Ces vendanges sont les premières de Michèle Mannes dans son nouveau statut de cheffe d’entreprise. À 30 ans, elle gère le domaine Häremillen (Ehnen) avec calme et pragmatisme.
Vous avez lancé vos vendanges en milieu de semaine dernière. Comment la récolte se présente-t-elle ?
Nous avons coupé les premiers raisins le mercredi 22 septembre, juste pour voir. Du rivaner et de l’auxerrois qui sera utilisé en tant que vin de base pour les crémants. Toute l’équipe n’était pas encore arrivée, il s’agissait de faire un test pour observer la qualité des raisins. Les maturités ne sont pas à la hauteur de 2018 ou 2020, c’est sûr, mais nous sommes quand même contents des résultats. Ça aurait pu être pire : les raisins ont bien profité des belles journées de septembre. S’il pouvait y en avoir encore quelques-unes, ce serait très bien !
Quand sont arrivés vos vendangeurs ?
Ils étaient là pour commencer ce lundi. Il s’agit d’une quinzaine de saisonniers qui viennent de Pologne. Ce sont plus ou moins les mêmes chaque année, un de nos employés s’occupe du recrutement. Nous avons la chance de pouvoir profiter d’une maison où ils peuvent loger. Même l’année dernière, avec les règles très strictes, elle était suffisamment grande pour installer tout le monde.
Il y a toujours beaucoup de Polonais sur la Moselle, pour les vendanges !
Oui, mais j’ai l’impression que c’est en train de changer un peu. Il y a des nouvelles nationalités qui arrivent, d’encore plus loin à l’est. De Roumanie, par exemple. Et puis, au contraire, de plus en plus de vignerons recrutent aussi localement (lire encadré).
Je ne suis pas quelqu’un qui subit beaucoup la pression
Il s’agit de vos premières vendanges en tant que patronne, puisque vous avez pris la succession de votre père, Max, en début d’année. Ressentez-vous un stress nouveau ?
Je ne suis pas quelqu’un qui subit beaucoup la pression donc, non, pas vraiment (elle sourit) ! La météo n’est pas idéale, mais personne n’y peut rien : on n’a pas le choix et il faut bien faire avec. En fait, ce n’est peut-être pas plus mal de commencer avec une année difficile, on apprend davantage. Ça fait relativiser. Cela dit, peut-être que je serai davantage stressée dans quelques années, lorsque j’aurai une vision des difficultés à gérer qui englobera les conséquences à plus long terme. Je verrai bien !
Même cet été, où les quantités de précipitations ont battu des records historiques, vous êtes restée zen ?
C’est sûr qu’il a fallu beaucoup travailler pour éviter au maximum la propagation des maladies. Ça n’a pas été toujours facile de respecter les intervalles entre les traitements, notamment dans nos vignes situées dans de fortes pentes où il n’était pas toujours possible de passer avec le tracteur, tellement le sol était glissant. Heureusement, nous avons un arrangement avec nos voisins (NDLR : le domaine Kohll-Leuck). Ils possèdent un chenillard qui passe même sur les sols humides et ils s’occupent de nos parcelles pentues quand il le faut. En contrepartie, nous passons dans leurs vignes qui doivent être travaillées à pied, celles qui sont sur les anciennes terrasses du Wousselt (à Ehnen) et qui sont inaccessibles à toute machine. C’est un bon accord : tout le monde est gagnant.
Dans la vigne que vous vendangez aujourd’hui, les grappes sont nombreuses et très saines.
Oui, ce n’est pas si mal ! On voit que le mildiou a touché les feuilles qui se trouvent au sommet mais pas celles qui sont autour des grappes, c’est essentiel. Pour arriver à ce résultat, il a fallu effeuiller régulièrement. Et si les feuilles sont un peu marquées en haut, c’est parce que ce sont les dernières à avoir poussé et elles n’ont donc pas été traitées. Un mois avant les vendanges (entre 30 et 40 jours, selon les produits), il est interdit de pulvériser quoi que ce soit.
Alors que les maturités ne sont pas très élevées, pensez-vous que les vendanges s’étaleront sur un temps plus long que d’habitude ?
Cela dépend complètement du temps qu’il va faire. S’il fait relativement beau et sec, celait pourrait valoir le coup de patienter. Mais s’il fait humide et que la pourriture arrive, il n’est pas impossible non plus qu’il faille se dépêcher de récolter plus tôt pour éviter de tout perdre… Nous avons déjà effectué des premiers tris dans des vignes de pinot noir et de pinot gris pour couper les raisins touchés et éviter toute contagion. À ce stade, on ne peut pas trop faire de prévisions.
Concrètement, cela change beaucoup d’être la cheffe ?
Pas tant que ça. Je suis plus dans les papiers, la gestion des commandes et des livraisons. Ce que mon père faisait auparavant. Mais je me réserve quand même des journées pour aller vendanger ou pour travailler en cave avec notre maître de chai Andreas Krebs. Le plus important, en ce moment, est de savoir dans quel ordre on vendange pour récolter les meilleurs raisins possibles tout en optimisant l’utilisation de nos deux pressoirs (un grand et un petit). Avec Andreas, nous allons très souvent déguster les raisins dans les vignes pour nous décider.
On imagine qu’en cas de besoin, votre père n’est pas trop loin !
Oui, il s’occupe même tous les jours de la logistique du ravitaillement. Les repas viennent du restaurant Kinnen, à Wasserbillig. Il jette toujours un œil à ce qui se passe !
Entretien avec notre collaborateur Erwan Nonet
Pour les vendanges, 31 personnes recrutées localement
Une angoisse était née l’année dernière : celle de ne pas pouvoir compter sur les travailleurs saisonniers étrangers au moment où ils sont le plus indispensable dans les vignes : les vendanges. Finalement, la pandémie n’a pas contraint à la fermeture des frontières en septembre/octobre, mais pour éviter toute catastrophe, l’Adem et l’Institut viti-vinicole (IVV) se sont associés pour chercher des solutions locales.
Le succès de cette opération de bon sens ayant été acté, les deux administrations ont décidé de renouveler l’expérience cette année. Concrètement, l’IVV dresse la liste des postes à pouvoir domaine par domaine et l’Adem sélectionne les candidats intéressés. Cette année, 31 personnes en recherche d’emploi et inscrites à l’Adem arpentent ainsi les vignobles, sécateur à la main.
Félicitations et cozrage Mme !