Elles sont méconnues et souvent invisibles. Les maladies rares touchent 30 000 personnes au Luxembourg, dont Daniel, 2 ans. Son père témoigne.
Elles sont dites rares, pourtant 5 % de la population est atteinte de ce type de maladie, soit 30 000 personnes au Grand-Duché. On en dénombre 6 000 sortes au Luxembourg, du moins pour celles qui sont connues, car souvent avant de pouvoir poser un diagnostic sur ces maux, il faut passer par cinq ans d’errance médicale :
«C’est une moyenne, explique Daniel Theisen, le directeur de l’association ALAN – Maladies Rares Luxembourg. Cela peut être beaucoup plus long et certaines personnes ne pourront jamais mettre de nom sur leur maladie. Quand on sait de quoi il s’agit, neuf fois sur dix, il n’existe pas de traitement. Cela crée forcément du stress. Surtout que, bien souvent, on ne sait pas comment va évoluer la maladie, si l’on peut faire des projets d’avenir par exemple. Beaucoup de symptômes sont invisibles, la douleur, l’hypersensibilité, les problèmes métaboliques ou sensoriels… Comment peut-on expliquer à son patron qu’un jour ça va et que le lendemain non ? C’est pareil pour l’entourage, cela isole les patients et peut créer une grande souffrance psychique. L’association est là pour améliorer la qualité de vie des personnes par tous les moyens possibles. Que ce soit administratif, psycho-social ou, comme pour ce projet, par la sensibilisation».
Ce projet, c’est une exposition photo, «RaReflections», visible au sein de la gare de Luxembourg et offrant au public des portraits de personnes atteintes de maladies rares avec un message positif : «La maladie ne définit pas ce que vous êtes et quels seront vos projets».
Les seize modèles sont valorisés au travers des clichés de Sophie Margue, dont la sensibilité a touché l’association et a permis «de créer une certaine intimité», explique le directeur. Cette exposition inaugurée jeudi a lieu dans le cadre de la journée mondiale des Maladies rares organisée lundi.
«Tous nos rêves se sont brisés»
Parmi les modèles, Daniel, 2 ans et 10 mois, atteint du syndrome d’Angelman. Un enfant souriant dont les parents se battent sans relâche pour lui donner les chances d’avoir la plus belle des vies. «Nous avons découvert son syndrome à l’âge de 3 mois. C’est très rare, normalement c’est plutôt à l’âge de 3 ans», raconte le papa, Roman Samoylov.
«Il avait des mouvements oculaires anormaux. Nous avons consulté un ophtalmologue qui nous a envoyés vers un neurologue qui l’a suivi attentivement. Comme dans 72% des cas, c’est une maladie génétique rare (NDLR : le reste du temps, elle est acquise). Dans ce cas précis, c’est le chromosome 15 qui présente une anomalie. Cela entraîne beaucoup de symptômes, dont des crises épileptiques ainsi qu’un développement moteur et cognitif tardif.»
Du jour au lendemain, le monde s’est écroulé pour ces parents, «Tous nos rêves se sont brisés. Nous avons mis plusieurs semaines à réaliser, nous étions en état de choc». Le quotidien du foyer est rythmé par des séances de kiné, d’ergothérapie, d’orthophonie.
Régulièrement, la famille se rend aussi en République tchèque ou en Slovaquie pour participer à des programmes intensifs de rééducation dans des centres spécialisés. Un budget considérable qui entame les finances du couple mais qui est indispensable pour ces courageux parents.
Aujourd’hui, leur fils marche «et court même certaines fois», une récompense alors que la plupart des enfants atteints de ce syndrome ne marchent normalement que des années plus tard, voire jamais.
«C’est notamment grâce aux efforts de ma femme qui a arrêté de travailler et lui fait faire des exercices tous les jours. C’est aussi grâce au potentiel de Daniel.»
Tous les espoirs dans la recherche
Si le couple est soutenu par son entourage, la vie sociale en prend forcément un coup; les voyages et les sorties se réduisent, tout comme la vie sociale. Il faut dire que les parents ne peuvent être qu’épuisés car les enfants atteints de ce syndrome ne dorment que quelques heures par nuit, trois à quatre heures pour Daniel.
