C’est un site majeur de l’âge du fer en Europe : les tombes aristocratiques de Goeblange-Nospelt ont été découvertes il y a 50 ans. Le site vient d’être aménagé pour que le grand public se l’approprie.
L’histoire commence en 1965. L’abbé Kayser, un de ces ecclésiastiques féru de l’histoire de nos ancêtres, fait un tour au lieu-dit du Schéierheck pour vérifier l’absence de vestiges sur le tracé d’un canal que le syndicat des Eaux du barrage d’Esch-sur-Sûre (Sebes) s’apprête à construire. «L’abbé Kayser était né à Pétange en 1916, explique Jacques Bonifas, le président de l’association D’Georges Kayser Altertumsfuercher. Il avait déjà fouillé plusieurs sites, notamment l’oppidum du site du Titelberg. Lorsqu’il est devenu vicaire à Nospelt, il s’est dit que ce temps-là était fini, qu’il ne fouillerait plus parce qu’il n’y avait rien ici !»
Évidemment, il a vite dû revoir ses plans. En passant du Titelberg à Nospelt, il ne savait pas encore qu’il avait la chance de poser sa valise dans deux des endroits archéologiquement les plus riches du pays ! En 1964, il mettait déjà au jour une villa gallo-romaine dans la forêt située entre Nospelt et Goeblange. L’année suivante, près du futur canal du Sebes et à proximité de la villa romaine, il repère un petit tertre d’une cinquantaine de centimètres de haut. Cette modeste élévation l’intrigue, il décide de l’explorer, histoire de voir. Le canal attendra, des fouilles sont organisées pour l’année suivante.
Quelle n’est pas sa surprise lorsqu’il découvre une tombe du dernier siècle avant Jésus-Christ dans un état de conservation magnifique! Avec une demi-douzaine de jeunes du coin, Jacques Bonifas, alors adolescent, était de la partie : «Nous avons trouvé la tombe juste à la fin des vacances d’été… C’était un peu frustrant puisqu’il fallait laisser la fouille pour retourner à l’école! À la fin des cours, je prenais mon vélo pour venir ici le plus vite possible et fouiller encore un peu. Et puis, nous étions là tous les mardis et jeudis après-midi.»
Des cavaliers au service de Rome
Le site s’avère d’une richesse extraordinaire. Les tombes font partie d’une nécropole aristocratique entourée d’un grand fossé. On y a notamment retrouvé quatre fosses funéraires dans lesquelles la présence d’éperons a permis de suggérer qu’ils étaient ceux de cavaliers.
Dans les plus anciennes, qui datent de 50 et 30 av. J.-C., on trouve un mobilier (vaisselle, armes) typiquement gaulois. Les plus récentes, creusées 20 ans plus tard, marquent par contre une nette différence. Le glaive a remplacé l’épée, la poterie est d’inspiration romaine, des accessoires de bronze liés à la consommation du vin apparaissent, ainsi que des amphores ayant contenu du vin, de l’huile d’olive ou du garum (un condiment à base de poissons) venues d’Italie et d’Espagne.
Ces témoignages passionnants sont ceux d’un monde qui change. En 20 ans seulement, Rome a imposé son influence dans ce territoire septentrional… au moins dans cette catégorie de population. Il faut dire que les cavaliers trévires étaient grandement appréciés de Jules César. La probabilité que ces hommes enterrés sur le site de Goeblange-Nospelt aient servi dans les troupes auxiliaires de Rome est donc forte. L’abbé Kayser a eu le nez creux !
Erwan Nonet