Première école technique du pays créée en 1896, le lycée des Arts et Métiers de Luxembourg célèbre son 125e anniversaire. Portrait de cette institution plus moderne que jamais.
Dire que le lycée des Arts et Métiers a bien changé depuis sa création à la fin du XIXe siècle est un euphémisme : il n’a, en fait, jamais cessé de se réinventer, pour s’imposer aujourd’hui comme le lycée de référence du pays en matière d’art graphique, de design, de «smart technologies», d’animation ou de gaming, pour ne citer que ces filières.
Près de 2 000 élèves et 320 professeurs font vivre cette communauté scolaire plus que centenaire, dont le cœur bat depuis toujours pour la créativité, et pas seulement dans les branches artistiques : «Cela fait partie de notre identité», lance fièrement Fabrice Roth, le directeur. «La créativité est partout au lycée des Arts et Métiers, y compris dans les filières plus classiques et théoriques, comme la mécanique, l’électrotechnique ou l’informatique.»
Pour y parvenir, l’équipe éducative s’efforce, à travers l’interdisciplinarité de certains projets, d’ouvrir l’horizon des élèves en les mettant en relation les uns avec les autres, toutes formations confondues : «Cela leur permet d’explorer de nouvelles perspectives», note-t-il.
Cette volonté de rester moderne et de coller à son époque guide chaque jour ce chef d’établissement, aux commandes depuis trois ans : «On doit être dynamique et sans cesse innover. Nous travaillons par exemple au changement de nos méthodes d’enseignement. C’est un vaste chantier que nous menons pas à pas, avec des professeurs enthousiastes, en impliquant davantage les élèves dans leur propre parcours.»
Une vision nouvelle qui passe notamment par l’individualisation de la formation des lycéens et de leur suivi : «Notre but est d’aider chaque élève à atteindre ses objectifs, et ceux-ci ne sont pas les mêmes que ceux de son voisin.» Pour Fabrice Roth, cela se traduit non seulement par des choses toutes simples, comme la disposition des tables dans la classe – oublié le temps des longues rangées d’élèves bien alignés –, mais aussi par la manière d’enseigner ainsi que la répartition du temps scolaire.
«On est vraiment en train de repenser tout ça», confie le jeune directeur, qui plaide ainsi pour l’instauration d’un modèle de formation hybride (ou blended learning), soit une réduction des heures passées en classe au profit d’un temps flexible, mêlant apprentissage en ligne et temps libre, pour laisser la place à l’engagement social ou sportif des élèves. «On avait commencé un projet de ce type juste avant la crise sanitaire l’an dernier. Derrière, il y a toujours cette idée de pousser les élèves à prendre en main leur formation, à nourrir leur formation.»
Un lycée ouvert sur l’extérieur
Loin de fonctionner en vase clos, le lycée des Arts et Métiers est en lien avec de nombreux acteurs de la société civile et du monde culturel et associatif, avec la volonté de rapprocher les lycéens et les étudiants des formations supérieures du monde du travail qui les attend.
À l’occasion des festivités du 125e anniversaire (lire encadré), ces partenariats sont encore renforcés, avec des visites et ateliers réservés aux élèves dans de prestigieuses institutions comme le Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg, la Villa Vauban, le Mudam, la Philharmonie ou directement auprès d’artistes comme le néo-sculpteur Serge Ecker, connu pour ses œuvres en maillage 3D, ou Paul Schumacher, alias Melting Pol, pour le vidéomapping. De quoi découvrir une multitude de professions et autant de débouchés potentiels.
Quant aux passerelles vers l’enseignement supérieur, elles sont nombreuses, à commencer par les neuf BTS proposés au sein de l’établissement : animation, cinéma et audiovisuel, «connected buildings and cities», «game art and game design», «game programming and game design», génie technique, informatique, «internet of things» ou réalisateur graphique.
Et pour ceux qui souhaiteraient poursuivre vers un diplôme bac+3, un bachelor est ouvert depuis deux ans dans le domaine de l’animation à l’université du Luxembourg, et d’autres ponts existent avec des universités étrangères pour ce qui est des autres filières.
Christelle Brucker
Tourbillon hétéroclite au Tramsschapp
L’artiste Edmond Oliveira propose une mise en scène de ce qui fait le lycée des Arts et métiers. Si, depuis des générations d’élèves, de nombreuses pièces originales de valeur ont été produites au lycée des Arts et Métiers, l’établissement souhaitait proposer bien plus qu’une simple exposition pour son 125e anniversaire. Ainsi, sous la houlette d’Edmond Oliveira, celles-ci ont été transformées en une seule et même œuvre basée avant tout sur l’humain : après avoir interrogé l’ensemble de la communauté scolaire pour mieux la connaître, l’artiste a créé une exposition qui lui est entièrement dédiée.
Un vrai tourbillon hétéroclite où se côtoient une multitude d’installations, films, photographies, éléments graphiques et séquences sonores, le tout issu des ateliers de l’école. Les élèves ont bien sûr participé à ce beau projet, qui sera inauguré demain en présence du couple grand-ducal héritier (uniquement sur invitation). Le public pourra découvrir l’exposition à partir de samedi et jusqu’au dimanche 20 juin au centre culturel Tramsschapp, 49 rue Ermesinde. Entrée libre. Horaires complets et réservations (obligatoire) sur le site web du lycée.
Le long chemin de la «Handwierkerschoul»
Le lycée des Arts et Métiers date du 14 mars 1896 : c’est le ministre d’État de l’époque, Paul Eyschen, qui est à l’origine de la création de cette première école technique publique du pays, une «école d’artisans de l’État» qui offre alors une formation générale aux artisans afin de compléter leur apprentissage.
Au début, la «Handwierkerschoul» propose trois sections : bâtiment, mécanique et métiers d’art. Renommé «école des Arts et Métiers» en 1958, puis «lycée technique des Arts et Métiers» en 1979, le lycée change de nouveau de nom pour «lycée des Arts et Métiers» en 2015, avec l’intégration de l’Uelzecht Lycée et son offre dans l’enseignement secondaire classique.
Initialement installée dans la caserne d’artillerie au Piquet à Luxembourg, l’école déménage dans les locaux de l’ancien ordre des jésuites au Limpertsberg au début du XXe siècle. Entre 1948 et 1953, une nouvelle aile est érigée dans la rue des Cerisiers et cette dernière sera élargie en 1993.
Les blocs A, B et C de l’aile des ateliers datent des années 1970 et la façade a été rénovée au début des années 2000. Les trois blocs sont complétés par le bloc D en 2015 et, cette même année, la nouvelle construction hébergeant le gymnase, la cafétéria et le restaurant scolaire est également inaugurée.
Actuellement, le lycée compte 130 classes et offre des formations issues de l’enseignement secondaire général, de la formation professionnelle, de l’enseignement secondaire classique et du brevet de technicien supérieur (BTS).
C.B