La lutte contre les déchets d’emballage s’accentue. La prévention, le recyclage et la valorisation de ces résidus seront renforcés. Un système de consigne va arriver. Et le plastique à usage unique sera circonscrit.
«Je partage le constat qu’il y a urgence. Afin de lutter plus efficacement contre les déchets, le gouvernement va continuer à légiférer en la matière», avait annoncé la ministre de l’Environnement, Carole Dieschbourg, le 6 février 2019 au Parlement. Elle venait d’être interpellée par les pétitionnaires revendiquant une restriction des emballages en plastique. Aujourd’hui, la ministre verte est sur le point de tenir sa promesse.
Début août ont été déposés à la Chambre deux textes de loi qui visent à accentuer la lutte contre les déchets d’emballage. La volonté de Carole Dieschbourg est de renforcer la loi de 2017, qui continuera à former le cadre de la réduction des déchets d’emballage. S’y ajoute la transposition en droit national de la directive européenne qui va interdire une palette de 10 produits de plastique à usage unique. La liste est désormais bien connue : coton-tige, couverts, assiettes, pailles, bâtonnets mélangeurs pour boissons et tiges pour ballons en plastique. Selon la Commission européenne, il s’agit «des produits en plastique à usage unique les plus présents sur les plages et dans les mers européennes». Au total, ces produits constitueraient 70 % de tous les déchets marins.
Au Luxembourg, chaque habitant produit près de 100 kg de déchets en plastique par an. En 2017, le total était de 98,4 kg. L’ensemble des déchets en plastique s’est établi à 58 706 tonnes sur cette même année. La moitié de ce plastique est retrouvé dans le déchet ménager (lire également les chiffres clés repris ci-dessous). Il n’est donc pas étonnant de voir la ministre de l’Environnement mettre l’accent sur le plastique, y compris dans la nouvelle version de la loi de 2017 sur les emballages et les déchets d’emballage.
Boissons : une consigne de 10 cents à 1 euro
La prévention, le recyclage et la valorisation de ce type de résidus seront renforcés. Les producteurs seront ainsi tenus de valoriser au moins 65 % du poids de leurs emballages. Au plus tard le 31 décembre 2025, 65 % du poids de tous les déchets d’emballage devra être recyclé. Le plastique devra être valorisé à hauteur de 22,5 % du poids et 50 % des déchets en plastique devront être recyclés.
Au-delà des objectifs chiffrés, le projet de loi de la ministre Carole Dieschbourg comprend deux changements de paradigme majeurs : l’interdiction dès 2022 d’emballer les fruits et légumes frais en plastique (lire ci-contre) et la mise en place d’un «système de consigne national unique» pour les boissons emballées (canettes, bouteilles en plastique, etc.). Le texte prévoit un montant variable de la consigne en fonction de la nature de l’emballage. Elle sera comprise dans une fourchette comprise entre 10 centimes et 1 euro. Par contre, la mesure reste soumise à une clause particulière : «La date et les modalités de la mise en œuvre du système de consigne sont définies par voie de règlement grand-ducal.» Vu la portée de ce nouveau système, les discussions s’annoncent encore ardues.
La future loi va s’appliquer «à tous les emballages mis sur le marché luxembourgeois et à tous les déchets d’emballage». Grâce au recyclage et la valorisation, la ministre de l’Environnement compte «éliminer» ces déchets et «contribuer à la transition vers une économie circulaire».
Pour atteindre son ambitieux objectif «Zéro déchet», Carole Dieschbourg mise également sur la directive européenne pour réduire de manière significative la consommation de produits en plastique à l’échelle des 27 pays de l’Union européenne. En plus de l’interdiction des produits à usage unique cités plus haut, le texte impose différents objectifs de réduction des quantités de plastique mis sur le marché. La loi doit entrer en vigueur le 3 juillet 2021.
Les fast-foods visés à leur tour
Les producteurs de gobelets de boisson en plastique, de récipients pour aliments, y compris les emballages utilisés pour la restauration rapide, devront notamment réduire d’ici 2026 de 20 % la mise sur le marché de ce type de produits. L’année de référence sera 2022. À partir du 1er janvier 2026, la réduction de la production devra être tous les ans de 10 % supplémentaire.
Pour ce qui est des bouteilles en plastique d’une capacité maximale de 3 litres, il faudra qu’elles contiennent à partir de 2025 au moins 25 % de plastique recyclé et 30 % de plastique recyclé dès 2030.
D’une manière plus globale, le principe pollueur-payeur est ancré dans ce texte de loi. Les producteurs seront ainsi amenés à supporter des coûts pour sensibiliser les consommateurs, pour collecter les déchets et pour nettoyer les déchets sauvages à base de plastique.