«À 3 h du matin, il peut se lever et se mettre à jouer. C’est souvent le cas jusqu’à 8-10 ans, ensuite ça se calme un peu. Nous n’avons personne pour le garder au Luxembourg, nos parents ne sont pas ici», indique l’habitant de Dudelange. Seule une crèche inclusive peut les soulager deux jours dans la semaine.
Mais l’espoir est là. «Nous avons participé à la conférence annuelle aux États-Unis sur ce syndrome et nous avons découvert qu’il y a des essais cliniques aux États-Unis et en Europe qui consistent à activer le gène paternel dormant, via une thérapie génique. Côté américain, des essais se sont déjà avérés positifs et des enfants ont commencé à parler, car Daniel ne parle pas. Il a des chances d’évoluer, il faut se battre. Nous sommes en contact avec des chercheurs à Rotterdam pour que notre enfant soit intégré dans un protocole d’essai. C’est maintenant que tout se joue. Nous aimerions aussi qu’il participe à l’essai en restant ici au Luxembourg. C’est possible, mais le LNS (Laboratoire national de santé) doit donner son accord et pour l’instant, il ne semble pas intéressé. Ma femme et moi sommes cofondateurs en Belgique d’une association pour faire connaître le syndrome, aider les autres parents et participer à l’accélération des essais cliniques en Europe.»
Dans leur malheur, ils ont eu le soutien de l’association ALAN. «Nous sommes en contact permanent avec eux», explique Roman. «Ils nous donnent des conseils administratifs, pour trouver des spécialistes, des centres, sur beaucoup de plans.»
Ils ont accepté de participer à l’initiative d’ALAN pour faire connaître les maladies rares, en particulier celle de leur fils. Au maximum quinze enfants souffrent du syndrome d’Angelman dans le pays. «Nous non plus, avant la naissance de Daniel, nous ne connaissions presque rien des maladies rares.»
L’association ALAN compte plus de 300 membres et aide tous ceux qui en ont besoin, qu’ils adhèrent ou non, de façon gratuite, notamment via une hotline : 20 21 20 22.
Audrey Libiez
Mobilisations autour de la quinzième journée internationale
Dans le cadre de la quinzième édition de la journée internationale des Maladies rares, des représentants du ministère de la Santé luxembourgeois ont participé lundi à la conférence «Parcours de soin et d’innovation pour une politique européenne des maladies rares», organisée à Paris par le ministère des Solidarités et de la Santé dans le contexte de la présidence française du Conseil de l’Union européenne.
Cette conférence était l’occasion d’échanger sur les réseaux européens de référence en intégrant les besoins médicaux, de recherche et sociaux des patients ainsi que les enjeux autour des données de santé et de l’innovation.
Cette conférence avait aussi pour but de préciser la feuille de route de l’Union européenne en la matière et de préparer collectivement la mise en place d’un plan européen des maladies rares à l’horizon 2030.
Comme les années précédentes, la lumière est mise sur les maladies rares grâce à la «Global Chain of Lights» – l’illumination de bâtiments publics emblématiques et de monuments aux couleurs du Rare Disease Day à travers le monde entier. Le but de cette illumination est de briser l’isolement des personnes concernées par une maladie rare, d’exprimer la solidarité et de sensibiliser le public.
Pour cette action, de nombreux bâtiments prestigieux sont illuminés en bleu, rose, vert et violet pendant la dernière semaine de février et la première semaine de mars 2022 dont le château d’eau au ban de Gasperich, la Philharmonie Luxembourg, les hauts-fourneaux de Belval ou encore le Centre Hospitalier du Nord.
L’exposition «RaReflections» est organisée en partenariat avec les CFL, la Spuerkeess et le ministère de la Santé. Elle sera visible jusqu’au 31 mars 2022. Puis elle sera accueillie par d’autres organisations, partenaires d’ALAN, jusqu’en février 2023.
A. L.