La région sud du Luxembourg obtient un circuit touristique inédit : le Minett Tour. Le but? Donner une identité globale à tous les sites marquants de l’histoire du fer.
De nombreux sites de l’histoire du fer n’ont dû leur survie qu’au zèle des bénévoles. Le Minett Tour couronne tous leurs efforts. Plus qu’un circuit touristique, le Minett Tour est une fierté. «Nous avons manqué de confiance pendant des années, lâche Dan Biancalana, le président de l’Office régional de tourisme du Sud (ORTS).
Les blessures de la fin de l’époque industrielle nous ont empêchés de voir le tourisme en grand. Il a fallu rassembler les initiatives individuelles et s’affirmer.» En clair, prolonger le travail des militants qui avaient compris avant les autres, contre les autres, que le patrimoine industriel avait de la valeur. Le résultat, dévoilé cet été, est à la hauteur des ambitions.
Le Minett Tour en quelques mots
Le Minett Tour est un circuit qui rassemble cinq sites majeurs de l’histoire du fer au Luxembourg. La richesse du circuit tient dans la diversité des lieux présentés : activité minière en galerie (Rumelange), vie d’une petite mine historique (Cockerill), activité sidérurgique et reconversion industrielle (Belval), brassage des populations (Centre de documentation sur les migrations humaines de Dudelange) et enfin, le joyau que représente le Minett Park (Differdange), ancienne mine à ciel ouvert et son train à vapeur, digne des chercheurs d’or du Far West.
Comment se matérialise le circuit?
Un portail internet unique permet de comprendre l’histoire du fer au Grand-Duché, et les sites à visiter (www.minetttour.lu). Sur place, chaque lieu est doté de panneaux pédagogiques pour prendre de la hauteur, en plus de la muséographie propre à chaque musée. Le Minett Tour permet de donner une nouvelle visibilité au patrimoine industriel, avec un logo identifiable et même, du marchandising dédié (un casque de mineur pour votre anniversaire?) «Des évènements vont être organisés sur le circuitpar la suite, explique Lynn Reiter-Picard, la directrice de l’ORTS. Par ailleurs, les touristes vont désormais pouvoir réserver des visites couplées (NDLR : deux sites différents, entre histoire et futur, par exemple).»
Quels sont les impacts attendus?
Il faut comprendre l’enjeu majeur de la sauvegarde du patrimoine industriel. De nombreux sites ne doivent leur survie qu’au travail d’une poignée de bénévoles acharnés, dès les années 80 (l’Entente Cockerill, l’Amicale des hauts fourneaux A et B, l’AMTF Train 1900, etc.). Puis l’État et les communes sont venus en soutien durant les années 1990-2000 (non sans mal… dire que le site du Train 1900 a failli être rasé!) «On doit désormais décharger les bénévoles de tout le côté logistique et communication, glisse Lynn Reiter-Picard. Ils ont beaucoup donné, et c’est une génération qui disparaîtra un jour.» Le Minett Tour est le début d’un passage de relais. «Plus nous ferons d’entrées, plus l’argent rentrera, plus nous pourront dédier du personnel au patrimoine industriel par la suite», résume Lynn.
Quelles autres retombées touristiques?
Un effet boule de neige peut se présenter. Sur le vélo par exemple. Francine Closener, secrétaire d’État à l’Économie en charge du Tourisme, voit dans le Minett Tour une opportunité vaste : «Le Luxembourg est une terre de vélo, avec 700 kilomètres de piste de VTT et 630 de piste loisirs. Les Terres Rouges sont une terre de VTT incroyable! On peut lier tourisme sportif et culturel sur ce dossier.» Et comme le VTT s’adresse à un public plutôt aisé (le matériel coûte cher), il y a un potentiel financier derrière! Dudelange a par exemple déjà installé une station de lavage de vélo, non loin des anciennes cités industrielles.
Plus globalement, le Minett Tour est une nouvelle marque qui va bénéficier à tout le pays. On peut imaginer des vacances au Luxembourg à cheval sur deux régions à forte identité : le Müllerthal et les Terres Rouges, par exemple.
La possibilité d’élargir le Minett Tour?
L’épopée du fer ne s’arrête pas à la frontière. Les regards se tournent naturellement du côté français, où des associations déploient des efforts considérables pour valoriser le passé, malgré des moyens limités : les mines d’Hussigny-Godbrange, Saulnes, d’Aumetz, d’Audun… Plus loin, l’office de tourisme du Val de Fensch gère quelques sites d’une main de maître (office de tourisme deux étoiles) la mine de Neufchef (Hayange) et le haut fourneau d’Uckange. Du côté de Longwy/Mont-Saint-Martin, même si un travail de mise en valeur reste à faire, le patrimoine architectural est remarquable (grands bureaux des Aciéries de Longwy, cité ouvrière créée ex-nihilo de Gouraincourt, vitraux Majorelle). «Le Minett Tour n’est absolument pas fermé, confie Lynn Reiter-Picard. Nous voulions une base solide, avec un gros travail d’unification autour de nos acteurs au Luxembourg. Mais si la cohérence demeure, on peut envisager des choses.»
Hubert Gamelon
Les cinq sites stars du Sud
• Minett Park, Fond-de-Gras : ce site magnifique se situe sur le territoire de Niederkorn. Il regroupe le train minier, le Train 1900 (locomotive et wagons de collection) et de nombreux vestiges des concessions accordées dès la fin du XIXe siècle. Une plongée vertigineuse dans le Far West des exploitations à ciel ouvert, avec ses baraquements d’antan.
• Belval, Esch-sur-Alzette : le site sidérurgique date de 1912, époque où l’usine Adolf-Emil s’installe entre Esch et Belvaux, à défaut de place plus centrale. Des années 1960 à 1997, l’ARBED repense le site avec trois hauts fourneaux d’ampleur. Après la dernière coulée, se pose la question de la reconversion industrielle. Un projet inédit, transfrontalier avec le territoire de Micheville (Audun-Villerupt) voit le jour. Deux hauts fourneaux et les soufflantes (sorte de soufflet pour animer les hauts fourneaux!) sont conservés. Depuis 2001, Belval est le symbole de la reconversion la plus audacieuse qu’il soit des friches industrielles (université, etc.)
• Mine Cockerill, Esch-sur-Alzette : c’est le plus attachant des sites du fer au Luxembourg. L’histoire de la mine se perd dans les années 1880, et un propriétaire anglais (John Cockerill) implanté en Belgique. Elle a fonctionné jusqu’en 1967 sur un espace enclavé, entouré d’une zone protégée (l’Ellergronn), où l’on comprend toute la vie autour d’une petite mine réhabilitée.
• Musée national des mines, Rumelange : c’est le site à la muséographie la plus complète sur le thème des mines, qui permet notamment de comprendre l’exploitation en galerie. La mine a fonctionné jusque dans les années 90, très tardivement. Enfilez votre casque, c’est parti!
• Le Centre de documentation sur les migrations humaines, Dudelange : le centre se situe dans le quartier Italie, qui préfigure l’architecture de la cité industrielle. Sauf que là, chaque ouvrier arrivait à la hâte et se débrouillait pour construire sa maisonnette en bois, avec bien souvent des plans typiques de l’Italie du Sud. D’où le dédale très insolite d’escaliers et de ruelles! À voir et à vivre (le café de «l’Espagnole»), vraiment. Le centre en lui-même propose une base de documents solide sur les migrations, ainsi que de nombreux évènements chaque année : conférence, exposition, film.