«Le problème de l’augmentation constante (…) de la dispersion de déchets plastique dans l’environnement, en particulier dans l’environnement marin, devait être résolu afin d’instaurer un cycle de vie circulaire pour les plastiques», conclut la Commission européenne. Mais comme le souligne Carole Dieschbourg, il faudra que ce processus législatif soit accompagné d’un «changement sociétal» qui doit encore se concrétiser.
David Marques
Dès 2022, interdiction du plastique pour emballer les fruits et légumes frais
La pratique n’a pas cessé de gagner en ampleur ces dernières années. De plus en plus de grandes surfaces, mais pas uniquement, se sont mises à proposer dans leurs rayons une large palette de fruits et de légumes frais emballés dans du plastique. Le comble : des fruits et légumes épluchés et découpés, en partie emballés un par un dans un film en plastique.
Cette offre a été fustigée en février 2019 lors du débat public sur la pétition revendiquant une restriction des emballages en plastique. À ce moment, la ministre de l’Environnement avait déjà laissé entrevoir qu’elle comptait légiférer en la matière. Ce sera chose faite avec la loi révisée sur les emballages et déchets d’emballage qui se trouve sur la table de la Chambre des députés. Le texte prévoit qu’«à compter du 1er janvier 2022, tout commerce de détail exposant à la vente (…) fruits et légumes (…), y compris les fruits et légumes épluchés ou découpés, est tenu de les exposer sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique». En d’autres termes : les emballages en plastique pour fruits et légumes seront bannis des rayons des supermarchés dès 2022. Seule exception : les fruits et légumes conditionnés par lots de 1,5 kg ou plus.
Le projet de loi reprend une longue liste des fruits et légumes qui seront concernés par la future interdiction.
Quelques chiffres clefs au Grand-Duché…
• Les plus récents chiffres publiés par Valorlux indiquent que 54 981 tonnes de déchets d’emballage ont été collectées en 2018 (91,33 kg par tête d’habitant). Sur ce total de près de 55 000 tonnes, 54 647 tonnes ont pu être recyclées ou valorisées. Grâce aux sacs bleus et verts de Valorlux, 9 209 tonnes de déchets d’emballage ont été collectées, soit 15,58 kg par habitant. Valorlux est l’ASBL en charge de la collecte sélective, du tri et du recyclage des déchets d’emballage au Luxembourg.
• Le ministère de l’Environnement a présenté en début d’année sa dernière analyse de la composition des déchets municipaux. Elle couvre les années 2018 et 2019. En moyenne, un habitant a produit 193,7 kg de déchets par an (+13,2 % par rapport à 2013). Les déchets en plastique constituent 17 % (32,4 kg) de la moyenne totale. Autres chiffres clés : 31 % (61,2 kg) sont des biodéchets, 18 % (34,7 kg) du carton et du papier et 18 % des articles d’hygiène. S’y ajoutent 24 % (46,8 kg) de déchets divers (inertes, problématiques…).
• L’Institut national de la statistique au Grand-Duché (Statec) annonce que les déchets ménagers ont atteint les 326 000 tonnes en 2018. Avec l’accroissement de la population, le tonnage de déchets ne cesse d’augmenter. En 1998, le Statec comptabilisait encore 212 000 tonnes de déchets ménagers. En 2008, le total annuel affichait 295 000 tonnes. La barre des 300 000 tonnes par an a été franchie pour de bon en 2014. Le bilan est le suivant : 306 000 tonnes en 2014 et 2015, 311 000 tonnes en 2016 et 322 000 tonnes en 2017.
• Selon des estimations du ministère de l’Environnement, près de 129,5 millions de tonnes de déchets en plastique à usage unique sont annuellement consommées au Luxembourg. Voici la liste détaillée, publiée dans le cadre de la dernière analyse de la composition des déchets municipaux :
– Assiettes 2,1 millions
– Bâtonnets mélangeurs 6,8 millions
– Couverts 8,4 millions
– Gobelets 12,9 millions
– Pailles 23,3 millions
– Coton-tige 75,98 millions
• Les produits de tabac avec filtres et les filtres commercialisés pour être utilisés en combinaison avec des produits de tabac font partie intégrante de la directive européenne visant une réduction des produits de plastique à usage unique. Et pour cause : au Luxembourg, on estime le nombre de mégots de cigarette retrouvés chaque année dans les déchets municipaux à 547,35 millions d’unités. Les producteurs seront dès 2021 obligés de prendre en charge notamment les coûts pour le nettoyage des déchets sauvages.