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Masque de Hellange : un visage pour l’éternité


Le magnifique masque de Hellange touche la conservatrice Fabienne Pietruk. Non seulement il est beau, mais il a plein de choses à dire! (Photo : Hervé Montaigu)

La beauté plastique du masque de Hellange, en fait la visière d’un casque d’apparat romain, fascine. Il est l’objet préféré de Fabienne Pietruk, conservatrice de la section.

La finesse des traits, les yeux en amande, les lèvres ajourées… Le masque de Hellange ne porte pas ses 2000 ans! Il capte automatiquement le regard et, au premier rang, celui de Fabienne Pietruk, la conservatrice des Collections nationales d’archéologie du MNHA.

Archéologue de formation (elle a étudié à Strasbourg), Fabienne Pietruk a réalisé un DEA sur les collections de fibules romaines (des épingles parfois très travaillées qui permettent d’attacher les vêtements) conservées dans les musées de Metz. Une étude qui a été publiée dans la foulée. Elle est arrivée au musée dès son ouverture, en 2002. «J’y ai d’abord fait des stages dans le cadre de mes travaux universitaires, puis réalisé des fouilles archéologiques. J’ai ensuite été engagée au sein du service pédagogique avant de rejoindre la section des Collections nationales d’archéologie», précise-t-elle.

De 1997 au début des années 2000, elle a notamment participé aux campagnes de fouilles de sauvetage dirigées par Jean Krier qui ont précédé la création de la zone d’activités du Bourmicht, à Bertrange. Il y a 2 000 ans environ, «une grande villa romaine et ses dépendances se trouvaient à l’emplacement de cette zone d’activités», avance-t-elle.

Aujourd’hui, Fabienne Pietruk est l’une des deux conservatrices des Collections nationales d’archéologie du MNHA.

Cet objet magnifiquement bien conservé est incontestablement l’un des chefs-d’œuvre du musée. Le visage en laiton a été coulé (et pas travaillé au repoussé) par un artiste au talent indéniable. «Il s’agit d’une visière de casque d’apparat de cavalier, portée lors des défilés et des parades, mais pas au combat, explique la conservatrice. Elle était fixée sur un casque en fer – qui n’a pas été conservé – grâce à une charnière centrale située à l’arrière, ce qui lui permettait d’être abaissée ou remontée.»

Un bandeau exécuté avec la technique du repoussé est fixé sur le front. Un fin ruban torsadé le délimite du visage. «Le bandeau porte aujourd’hui deux médaillons, mais il y en avait très vraisemblablement trois à l’origine, il manque celui du côté gauche», souligne Fabienne Pietruk. La figure centrale est «un amour citharède», une figure enfantine jouant de la cithare (une sorte de lyre). Celui de droite, lui, porte un visage de femme représenté de trois quarts. «Ces médaillons sont probablement des phalères, des décorations octroyées en tant que mérite militaire.»

Le casque a été découvert en 1853, au hasard de travaux de défrichement en forêt. «Nous avons la chance que les forestiers, après avoir découvert la tombe, aient contacté le curé Pierre Kneip, qui était membre de la Société pour la recherche et la conservation des monuments historiques au Grand-Duché de Luxembourg, et les objets ont rejoint le musée dès sa création», explique Fabienne Pietruk.

Le curé Kneip s’est ensuite rendu à l’endroit de la découverte pour le fouiller sommairement, selon les méthodes de l’époque. Les indications qu’il a notées sur un carnet sont les seules informations qui restent aujourd’hui. «La visière était placée dans une tombe à incinération avec d’autres objets, dont de très belles coupelles en verre», détaille la conservatrice. Les fouilleurs de l’époque ont rapporté que la tombe A de Hellange-Belsacker mesurait 1,50 m de long pour 0,75 m de large. Elle contenait un coffre cinéraire, quatre vases en verre et un autre en terre cuite. Compte tenu de la richesse du seul masque, les vestiges enregistrés ne semblent pas si nombreux. Peut-être que les techniques de fouilles rudimentaires de l’époque ont laissé passer d’autres vestiges à travers les mailles du filet… D’autres tombes dotées d’un mobilier riche, dont certaines pièces sont exposées au MNHA, se trouvaient à proximité.

«J’ai choisi d’évoquer le masque car il raconte une histoire, souligne Fabienne Pietruk. Bien que nous ne connaissions pas son propriétaire, nous avons des indications qui permettent de retracer en partie sa vie. Même si le masque est très beau, en archéologie, ce n’est pas l’esthétique de l’objet qui est importante, ce sont les informations qu’il nous donne sur la période pendant laquelle il a été utilisé. Et cette visière nous apprend beaucoup de choses sur son propriétaire.»

L’homme qui a été incinéré puis enterré à Hellange était très vraisemblablement un vétéran des troupes auxiliaires de l’armée romaine. Hellange se situe près du limes rhénan (la frontière entre l’Empire et les barbares) et de nombreux Trévires étaient volontaires pour servir la cause de Rome. La carrière du défunt a dû être longue et fructueuse. Ce masque est un élément de prestige et les décorations qu’il porte indiquent qu’il a reçu à plusieurs reprises les honneurs de ses pairs.

Cette sépulture complète bien l’image du vicus de Dalheim/Ricciacus, dont l’agglomération était située à une dizaine de kilomètres de Hellange. Les deux localités jouxtent la via Agrippa qui reliait le Rhin à la Méditerranée. Cette agglomération était alors en pleine expansion, les conquêtes menées par Rome ont permis le formidable essor (y compris économique) de ces régions périphériques de l’Empire. Le porteur de ce casque d’apparat a su en profiter!

Erwan Nonet