000 nouveaux livres. Selon les calculs, il y a de la place pour en accueillir au moins les trente prochaines années.
Fabienne Armborst
«Un magasinier de la BnL fait entre 10 et 14 km par jour»
Depuis son déménagement au Kirchberg, la BnL abrite sur un seul et même site (au lieu de sept) plus de 1,8 million de documents physiques, soit plus de 40 km de documents. Tandis que 200 000 d’entre eux sont directement accessibles dans la grande salle de lecture répartie sur trois étages, les espaces de stockage et le système de transport automatique sont tout aussi impressionnants. À l’occasion des portes ouvertes, les visiteurs ont eu l’occasion d’y jeter un coup d’œil.
On quitte l’univers chaleureux et accueillant de l’atrium pour se retrouver dans un couloir en béton armé. Une impression de fraîcheur nous envahit. «Effectivement ici la température est de 18 degrés pour une meilleure conservation des livres», explique Monique Barthels, la responsable du service logistique magasins à la BnL. Pour stocker 1,6 million de livres dans les magasins, il faut de la place. Le stockage s’opère sur cinq étages. Chaque étage comporte onze salles pouvant chacune stocker environ 2 km de livres. C’est là que les magasiniers viennent chercher les livres que le lecteur commande quand ils ne sont pas accessibles dans la salle de lecture. Autant dire qu’ils en font des kilomètres. «Par étage, on compte environ 200 demandes par jour. En moyenne, un magasinier fait entre 10 et 14 kilomètres par jour», illustre Monique Barthels.
Tout est manuel
Si dans l’ancien bâtiment près de la cathédrale, une installation électronique se chargeait de mouvoir les rayonnages coulissants, ici tout est manuel. «Pour minimiser le risque d’incendie», précise notre guide. Toujours dans un objectif de lutte contre les incendies, les magasins sont équipés d’un système de réduction d’oxygène. Un moyen d’éviter que le feu ne se propage. Ce qui explique aussi la multiplicité des salles et les nombreuses portes qui les séparent.
N’empêche que chaque salle de stockage accueille plusieurs milliers de livres. Leur rangement aura étonné plus d’un visiteur. «Mais ce n’est pas du tout thématique. Je vois le livre Bilder aus der Schweiz à côté d’un ouvrage sur le rock’n’roll et un autre sur le rugby», soulève un visiteur.
«Non, on n’est pas dans la salle de lecture, reprend Monique Barthels. Ici tous les livres sont stockés selon leur taille sur des étagères comportant entre quatre et six tablettes.» Elle poursuit : «Les livres grand format sont stockés à l’horizontale et prennent donc plus de place. Ici on arrive donc avec 39 000 exemplaires à 1 100 mètres courants.»
Au premier étage, une trieuse assure le retour des prêts des lecteurs. Pour une raison pratique, elle est installée à l’étage qui accueille également le fonds Luxemburgensia – journaux, périodiques et monographies. «Seuls 10 % de ce fonds se trouve dans la salle de lecture. Donc c’est ce qui est le plus demandé.» Toutes les précautions sont prises pour ne pas abîmer les documents quand ils rallient la salle de lecture ou en reviennent par ce tapis de 80 m de long. «Les plus fragiles, on les met dans une boîte.»
La puce RFID des documents, qui renferme toutes les données d’identification du livre utiles pour la trieuse, contient aussi un système antivol. «Si vous sortez de la salle de lecture avec un livre dans votre sac, l’alarme se déclenche. Sauf si vous l’avez emprunté légalement», avertit Monique Barthels.
Horaires élargis
Avec son déménagement au 37D de l’avenue John-F.-Kennedy au Kirchberg, la BnL a élargi ses horaires. Si le dimanche et le lundi restent ses jours de fermeture, du mardi au vendredi, elle est désormais ouverte de 10 h à 20 h et le samedi entre 10 h et 18 h. Grâce au système de retour de livres automatique, le retour de documents peut être également effectué 24 h/24.
La nouvelle BnL propose, par ailleurs, un «self-loan». Plus besoin de passer systématiquement au guichet. À l’aide de sa carte de lecteur équipée d’une puce, il est possible, sur l’une des bornes présentes dans l’établissement, d’emprunter le ou les livres que l’on souhaite emporter.