Les agriculteurs du pays ont beaucoup souffert d’un printemps qui s’est cru en plein été. Mais sur les coteaux de la Moselle, il n’y avait pas de quoi s’en faire. La vigne s’accommode bien de ces conditions de chaleur et de sécheresse.
L’année dernière, à pareille époque, certains vignerons savaient qu’ils avaient déjà perdu pratiquement toute leur récolte. Les nuits de gel du début du mois de mai avaient coupé net tout espoir de voir la vigne produire du raisin sur de nombreux terroirs de la Moselle (Wintrange Hommelsberg, Ehnen Rousemen, Stadtbredimus Rouseberg…). Sur ce plan-là, il faut reconnaître que 2020 a été généreuse. Les conditions météo plus que clémentes (lire par ailleurs) ont dynamisé la croissance de la vigne qui est très précoce.
La sécheresse si problématique pour la culture céréalière est une situation dont, à cette période de l’année, la vigne se sort bien. Grâce à ses racines qui peuvent être longues de plusieurs dizaines de mètres, la plante peut aller chercher de quoi se nourrir loin dans le sol et les réserves d’eau profondes ne sont pas à sec. Par la force des choses, il y a une exception : les jeunes plants mis en terre à partir de début avril qu’il a tout de même fallu arroser.
Mieux, il se trouve que les vignes portent beaucoup de fleurs, ce qui laisse augurer d’une belle récolte. Et c’est logique, explique Roby Mannes, du service Viticulture de l’Institut viti-vinicole de Remich : «Je remarque que nos vignes qui ont le plus gelé l’année dernière (jusqu’à 60 %) portent aujourd’hui beaucoup de grappes. Cela s’explique par le fait que ces vignes n’ont pas porté beaucoup de raisins en 2019 et en ont profité pour se reposer et emmagasiner une énergie qui est disponible maintenant.»
Voilà encore un indice qui montre que la vigne n’a pas souffert du manque d’eau. Toutefois, ces pluies qui arrosent le pays depuis quelques jours font du bien aux ceps. «La floraison coûte beaucoup d’énergie et puisque la vigne n’a pas à puiser l’eau, ces averses la soulagent.» Mais la floraison est également la période où la plante est la plus fragile. Cette eau pourrait-elle donc être problématique ? «Non parce que le sol était quand même très sec et que, du coup, la pression du mildiou (NDLR : qui aime l’humidité et la chaleur) est encore très faible, souligne Roby Mannes. Jusqu’à présent, il n’y a presque pas eu d’infections primaires. Cela va venir, c’est certain, et il est impératif de traiter pour éviter la prolifération des champignons. Mais avec ces températures désormais assez basses, le danger ne semble pas énorme.»
Une floraison sans accroc
La pluie et le froid pendant la floraison peuvent aussi apporter la coulure et le millerandage. La première fait tomber (couler) les fleurs que les mauvaises conditions météo n’ont pas permis de féconder, tandis que la seconde laisse apparaître de petits raisins sans pépins qui ne grossissent pas. Mais là non plus, Roby Mannes ne croit pas que ce soit un gros souci : «Au contraire, un peu de coulure pourrait aider à éclaircir des grappes qui risquent d’être serrées, ce qui pourrait permettre de limiter plus tard la présence du botrytis (NDLR : un champignon qui provoque la pourriture).»
Les météorologues tablent sur un retour du beau temps à partir de dimanche ou lundi, la floraison ne sera donc pas beaucoup impactée par ces quelques jours de pluie et pourra se poursuivre normalement. En temps sec, cette période dure environ cinq jours par pied mais avec l’humidité, elle peut durer jusqu’à deux fois plus longtemps. Globalement, puisque tous les cépages ne fleurissent pas en même temps, la floraison s’étale sur une période plus longue sur la Moselle. «Nous en sommes à la moitié», estime Roby Mannes. Pour le riesling et l’elbling, deux cépages tardifs, il faut attendre encore un peu.
