Le vicaire général et, depuis septembre 2019, évêque auxiliaire pour l’archidiocèse de Luxembourg, Mgr Leo Wagener, évoque la célébration de Pâques en ces temps de crise sanitaire.
Monseigneur Wagener, quel état d’esprit général règne actuellement au sein de l’Archevêché, ainsi qu’au sein des différentes paroisses du pays, face à cette crise sanitaire et en pleine semaine Sainte, de préparations aux festivités de Pâques ?
Je note une que s’est mise une grande créativité pastorale en place, en tous cas dans certaines paroisses. La proximité physique y en été interdite, les gens se sont dès lors vraiment lancés sur les médias sociaux, pour développer des offres pastorales tout à fait nouvelles. D’autres ont effectué un suivi pastoral par téléphone et essayé d’établir un contact de proximité poussé vis-à-vis des personnes âgées, qui ne sont pas forcément familiarisées avec les nouveaux médias. Concrètement, cela é été fait en leur mettant, par exemple, des message dans leurs boîtes aux lettres ou par téléphone, à l’intention des personnes qui ne sont pas forcément familiarisées avec les nouveaux médias; de manière générale, les paroisses tentent de garder le contact avec les personnes âgées.
Il y a également eu un relancement de la diaconie, dans certaines paroisses : des bénévoles se chargent en effet de faire des courses, surtout pour les personnes vulnérables. Donc, de manière générale, il y a toute une créativité pastorale qui s’est développée, et cela est un signe positif dans le cadre cette crise.
Je me suis senti énormément séparé des gens, et cela m’a fait énormément de mal
Qu’en est-il des retours du terrain que vous avez pu avoir ?
Il s’agit avant tout de retours de personnes âgées, ou de personnes confinées à domicile, mais aussi de personnes se trouvant dans les maisons de retraites : elle souffrent énormément, du fait du confinement, qui concerne aussi l’aspect religieux, parce que les messes sont interdites, de même que les visites de nos bénévoles et de nos agents pastoraux. La majorité sont des personnes malades et âgées et cela est vecteur d’une grande souffrance pour cette partie de la population.
Quel est votre état d’esprit personnel, par rapport à cette crise ? Comment la vivez-vous au quotidien et restez-vous optimiste par rapport à la suite des événements ?
J’ai vécu assez ma la première semaine de confinement, étant donné que je suis évêque et donc pasteur… je me suis senti énormément séparé des gens, et cela m’a fait énormément de mal.
Ensuite, j’ai développé une stratégie personnelle, pour pouvoir vraiment profiter de cette période de confinement, afin d’approfondir ma propre spiritualité, et en vue de prier énormément pour la population qui souffre, et je pense notamment à toutes les personnes impliquées dans les soins liés au virus. Par ailleurs, il a été question pour moi de développer bien plus davantage les offres pastorales sur les médias sociaux, et aussi par téléphone.
Quel serait votre message aux fidèles catholiques mais aussi à l’ensemble de la population ?
La perspective de Pâques, est également synonyme de perspective de « sortie », à savoir du confinement de l’homme. Car la mort, elle, représente le confinement absolu de l’homme. J’aimerais donc être porteur d’un message d’espérance, selon lequel nous allons vaincre ce virus. Il est également essentiel de tirer les leçons de cette crise. Je pense notamment, à l’avenir, à ce que les gens soignent bien plus leurs relations personnelles, et qu’elles comprennent que l’on peut aussi bien vivre avec un peu moins. Il faut que la pensée matérialiste diminue en conséquence.
Concernant le relationnel, il faut approfondir notre intériorité qui nous permet de surmonter des événements, qui nous sont, pour ainsi dire, octroyés par l' »extérieur ». Mais l' »intérieur » vaincra, en fin de compte, ce qui nous est octroyé par l' »extérieur ».
Deux actions symboliques ont été annoncées par l’archevêque de Luxembourg, Jean-Claude Hollerich, à l’occasion de la Veillée pascale (samedi), à savoir l’allumage de cierges, de même que le retentissement des cloches des églises (dimanche). Quel regard portez-vous sur ces deux actions ?
Elles ont le grand avantage d’être à la fois une expression religieuse et, en même temps, elles dépassent le cadre religieux, car l’espérance et la lumière de Pâques nous rappelle cette espérance, tandis que le cierge pascal nous rappelle la victoire du Christ sur les ténèbres de la mort. En même temps, cette bougie nous relie à tous ceux qui luttent quotidiennement pour la sauvegarde de la vie, je pense notamment à tous ceux qui travaillent dans les hôpitaux et dans les maisons de retraite.
