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N24 (Huttange-Beckerich) : le terrier des blaireaux sera déplacé


Si la N24 est fermée depuis septembre 2018 de Beckerich à Huttange, c'est en raison de la protection d'un terrier de blaireaux se trouvant en dessous du tronçon. (photo laurent wies)

Le tronçon Huttange-Beckerich de la N24 est fermé depuis presque un an en raison de la présence d’un terrier de blaireaux à proximité. Celui-ci va être déplacé. Un terrier artificiel va être construit en remplacement.

Si la N24 est fermée depuis le mois de septembre 2018 de Beckerich à Huttange, c’est en raison de la protection d’un terrier de blaireaux se trouvant en dessous du tronçon. Pour pouvoir poursuivre les travaux d’entretien de ladite route et assurer sa réouverture, l’administration de la Nature et des Forêts va devoir concevoir un terrier artificiel visant à remplacer le terrier naturel. Un projet délicat car la situation semble être exceptionnelle au Grand-Duché.

Dans une question parlementaire, la députée Martine Hansen demande à Carole Dieschbourg, ministre de l’Environnement, s’il existe une preuve scientifique qui assurerait l’acceptation du blaireau d’une construction artificielle. Pour Carole Dieschbourg, «il importe avant tout que ce terrier se trouve dans le territoire du clan des blaireaux». Or, ajoute-t-elle dans sa réponse, «l’étendue de ces territoire et ses limites ne sont pas connues», raison pour laquelle le terrier artificiel devra être placé «aussi près que possible du terrier problématique».

Pour Raf Stassen, de natur & ëmwelt, la situation est compliquée : «J’ai personnellement quelques doutes sur la possibilité que des blaireaux utilisent des terriers artificiels, dit-il. Cette espèce est très fidèle à ses terriers. Ils peuvent utiliser le même pendant 100 ans de génération en génération. Selon moi, ils pourront éventuellement l’utiliser comme terrier secondaire. Mais d’une manière générale, ce sont eux qui trouvent et fabriquent leurs propres terriers, mais je me trompe peut-être.»

Deux méthodes existent pour délimiter le territoire du clan des blaireaux : la méthode du «bait marking» et celle de la «télémétrie».

Approches trop longues

Le «bait marking» consiste à mettre à disposition de la nourriture mélangée avec des granulés en plastique près du terrier. Les granulés de couleur, qui se retrouvent ensuite dans les crottes déposées à la limite de territoire, permettront ainsi de le délimiter. La «télémétrie» consiste, elle, à capturer les blaireaux et les équiper d’émetteur GPS. Pendant un an, ils sont suivis par les scientifiques.

Chacune de ces méthodes demande du temps et nécessite d’appâter l’animal avec la bonne nourriture. En Angleterre, c’est un mélange de cacahuète et de miel qui permet d’attirer les blaireaux. Partout ailleurs, cette recette ne les intéresse pas. Difficile donc de les capturer.

À Huttange, l’approche du terrier artificiel est ainsi privilégiée. Reste à savoir si cela va fonctionner, puisque le cas se présente pour la première fois au Luxembourg.

Carole Dieschbourg rappelle en outre que les conséquences de la mort de nombreux animaux sur les réseaux routiers et ferroviaires sont «très préjudiciables à la faune sauvage», et que plusieurs projets «écoducs (NDLR : passages à faune)», lancés par le gouvernement 2013-2018, sont actuellement en cours «afin d’améliorer la connectivité entre habitats naturels et réduire les risques d’accidents».

Sarah Melis

«Ça peut fonctionner»

Laurent Schley, docteur en biologie, est directeur adjoint de l’administration de la Nature et des Forêts (ANF). Il est aussi spécialiste des mammifères. Il donne son avis sur l’installation de terriers artificiels pour les blaireaux.

Les blaireaux du Luxembourg sont-ils en danger? Est-ce une espèce protégée?

Laurent Schley : C’est une espèce protégée qui est en train de se rétablir à la suite d’une période de gazage des terriers dans les années 1960-1980 (NDLR : action qui visait la destruction du renard dans le cadre de la lutte contre la rage sylvatique), où l’espèce était quasiment éteinte dans toute la grande région.

Quand les terriers doivent-ils être déplacés?

La période idéale est maintenant, vu que les jeunes sont a priori assez grands. Or, on sait grâce au monitoring par caméra qu’il n’y a pas eu assez de jeunes cette année. Le transfert doit absolument être fait avant octobre.

Combien de temps requiert ce déplacement?

Le temps de construction n’est pas encore défini d’autant que c’est une première au Luxembourg, mais cela ne devrait pas prendre trop de temps. Je dirais peut-être quelques jours.

Où les terriers artificiels devraient-ils être déplacés?

Comme c’est la première fois qu’on est dans cette situation au Luxembourg, l’ANF s’est basée sur des expériences du Royaume-Uni. Un terrier artificiel va être construit très proche du terrier problématique afin de maximiser les chances qu’il soit accepté par le clan de blaireaux.

Est-on sûr que les terriers seront utilisés par les blaireaux?

On n’est jamais sûr de rien. Mais l’expérience au Royaume-Uni montre que le système du terrier artificiel peut fonctionner si certains critères sont respectés.

Lesquels?

Il faut prélever à l’entrée de l’ancien terrier un peu de terre et les latrines, qui contiennent entre autres les excréments, et donc toutes les odeurs des blaireaux. Ensuite, il faut les transférer à l’entrée du nouveau terrier. Les animaux reconnaîtront ainsi leurs marques.

Quelle autre solution peut être envisagée dans le cas où celle-ci ne fonctionnerait pas?

Ça peut fonctionner. Mais l’alternative serait de mettre des dispositifs au niveau des entrées du terrier permettant certes la sortie, mais pas l’entrée dans le terrier. Les blaireaux devront trouver eux-mêmes un site alternatif et y creuser un nouveau terrier.