La nouvelle aile Wiltheim du musée national d’Histoire et d’Art ouvrira le 19 mars après quatre années de travaux. Les collections d’arts décoratifs et populaires y ont trouvé un magnifique écrin.
François Bausch, le ministre du Développement durable et des infrastructures, et Maggy Nagel, la ministre de la Culture, ont visité la nouvelle aile Wiltheim. L’État a investi 7,9 millions d’euros dans sa restauration. (Photos : Alain Rischard/MNHA/Tom Lucas)
Dans un contexte difficile pour les sections typées « folklore » et « arts populaires » en raison d’un désintérêt croissant des visiteurs, le musée national d’Histoire et d’Art prend le contrepied de la tendance de ces dernières années. Et, lorsque l’on voit le résultat, on se dit qu’il n’est vraiment pas interdit d’aller contre les modes.
Entre son ouverture en 1969 et sa fermeture en 2009, l’aile Wiltheim a toujours accueilli ces collections qui illustraient la vie luxembourgeoise à travers des tableaux parfois un peu figés. Aujourd’hui, après une vraie réflexion et une sélection plus poussée, ces objets sont présentés sous un angle totalement nouveau qui permet une nouvelle lecture, bien plus intéressante.
La grande différence, c’est que l’on exposait auparavant pour illustrer un contexte un peu flou, à force de tableaux un peu caricaturaux. « Aujourd’hui, le but est d’interroger l’objet, de le mettre en relation avec l’artisan qui l’a fabriqué et d’en illustrer l’évolution », explique le conservateur des arts décoratifs et populaires, Régis Moes. Ce n’est plus le folklore qui compte, mais la pertinence de l’artefact présenté et ce qu’il peut nous apprendre.
> Du neuf aussi pour les beaux-arts
Ainsi, il n’est plus question de placer des objets pour faire comme s’il étaient dans leur configuration originales, comme on l’a fait jusqu’en 2009. Aujourd’hui, les apports sont exposés de telle façon qu’on ne « trompe » pas le visiteur.
Participant de cette même dynamique, les explications sont plus nombreuses. Les plaquettes (en français, allemand et anglais) permettront d’entrer plus en détail dans la compréhension des objets.
L’ouverture de la nouvelle aile ne vaut pas que pour elle-même, car elle traduit aussi une refonte complète du MNHA qui se targue désormais de quatre nouveaux parcours thématiques. Ces 1 800 m² d’exposition supplémentaires ont également permis de redistribuer les aires dédiées aux beaux-arts et ont offert l’espace nécessaire à une rétrospective sur un étage de l’art luxembourgeois, du XIXe siècle à nos jours. Une première.
Une salle est également consacrée au plus célèbre homme natif de Bivange : le photographe Edward Steichen. « En plus des séries The Bitter Years (exposée à Dudelange) et Family of Man (exposée à Clervaux), le musée avait reçu 178 photographies en 1985″, détaille Malgorzata Nowara, la conservatrice des beaux-arts.
On y trouve des portraits, notamment de membres de sa famille, ou des paysages comme The Moonrise, de 1904, dont un alter ego travaillé par gommage s’était vendu à 2,9 millions de dollars en 2009, ce qui en avait fait rien de moins que la photographie la plus chère au monde. Puisque ce sont des objets sensibles à la lumière et donc fragiles, seuls vingt tirages sont exposés et ils tourneront tous les trois mois.
> Le Picasso de la polémique
Les visiteurs pourront admirer un autre chef-d’œuvre qui, lui, s’était trouvé au cœur d’une récente polémique. Le Paysage de Cannes au crépuscule est le Picasso que l’État avait un temps cherché à vendre à l’automne dernier. Ce grand format, né en 1960, avait été exposé en 2005, une expérience traumatisante puisqu’il avait été endommagé. Son propriétaire l’avait alors vendu à l’État, qui l’avait fait réparer.
Unique œuvre de l’artiste iconique du siècle dernier dans les biens de l’État, l’opinion avait fait connaître son souhait de voir la toile rester au Grand-Duché. Elle avait eu raison. « Par ce tableau, Picasso critique le développement urbain de Cannes, explique la conservatrice. Le thème, la composition des paysages intérieur/extérieur, ou encore la magnifique colombe blanche stylisée en font une œuvre majeure. » Et une bonne raison supplémentaire de faire un tour au Marché-aux-poissons !
De notre journaliste Erwan Nonet