Accueil | Dossiers | Luxembourg : tempêtes en chaîne, est-ce normal ?

Luxembourg : tempêtes en chaîne, est-ce normal ?


Le vent souffle fort depuis une quinzaine de jours. Tempêtes d'hiver ou phénomène plus inquiétant ? Les spécialistes de MétéoLux répondent à nos questions (Photo d'illustration : DPA).

Ciara, Sabine, Dennis ou Inès, selon les appellations internationales… Depuis début février, ça souffle sur le pays! Rien d’inquiétant pour le moment, nous explique MeteoLux. On fait le point.

La tornade qui a frappé Pétange et Bascharage en août a marqué les esprits. Désormais, à chaque alerte de MeteoLux, chacun a peur pour son toit. De nombreux internautes fréquentant le site de notre journal se sont montrés inquiets via les réseaux sociaux lorsque nous avons relayé une alerte rouge le 8 février pour la tempête Ciara. À commencer par les pompiers. «Une alerte rouge, c’est rare, explique Cédric Gantzer, pour le CGDIS. Tous les pompiers étaient sur le pont dans la nuit de dimanche à lundi… Dans les casernes, on a fait des plats collectifs et on s’est mis devant les Oscars dès la tombée de la nuit!» Pourtant, les vents ont été moins forts que prévu, avec un maximum de 98,3 km/h relevé dans la nuit du 9 au 10 février à la station de référence du Findel. «On a fait 300 interventions lors de la tempête Ciara, reprend le porte-parole des pompiers luxembourgeois. C’est tout de même très conséquent. Sans compter la centaine d’interventions des Ponts et Chaussées. Mais d’un point de vue du ressenti, cela reste normal pour notre activité hivernale, effectivement.»

Après la tempête Ciara au Luxembourg, quelques dégâts (Photo : Didier Sylvestre).

Après la tempête Ciara au Luxembourg, quelques dégâts (Photo : Didier Sylvestre).

Les relevés d’alertes de MeteoLux permettent de cerner la régularité des phénomènes :

• 2016 : 32 avis d’alerte de niveau jaune, 3 de niveau orange et aucune de niveau rouge.
• 2017: 48 avis d’alerte de niveau jaune, 2 de niveau orange et aucune de niveau rouge
• 2018: 45 avis d’alerte de niveau jaune, 10 de niveau orange et aucune de niveau rouge
• 2019 : 51 avis d’alerte de niveau jaune, 6 de niveau orange et aucune de niveau rouge
• 2020 : 15 avis d’alerte de niveau jaune, 6 de niveau orange et 4 de niveau rouge.

Tant que ça pour 2020 déjà! «Attention, nous avertit Aline Freyermuth de la division Climat de MeteoLux, les alertes sont répétées jusqu’à la réalisation de l’évènement. Ciara par exemple, compte pour quatre alertes rouges.»

Il y a tempête et tempête…

Une autre réalité est importante à souligner : le terme «tempête» ne peut pas être utilisé comme dans une discussion de comptoir chez MeteoLux! Toutes ces alertes mentionnées, même orange, sont loin de correspondre toutes à des tempêtes… «Selon l’échelle de Beaufort, poursuit Aline Freyermuth, une tempête est définie par des rafales de vent de force 10, soit supérieures ou égales à 48 nœuds (NDLR : 89 km/h). En moyenne, sur la période 1951-2019, nous observons une tempête par an durant la période hivernale (décembre à février) à notre station de l’aéroport du Findel. Certaines années, aucune tempête ne survient et certaines autres sont marquées par des phénomènes plus nombreux.»
Si Ciara était donc bien une tempête au sens météorologique du terme, Dennis et consorts (les services météo d’Europe donnent des noms variables…) ne l’étaient pas chez nous. Nous sommes pour 2020 dans la moyenne des autres années. «Cette affirmation est uniquement valable pour notre station située à l’aéroport de Luxembourg-Findel», précise Aline Freyermuth. Il s’agit de la station à partir de laquelle les statistiques moyennes sont réalisées chaque année. Ce qui n’empêche pas des vents plus violents sur les hauteurs du pays par exemple.

L’hiver propice aux tempêtes

Brice Brière, météorologue à MeteoLux, estime lui aussi que nous traversons pour le moment un hiver «plutôt normal au niveau du vent. La période hivernale se prête volontiers à ces phénomènes sous nos contrées, explique-t-il. Les anticyclones, comme celui des Açores, descendent vers le sud, les dépressions circulent plus vers nos latitudes. Nous subissons beaucoup plus les dépressions qui viennent de l’Atlantique qu’en été : le vent souffle donc plus fort. Et évidemment, ce phénomène est encore plus marqué quand on s’approche des côtes ouest.» D’où les images de la violence exceptionnelle de la tempête Ciara et même de la tempête Dennis, qui nous sont venues des côtes anglaises ou encore de Saint-Malo.

Pour retourner à la réalité du terrain, sachons enfin que les épisodes météorologiques, peu importe les prévisions, entraînent des charges de travail variables pour les pompiers. «Le nombre d’interventions n’est pas toujours significatif de la charge de travail, précise Cédric Gantzer. Retirer un arbre de la route ou intervenir sur une inondation de cave, c’est déjà deux mondes!»
À ce titre, les sapeurs-pompiers craignent d’autant plus les vents violents l’été. «En hiver, les arbres n’ont plus leurs feuilles, donc la prise au vent est restreinte. En été, la résistance des troncs, surtout pour des arbres isolés, peut être mise à rude épreuve…» En été, on sort les terrasses et les parasols, à la belle saison, on se promène plus volontiers en lisière de forêt… autant de situations plus risquées également.

Hubert Gamelon

Quelques chiffres et un record…

• Bon à savoir... Ça soufflait déjà le 10 février 2019 sur le Luxembourg, avec une pointe maximale de vitesse enregistrée à la station de Luxembourg-Findel à 70,2 km/h (alerte jaune). Contre 98,3 km/h enregistrés à la même station le 10 février 2020, lors du passage de Ciara (alerte rouge).
• Au pire… Depuis le milieu des années 1990, les phénomènes de tempêtes sont de maximum «deux occurrences par an à notre station du Findel», explique Aline Freyermouth.
•L’époque des records… «La rafale maximale de vent la plus élevée jamais enregistrée dans l’histoire de notre station (depuis 1951, date du début des mesures de vent) était de 146,3 km/h en date du 28 février 1990», lâche notre interlocutrice. Bonjour les cinquantièmes hurlants, marins d’eau douce de la Moselle !