Cette première partie d’année poursuit donc son caractère particulièrement contrasté, vaguement schizophrène, entre la satisfaction d’observer une croissance de la vigne quasiment parfaite et l’angoisse de constater des chiffres de vente en berne à cause du coronavirus. En 2020, rien n’est simple…
Erwan Nonet
Chaleur et sécheresse : des chiffres hors norme
C’est un grand classique : il suffit d’organiser une conférence de presse sur la sécheresse pour qu’il se mette à pleuvoir deux jours plus tard ! Pourtant, c’est un fait, le printemps a été chaud et sec comme rarement cette année. L’administration des Services techniques de l’agriculture annonçait lundi qu’à la station météo de Remich comme à celle de Grevenmacher, la température moyenne du printemps météorologique 2020 (mars, avril, mai) était supérieure de 0,7 degré par rapport à la période 1981-2010 (10,8 degrés contre 10,1 à Remich; 10,5 degrés contre 9,8 à Grevenmacher).
Le mois d’avril a été le plus spectaculaire avec une moyenne supérieure de 2,5 degrés à Grevenmacher (12 degrés contre 9,5) et même de 2,9 degrés à Remich (12,7 degrés contre 9,8)! La sécheresse est, elle aussi, historique : il n’a pas plu une goutte d’eau sur le Grand-Duché pendant plus d’un mois, entre le 22 mars et le 27 avril. Par rapport à la période de référence 1981-2010, la station météo de Grevenmacher a enregistré au printemps un déficit de précipitations de 32 mm (126 mm contre 158) et celle de Remich un déficit de 19 mm (141 mm contre 160).
Falstaff met le Luxembourg à l’honneur
Le magazine spécialisé autrichien, très diffusé dans le monde germanophone, apprécie décidément beaucoup les vins du Grand-Duché ! Il avait mis en avant les crémants luxembourgeois pour son numéro spécial de Noël dernier et, cette fois, il se régale des vins tranquilles. Il note notamment les effets positifs du réchauffement climatique pour la viticulture locale. Cette dégustation, qui est à retrouver sur le site internet du magazine, met en lumière l’homogénéité du haut niveau de qualité des vignerons luxembourgeois. Les 23 vins répertoriés ci-dessous sont en effet sortis des caves de 16 producteurs différents. Les voici :
94/100 Domaine Henri Ruppert (Schengen), Riesling Côteaux de Schengen Vendage tardive 2018 Domaine Alice Hartmann (Wormeldange), Riesling Grevenmacher Fels 2018
93+/100 Château Pauqué (Grevenmacher), Chardonnay Clos de la Falaise 2018 93/100 Thill’s (Grevenmacher), Pinot Gris Château de Schengen 2018 Thill’s (Grevenmacher), Riesling Château de Schengen 2018 Domaine Alice Hartmann (Wormeldange), Riesling Ahn Palmberg 2018 Domaine Madame Aly Duhr (Ahn), Riesling Nussbaum 2018
92+/100 Domaine Desom (Remich), Chardonnay Remich Fels 2018 Caves Berna (Ahn), Pinot Noir Göllebour 2018 Domaine Henri Ruppert (Schengen), Pinot Noir Ma tâche 2015
92/100 Domaine Madame Aly Duhr (Ahn), Barrique Blanc 2018 Caves Krier Frères (Remich), Chardonnay Domaine Privé de la Maison 2018 Caves St Martin (Remich), Gewürztraminer De Nos Rochers 2018 Domaine Viticole Cep d’or (Hëttermillen), Pinot Blanc Stadtbredimus Goldberg Barrique 2018 Caves Gales (Ellange-Gare), Pinot Gris Remich Hôpertsbour 2018 Domaine Viticole Häremillen (Ehnen), Pinot Noir Ahn Göllebour Héritage du Moulin 2018 Caves René Bentz (Wellenstein), Pinot Noir Coteaux de Wellenstein 2018 Caves René Bentz (Wellenstein), Riesling Bech-Maacher Gottesgôf 2019 Domaine viticole Kohll-Leuck (Ehnen), Riesling 1947 Ehnen Wousselt Les Terrasses 2017 Domaines Vinsmoselle (Stadtbredimus), Riesling Charta Schengen Prestige 2018 Château Pauqué (Grevenmacher), Riesling Paradäis 2018 Domaine Clos des Rochers (Grevenmacher), Riesling Ried Grevenmacher Fels 2018 Caves Berna (Ahn), Riesling Vieilles Vignes 2018.