L’échevin en charge des commerces, le chrétien-social Serge Wilmes, assure qu’ils sont l’âme de la capitale. Alors, il veut secouer le cocotier pour aider ceux qui souffrent du chantier du tram.
En authentique citoyen de la capitale, Serge Wilmes adore faire ses courses en ville. L’échevin chrétien-social tenait à récupérer le ressort du commerce parce qu’il est «l’âme de la ville», estime-t-il. Ses arrière-grands-parents du côté paternel étaient commerçants avenue de la Gare et tenaient un magasin de chaussures, alors que sa grand-mère maternelle exploitait une papeterie route de Longwy. «J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour les commerçants», ajoute-t-il.
Reste que la capitale perd de son attrait et ses vieilles enseignes, ses maisons traditionnelles, disparaissent, à l’image du magasin Lassner, dernier en date. Ses commerces souffrent, le nez dans le chantier du tram à la gare. Serge Wilmes en est conscient et bataille pour défendre l’image d’une capitale animée par ses commerces. Car tout ne va pas si mal.
«C’est dommage que ces magasins ferment, mais dans le même temps, six enseignes ont ouvert. Il y a quand même une dynamique, mais, comme bien souvent, les trains qui arrivent à l’heure, ce n’est pas une information», déclare-t-il. Parler uniquement des fermetures, c’est préjudiciable pour la Ville. L’échevin n’oublie pas que le rôle des représentants de la Ville, «c’est de présenter une image plus nuancée de la situation, de la réalité».
6 % de commerces en plus en ville
Pour parler très souvent avec les commerçants, il sait qu’il peut y avoir deux sons de cloche radicalement opposés. Alors il met en garde contre les clichés : la ville est trop chère, il y a trop de chantiers, on n’y trouve plus rien, il n’y a plus de parkings. «Tout ça ne correspond pas à la réalité. C’est à nous de contredire ces clichés. La nouveauté de ce collège, c’est de prélever des chiffres, d’élaborer des statistiques pour nous guider dans notre prise de décision en ce qui concerne l’encadrement du commerce», explique-t-il.
Entre mars et octobre de l’année dernière, la Ville de Luxembourg a donc mené une vaste enquête auprès d’un millier de clients du centre-ville et autant dans le quartier Gare. Si les résultats n’ont pas encore été présentés, Serge Wilmes peut cependant affirmer que les indicateurs sont au vert dans la plupart des quartiers. Seul petit hic : l’impact des travaux du tram dans le quartier Gare n’est pas encore quantifié.
Avec ces chiffres tangibles, la Ville a établi un plan d’action, comme l’ouverture de pop-up stores. Entre 2018 et 2019, il y a eu 6 % de commerces en plus en ville et 7 % à la gare. «Nous allons compter le flux des piétons dans les artères commerciales. On dit toujours qu’il n’y a personne en ville, donc on va voir les chiffres.»
Le problème des centres commerciaux
La commune a également commandé une étude qualitative auprès d’une trentaine de commerçants dans tous les quartiers, car il n’y a pas que le centre-ville et la gare qui méritent tous les égards. «Ce sont des commerces uniques, pas des franchises et, curieusement, ils ne se plaignent pas. Ils font beaucoup pour fidéliser leurs clients, ils sont très innovateurs. Il faudrait se baser sur leur expérience pour la partager sous forme de guide avec le reste des commerçants qui ont parfois besoin de soutien», suggère Serge Wilmes.
Mais il ne veut pas entendre que seuls les chantiers tuent les commerces. L’impact encore plus large que celui des chantiers vient des centres commerciaux. «Nous avons 160 m2 par habitant et nous sommes saturés avec une suroffre», observe-t-il. Le phénomène Internet a aussi son impact et c’est la raison qui a poussé la Ville à créer LetzShop, qu’elle finance chaque année à hauteur de 150 000 euros. «Nous finançons aussi l’Union commerciale à hauteur de 300 000 euros annuels», ajoute-t-il.
Le désamour avec François Bausch
L’union commerciale reste un interlocuteur privilégié de l’administration communale. «Nous avons travaillé ensemble pour obtenir de Luxtram un budget de 130 000 euros en faveur des commerces en difficulté à cause du chantier de la Gare.» Si la Ville s’engage, Serge Wilmes regrette que le ministre en charge du projet du tram, François Bausch, ne partage pas le même élan de solidarité. «C’est quand même l’État qui détient les deux tiers de Luxtram et ce n’est pas un chantier de la Ville. Nous avons de belles planches qui nous montrent le projet final et le ministre sera tout sourire pour couper le ruban, mais, entretemps, il nous laisse tout seuls», s’exaspère l’échevin. Pas vraiment. François Bausch entretient, selon lui, d’excellentes relations avec Lydie Polfer et Patrick Goldschmidt, ce que Serge Wilmes ignorait quand il a écrit au ministre pour le faire réagir par rapport à la situation des commerçants du quartier Gare.
«J’aimerais qu’au conseil d’administration de Luxtram on puisse traiter ces dossiers avec rapidité, humanité et flexibilité, car c’est dur pour eux actuellement. Pour la plupart des gens, c’est la Ville qui est responsable. Mais ici, nous sommes des intermédiaires. C’est un chantier qui a chamboulé tout l’espace public», rappelle l’échevin, agacé d’être considéré par François Bausch comme un concurrent politique. Les écolos ont encore du mal à digérer d’avoir cédé leur place aux chrétiens-sociaux lors des dernières élections communales.
«Un jour, je dirai que François Bausch a tué le commerce à la gare. Le tram n’est pas seulement un projet de mobilité, c’est aussi un projet d’espace public», conclut Serge Wilmes.
Geneviève Montaigu