Dernier volet de notre série sur les richesses du Mullerthal, région doit être classée parc naturel d’ici la fin de l’année. Petite balade dans les forêts, qui recouvrent 38% du futur parc.
«Auprès de mon arbre, je vivais heureux. J’aurais jamais dû m’éloigner de mon arbre…» La chanson de Brassens est bien connue et surtout bien vraie. Trêve de poésie, citons quelques chiffres : un hêtre sain produit 1,7 kg d’oxygène par heure et couvre ainsi les besoins de 64 personnes. Le Mullerthal n’est pas l’Amazonie, mais c’est l’un des poumons verts du pays. La forêt couvre 38% des 255 km² du futur parc naturel, contre 34% ailleurs au Grand-Duché. Quand on dit «prendre l’air» en promenade, c’est d’autant plus vrai au cœur du Mullerthal !
Un patrimoine pareil s’entretient. Une dizaine de gardes de l’administration de la Nature et des Forêts (ANF) gèrent ce trésor toute l’année. «Nos missions sont vastes, explique Marc Hoffmann, garde forestier à Beaufort. Protéger les ressources naturelles, gérer la forêt dans une optique durable, sensibiliser le public, assurer un rôle de police en matière de chasse et pêche…» Du coup, les agents vivent dans la forêt et sont incollables sur le sujet.
Les experts parlent de «stations» et, un peu comme à la radio, chacune a son style ! «Il faut distinguer les stations sèches et les stations humides, lance Marc Hoffmann. Ce sont les deux grandes tendances en forêt, qui permettent de cerner le développement de la nature.» Les stations humides se trouvent dans la vallée et dans les gorges, en contrebas des falaises de grès. Elles sont souvent bordées par une rivière (la Haupeschbach et la Hallerbach, à Beaufort) et toujours proches de nappes phréatiques peu profondes.
Dernier critère : les stations humides sont à l’ombre et l’air y est frais. Conséquence, des espèces qui ont besoin de ces caractéristiques s’y plaisent. Citons l’aulne, le chêne, le frêne, le hêtre, les fougères et les mousses enfin, dont on recense plus de 300 espèces pour ces dernières !
Au niveau de la faune, on retrouve également des animaux adaptés. Des grenouilles, des écureuils, des martes et même quelques chats sauvages… Se promener dans les stations humides – la vallée donc, vous suivez ? – est un enchantement. L’air y est frais, le bois mort (indispensable à l’équilibre de la forêt) et les mousses délivrent cette odeur si propre aux Vosges. Amateurs de contes, les trolls ne sont pas loin…
Des Vosges… au Sud
Quand on monte dans les hauteurs, la forêt change radicalement. Nous voici sur les stations sèches : sol sablonneux, soleil direct et température plus élevée. Les variétés d’arbres ne sont plus les mêmes. Ici, les pins géants (plus de 30 mètres de haut !), les buissons et les ronces dominent.
On passe de l’ombre à la lumière, on pense alors immanquablement aux pinèdes du sud de la France. «Le pin n’est pas à proprement parler une espèce du Mullerthal, souligne Marc Hoffmann. C’est un genre qui s’est bien adapté, car ses racines descendent profondément dans le sol pour aller chercher l’eau.»
On le voit, la forêt est une histoire d’équilibre. L’administration combat, par exemple, les épicéas plantés à tout- va dans la vallée après la guerre. «Leur place est sur les hauteurs…»
De même, Claude Petit, coordinateur au parc naturel, évoque l’épineux problème des «néo-biotopes». «La mondialisation des marchandises a amené des espèces qui pullulent et qui détruisent les espèces locales. Nos frênes sont attaqués par une espèce de champignons exotiques. Autre cas : le raton laveur américain empiète sur l’espace d’animaux locaux.»
Paramètre supplémentaire, ces équilibres doivent se faire en tenant compte de l’aspect économique. «Nous ne devons pas couper plus d’arbres qu’il n’en pousse, précise Marc Hoffmann. Et nous devons être capables de répondre à tout type de demande selon les modes… Chênes, frênes, aulnes, les goûts changent vite.»
Mais la nature, elle, garde son rythme. Un chêne ou un hêtre met au moins 100 ans pour arriver à pleine maturité.
Hubert Gamelon