Pour venir en aide aux restaurateurs, très impactés par la crise du Covid-19, l’ASBL Hungry Days in Town a développé une plateforme sur laquelle on peut s’offrir des bons d’achat à utiliser plus tard.
L’épidémie de nouveau coronavirus laissera longtemps des traces dans de nombreux secteurs d’activité. Mais s’il en est un qui est particulièrement touché par la crise, c’est bien celui de l’hôtellerie, de la restauration et des cafés (Horeca). Dans son dernier rapport mensuel sur l’état de la conjoncture au Luxembourg, le Statec estime ainsi que l’Horeca a subi un repli de son activité de 90 % du fait de l’épidémie et du confinement. Si l’État propose des aides non remboursables aux entreprises comptant moins de 20 employés, de nombreux exploitants sont malgré tout au bord de la faillite.
Face à cette situation sans précédent, des initiatives fleurissent peu à peu pour venir en aide à ces professionnels. À l’instar de la plateforme Lux Food Hall (luxfoodhall.lu), qui a vu le jour au début de mois grâce à la volonté et au travail (bénévole) des membres de l’ASBL Hungry Days in Town, aidés du studio de design Quattro Creative.
Sur cette plateforme, les clients peuvent acheter des bons d’achat d’un montant de 25, 50, 100 ou 150 euros, valables un an, auprès de restaurateurs, cavistes et producteurs du Grand-Duché inscrits sur le site, bons qui pourront être utilisés dès la réouverture des établissements.
Un système de chèques-cadeaux destiné à «permettre aux restaurateurs, en préachetant des repas et autres produits, d’avoir des liquidités maintenant, parce qu’ils ont des frais fixes à payer alors qu’ils n’ont aucune rentrée d’argent actuellement», résume France Clarinval, journaliste et critique gastronomique, cofondatrice avec Giovanni Farinella de Hungry Days in Town.
Une crise sur le long terme
Une idée simple mais non moins avisée, née face à l’urgence de la situation. La toute jeune ASBL Hungry Days in Town a en effet été initialement créée l’année dernière dans le but de promouvoir la gastronomie et le secteur de l’alimentation au Luxembourg, en soutenant des initiatives positives telles que le développement durable, la saisonnalité, l’impact social… Avec comme premier objectif majeur l’organisation d’un grand évènement gastronomique en septembre.
Mais l’arrivée du Covid-19 a obligé les créateurs à revoir leur calendrier. «Nous avons dû nous rendre à l’évidence que cet évènement allait être très difficile à organiser, non seulement au niveau du financement (les gens ont d’autres préoccupations en ce moment), mais aussi parce que les évènements du secteur initialement prévus en mars ou en avril seraient sans doute déplacés au mois de septembre», explique France Clarinval.
Pas question pour autant de rester les bras croisés. Les deux fondateurs réfléchissent au moyen d’aider les restaurateurs du pays de façon immédiate. «Nous avons tenu à faire quelque chose pour les restaurants du Luxembourg. C’est là que nous avons eu l’idée des bons d’achat.»
« L’idée est de tabler sur l’avenir »
Tous les restaurateurs, producteurs ou cavistes qui le souhaitent peuvent s’inscrire – gratuitement – sur le site Lux Food Hall et proposer soit des bons, soit, à l’instar du restaurant l’Opéra de Luxembourg par exemple, de préacheter des menus habituellement présents sur leur carte. Une vingtaine de professionnels sont déjà référencés, une offre qui va à coup sûr s’étoffer. «Il y a aussi des cavistes qui proposent des coffrets de vins à livrer ou à emporter», précise France Clarinval.
Le concept n’en est qu’à ses débuts, mais France Clarinval compte bien le développer au-delà de la crise du Covid-19 : «Pour l’instant, il s’agit d’apporter une aide immédiate. Peut-être que les bons cadeaux seront moins pertinents quand les restaurants seront ouverts, mais ils seront toujours en vente. On peut imaginer que le site devienne par la suite pour le secteur Horeca et les producteurs une plateforme de vente de menus, de produits, de miel, de coffrets de vin, champagne ou épices… L’idée est de tabler sur l’avenir.»
Car c’est une certitude, la réouverture des établissements, a priori le 1er juin prochain, ne signifiera pas la sortie de crise pour les professionnels du secteur, comme le rappelle France Clarinval : «Cela ne va pas être si simple pour eux : ils vont avoir des frais supplémentaires en termes d’infrastructures et pourront servir moins de tables. Avec plus ou moins le même personnel, car il y a des postes incompressibles dans les restaurants. Ce n’est pas nécessairement parce qu’on sert moins de tables qu’on emploie moins de personnes. Il y a donc un besoin à long terme.»
Une crise sur le long terme également présagée par les représentants du secteur de l’Horeca (lire ci-dessous).
Tatiana Salvan
«Nous assisterons à une hécatombe»
En réponse à l’allocution du Premier ministre, Xavier Bettel, à la Chambre des députés mercredi relative aux mesures du déconfinement et pour lesquelles beaucoup d’incertitudes demeurent concernant le secteur de l’hôtellerie, des restaurants et des cafés (l’Horeca), les présidents de la Fédération des artisans, de la Confédération luxembourgeoise du commerce et de l’Horesca (le syndicat du secteur Horeca), lui ont adressé jeudi une lettre ouverte.
Ils insistent sur l’importance pour le gouvernement «de maintenir la possibilité d’un recours flexible et adapté au chômage partiel pour toutes les entreprises de tous les secteurs jusqu’à la fin de l’année au minimum afin d’éviter une série de faillites», assurant qu’«il n’y a pas d’alternative crédible à cette mesure».
Prolongation sur laquelle un groupe de travail interministériel doit se pencher, ainsi que sur d’autres instruments de solidarité. Sans cette mesure, «la seule [du gouvernement] qui ait eu un réel impact d’envergure pour aider [les] entreprises à survivre», «nos entreprises se seraient simplement écroulées face à la violence de la fermeture obligatoire, plongeant par la même occasion des milliers de familles dans la précarité», ont-ils écrit par ailleurs, avant de prévenir : «La plupart de nos secteurs vont mettre des mois à s’en remettre et certaines de nos entreprises n’y arriveront pas. Si vous ne permettez pas la continuation du chômage partiel, nous assisterons à une hécatombe.»
T. S.