Le ministre de l’Agriculture, Fernand Etgen, était dans les champs vendredi, pour la moisson d’été. Les agriculteurs ont pu exprimer leurs inquiétudes sur différents sujets d’actualité.
Prix du lait trop bas, inquiétudes sur la canicule bien installée, perception du développement durable… Autant de sujets abordés vendredi.
La dernière fois que Fernand Etgen est monté dans une moissonneuse, «c’était dans l’exploitation de [son papa], il y a des années»… Autant dire que le ministre de l’Agriculture n’a pas boudé son plaisir quand il a fallu conduire la somptueuse Fendt qui l’attendait, vendredi, dans un champ de Lintgen, pour célébrer la moisson d’été. Pas moins de 360 chevaux, six secoueurs (NDLR : moteurs pour battre la céréale) sous le capot… Pour un peu, le ministre repartait avec et laissait sa berline officielle sur le parking!
C’est à la descente que l’affaire s’est compliquée. Sous couvert d’échanges policés, les agriculteurs ont exprimé diverses inquiétudes. Sur la sécheresse tout d’abord, qui guette le pays depuis le mois de mai. Le ministre a tenu un discours clair : «Pour le moment, nous sommes incapables d’évaluer des dégâts. Les premières moissons se déroulent correctement. Attendons la suite avant de tirer la sonnette d’alarme.» Deux moissons risquent d’être maigres : le maïs, gourmand en eau, et le fourrage pour les bêtes. Tout cela a un impact direct sur la crise du lait, autre sujet de préoccupation des agriculteurs.
Soupe au lait derrière les sourires
«Le prix du litre atteint des courbes trop basses, explique Klaus Palzkill, responsable à la Fédération agricole du Luxembourg. Les producteurs vendent à pertes depuis plusieurs mois. Si, en plus, le coût de production augmente car le fourrage pour les bêtes est maigre, ça va être dur…» Le litre de lait se vend à 0,28 euros aujourd’hui, alors qu’il coûte «entre 0,30 et 0,35 euro le litre à produire», estime Klaus Palzkill. Le ministre est conscient de cette menace. Mais il insiste sur la multitude des paramètres : «L’embargo russe nous pose toujours problème (NDLR : riposte à la position européenne en Ukraine), la Chine n’est pas ce marché émergent espéré de consommateurs de lait, la production européenne est trop forte…»
Bref, un mauvais fourrage ne serait qu’une difficulté supplémentaire pour la filière, la plus importante du monde agricole au Grand-Duché. «Mais nous prenons le problème au sérieux, poursuit le ministre. Une réunion extraordinaire doit se tenir en septembre, dans le cadre de la présidence européenne de l’Union par le Luxembourg, sur l’évolution du marché du lait.»
Développement durable, vraiment?
Dernier sujet d’inquiétude, le plan national de développement durable fraîchement voté. Il doit concilier agriculture est écologie, mais à l’épreuve du terrain, il ne fait pas l’unanimité. Marc Fisch, agriculteur à Calmus, a pris la parole pour résumer le sentiment général, face à un ministre qui n’a répondu que par un sourire poli : «Les agriculteurs se sentent pénalisés. On réduit les subventions publiques sur l’achat de machine (NDLR : de 30 % à 20 %) ou d’exploitation (de 45 % à 40 %). On plafonne les subventions aussi. Et de l’autre côté, on nous colle des critères environnementaux à tout bout de champ.» L’agriculteur dénonce de fausses ambitions écologiques. «L’état rachète des terres agricoles pour les bétonner et dit : « Pour compenser, nous classons des terres naturelles ailleurs »… qui sont souvent des terres agricoles aussi! Notre activité perd sur tous les tableaux.»
Hubert Gamelon