Ces deux aspects se rejoignent dans la symbolique et le fait de faire retentir les cloches des églises du pays sont synonymes de la victoire du Christ sur la mort. Tel est notre message pascal. En même temps, les cloches enverrons un signal de soutien à tous et signifiera notre gratitude à tous les professionnels de santé et bénévoles qui sont à notre service.
Il n’y aura pas de présence physique à la cathédrale de Luxembourg
Que vous inspirent ces images régulièrement diffusées, montrant le pape François isolé « in Piazza San Pietro (place Saint-Pierre) » au Vatican ?
Il s’agit pour moi d’un grand signe, certes tout simple, mais qui reflète à la fois la situation actuelle, que le vide dans les rues. Ce vide est aussi répercuté dans les cœurs des gens, mais il faut aussi parfois savoir se taire, face à la misère de tous ceux qui ont frôlé la mort dans leur solitude, à l’intérieur d’hôpitaux dépassés par les événements. Dans ce silence, le pape a posé un geste de la présence de Dieu, dans tout cela : qui veut le comprendre saura le faire… il s’agit d’un signe témoignant d’un grand respect, également pour ceux qui ne peuvent pas comprendre le silence de Dieu, dans cette situation. Personnellement j’ai été très touché par l’attitude du pape et beaucoup de personnes ont émis des réflexions allant dans le même sens.
Auriez-vous également un message à véhiculer par rapport aux responsables et pratiquants des autres cultes ?
Le pape avait invité a récité la prière Notre Père, avec tous les croyants, issus de toutes les religions. Je sais qu’il y a des représentants d’autres religions qui sont associés à cet élan de prières, et nous avons remarqué que nous étions tous solidaires au Luxembourg. J’ai eu des échos de membres et représentants des autres confessions, qui ont respecté, bien sûr, les consignes étatiques, et tout le monde se montre solidaire – femmes comme hommes – face à cette épreuve. Nous avons prié ensemble, chacun dans sa tradition, selon sa propre spiritualité et ses moyens, et je dois dire qu’une grande solidarité s’est manifestée.
Que dire par rapport à la célébration du pèlerinage de l’octave, grande fête religieuse nationale par excellence ?
Cette édition se déroulera d’une une manière assez inhabituelle et peut-être aussi d’une façon plus triste. Il n’y aura pas de présence physique à la cathédrale de Luxembourg. On essayera de communier avec les gens via les médias, surtout la TV, c’est-à-dire par le biais d’images et de live-streamings. Le cardinal Hollerich et moi-même seront très présents, à la cathédrale pour animer différents services. Nous ferons tant bien que mal, mais nous essayerons aussi d’organiser une semaine d’octave au mois d’octobre, afin que nos fidèles puissent retrouver du réconfort et afin que l’on prie tous ensemble. J’espère que les gens viendront nombreux et je lance un appel à cet effet.
Les mariages et baptêmes religieux seront repoussés jusqu’à quand ?
Il a été acté que ces cérémonies seront reportées jusqu’à la fin de la crise. Pour l’instant, il est encore trop tôt pour fixer des dates « sûres ». Il nous faut attendre les décisions du gouvernement et voir comment la vie normale pourra de nouveau reprendre, lentement et progressivement, son cours. À mon avis, ce sera après les grandes vacances (estivales), que l’on pourra effectivement fixer des dates.
Quel est votre message global envers les fidèles catholiques ?
Je pense que ces temps de crise ont montré nos responsabilités personnelles pour animer notre foi et ne pas rester inertes. Mais aussi afin de devenir « mobiles » dans nos cœurs, pour se nourrir soi-même, pour profiter des offres et des aides pastorale. En définitive, j’estime que c’est l’homme, lui-même, qui est responsable de sa foi, et beaucoup en ont profité pour la raviser; j’aimerais toutefois que cet élan reste vivant après la crise. Et nous avons également remarqué, avec cette pandémie, l’émergence d’un nouveau sentiment de coresponsabilité, qui lie les uns envers les autres, dans nos communautés, et cela est un bienfait que je souhaiterais durable, après la crise.
Entretien avec Claude Damiani