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Marché couvert d’Esch : la débandade


Après le boulanger, le vendeur de fruits exotiques, la vendeuse de produits italiens, le cafetier, la cuisinière coréenne et le boucher, le vendeur de fruits et légumes a quitté lundi le marché couvert du boulevard Kennedy à Esch.

Hier, au marché couvert, il n’y avait aucun client. En même temps, que viendrait-il y faire ? À part acheter du fromage chez le dernier commerçant à tenir boutique, rien. Lundi, le vendeur de fruits et légumes, avant-dernier commerçant survivant, a plié bagage. Il y a quelques jours, Heui Ja Weber a démonté son stand de restauration coréenne à emporter. « En gagnant 20 euros par jour, comment vouliez-vous que je paye un loyer ? Et je ne parle même pas d’un salaire… »

Elle est triste, en colère même, parce qu’elle a l’impression que l’on s’est moqué d’elle. « Au départ, le marché couvert ne devait ouvrir que lorsque tous les stands seraient occupés. C’était même une clause du contrat de bail. Le propriétaire (NDLR : KF Fiduciaire) a voulu nous faire signer une dérogation sur ce point, mais nous avons refusé. Pourtant, le marché a ouvert ses portes le 15 novembre et nous n’étions que 8 (NDLR : sur 28 emplacements). »

Deux ou trois clients par jour

Elle a donc été contrainte de fermer sa boutique la semaine dernière. « J’y ai mis toutes mes économies et j’ai même emprunté 12 500 euros », glisse-t-elle dépitée, devant son stand où ne subsistent plus que les traces des anciens meubles au sol. « J’ai beaucoup perdu dans cette affaire… », soupire-t-elle en expliquant qu’elle essayait de trouver un autre endroit pour installer son commerce. « Il le faut bien parce que j’ai créé ma SARL en 2013, puisque le marché devait ouvrir en septembre. Et même s’il n’a ouvert qu’il y a cinq mois, je dois payer des impôts depuis la création de ma société : 5 600 euros! Je ne sais pas comment je vais faire. »

À ses côtés, Mario Da Silva compatit. Il tenait la brasserie Bofferding installée au milieu du marché. « Je voulais lui donner un style sympa, alors on l’a décorée façon paillote », souligne-t-il en soulevant les bâches qui recouvrent son bar. Les bouteilles, à peine entamées, sont encore là. Contrairement à de nombreux collègues, lui a tout de suite compris que, tel qu’il était lancé, le marché allait droit dans le mur. « Je me suis lancé le 15 novembre, pour l’ouverture, et j’ai fermé deux jours après l’inauguration officielle, le 8 décembre. Avec deux ou trois clients par jour, comment voulez-vous que ça tienne ? »

Le promoteur des lieux lui a bien proposé des aménagements financiers pour qu’il reste, « mais je ne voulais pas d’une gratuité, insiste-t-il. Je souhaitais simplement que le commerce tourne. Mais là, il n’y avait aucune chance que ça marche. » Si aucun marchand n’a jamais payé de loyer, tellement leurs revenus étaient faméliques, « nous avons tout de même payé trois mois de caution, soit 6 000 euros », précisent Heui Ja Weber et Mario Da Silva.

À l’heure actuelle, c’est peu de dire qu’il y a de l’incompréhension dans l’ancienne concession automobile du boulevard Kennedy. « Les promesses n’ont pas été tenues. Les campagnes de publicité et de marketing ont été tellement discrètes que quasiment personne ne les a vues. Une bonne idée, si personne n’est au courant, ça ne sert à rien ! », peste Mario Da Silva.

« Dans cette affaire, qui gagne quoi ? »

Aujourd’hui, les commerçants qui sont partis se demandent comment ils vont pouvoir récupérer leur investissement. « Nous avons mis des moyens humains et financiers pour que cela marche. Nous avons joué le jeu, mais ça n’a pas été le cas de tout le monde », regrette les deux commerçants qui ont l’impression de s’être fait avoir. « C’est du gâchis », regrettent-ils en se demandant pourquoi rien n’a été fait pour éviter que le marché ne meure à petit feu. « Dans cette affaire, qui gagne quoi ? », interpelle Mario Da Silva, dubitatif. « Et nous, sur qui pouvons-nous compter ? » conclut-il désabusé.

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