La canicule qui touche le pays depuis dimanche n’est pas sans conséquences sur nos ressources en eau. Les impacts ne sont pas tous directs et la chaleur n’est pas toujours une cause exclusive des problèmes. Le tour de la question avec le ministère de l’environnement.
Quelle chaleur ! Le thermomètre devrait retomber ce week-end. Mais en attendant le mal est fait, et il n’y a pas que les Hommes qui souffrent, la nature aussi.
- Le risque de manquer d’eau ?
« La vague de chaleur aggrave la situation d’étiage (NDLR : baisse périodique) dans nos cours d’eau », nous explique Jean-Paul Lickes, responsable au Ministère de l’Environnement. Notre interlocuteur n’hésite pas à parler d’une évolution vers « une situation d’étiage sévère pour certains cours d’eau du pays. » En cause ? La canicule s’ajoute au faible niveau pluviométrique en hiver (le plus important pour recharger les nappes phréatiques) et au printemps ». Concernant la fragilité des cours d’eau, « il faut encore nuancer, précise Jean-Paul Lickes. Certains cours d’eau sont plus dépendants aux situations d’étiage que d’autres, selon la composition de leur bassin versant ».
Pour les nappes phréatiques, la situation actuelle est « précaire », estime Jean-Paul Lickes. En mars 2020, les débits de source se sont rapprochés seulement d’une situation « normale mais encore relativement faible ». Tout en précisant directement : « la chaleur actuelle n’aura pas de conséquence directe sur l’état quantitatif des eaux souterraines du Luxembourg ». Il existe un décalage entre les événements du type « coup de chaud » et l’état des sources. « L’effet de cette canicule et des faibles précipitations en hiver ne se remarquera au niveau des eaux souterraines qu’après la prochaine période de recharge. L’effet dépendra également des précipitations des mois à venir. » Surtout, la prochaine grosse « période de recharge » sera à scruter de près : l’hiver 2020-2021.
2. Des risques d’algues ?
Oui le risque augmente, estime le spécialiste. « Le changement climatique a un impact sur le développement d’efflorescences de cyanobactéries (NDLR : les algues que redoutent les baigneurs). Surtout dans les zones où l’eau stagne. La cause de ces efflorescences n’est toutefois pas entièrement claire : elle ne dépend pas seulement des vagues de chaleur. L’apparition des efflorescences dépend des conditions météorologiques au printemps, de la concentration en nutriments dans les eaux de surface ainsi que des températures estivales et des heures d’ensoleillement en combinaison avec une absence de vents et de pluies pendant l’été. »
Les autorités suivent spécifiquement les algues dans les eaux de baignade luxembourgeoises suivantes : le lac de la Haute-Sûre, le lac de Weiswampach et les étangs de Remerschen. « Lorsqu’une interdiction de baignade doit être prononcée, par exemple suite à la présence d’efflorescences de cyanobactéries, la presse est informée sans délai pour diffuser l’information », explique notre interlocuteur. Et pour le moment, tout semble bon ! Les habitants peuvent par ailleurs suivre la situation sur le site www.waasser.lu
3. Vers une interdiction du gaspillage de l’eau ? (remplir les piscines, se rendre au car wash etc.)
Pour le moment, on en reste à une traditionnelle phase de sensibilisation : « chaque année, l’Administration de la Gestion de l’Eau et le Ministère de l’Environnement préviennent les habitants du Luxembourg en donnant des conseils pour économiser le plus possible d’eau potable », rappelle Jean-Paul Lickes. Mais pas d’interdiction ! Pour cela, c’est au niveau communal que ça se passe. « Les autorités peuvent proclamer une phase orange ou bien rouge lors d’une pénurie en eau potable. Ce déclenchement se fait par règlement communal. Il contient des interdictions comme par exemple : remplir les piscines, arroser les pelouses et terrains de sport, laver les voitures, nettoyer les allées ou les trottoirs (haute-pression), dégivrer les aliments congelés à l’aide de l’eau du robinet. » Les sanctions se font sous forme d’amendes allant de 25 à 250 euros.
4. Et la protection des poissons ?
Nous faisons remarquer à notre interlocuteur que des restrictions de pêche ont été mises en place chez les voisins (interdiction en Meuse française et dans les Vosges par ex.). Quand est-il au Grand-Duché ? « Des mesures de restrictions de la pêche récréative ne sont actuellement pas envisagées chez nous pour le moment ». Jean-Paul Lickes admet : « ces longues périodes de chaleur sont défavorables pour les organismes aquatiques, notamment les poissons, particulièrement sensibles à la température et touchés par de faibles débits. Les cours d’eau les plus exposés sont les cours peu profonds, en tête de bassin, qui disposent naturellement d’un débit faible mais qui sont typiquement des habitats pour les salmonidés tel que la truite. »
Mais pour autant, Jean-Paul Lickes note que les poissons savent se débrouiller tout seul, du moins dans une certaine mesure. « Les poissons disposent d’une stratégie qui consiste à se déplacer vers des zones plus favorables. » Donc l’essentiel est de s’assurer que les cours d’eau « permettent une libre circulation afin que les poissons soient en mesure d’accéder à l’ensemble des habitats écologiques disponibles ».
Hubert Gamelon
Un groupe d’experts « Etiages »
Avec la fréquence des périodes de sécheresse ces dernières années, la Commission Internationale pour la Protection du Rhin (CIPR), « dont fait partie le Luxembourg comme membre actif », a mis en place un groupe d’experts « Etiages » ayant pour mission d’analyser et de suivre ces phénomènes de près. Ce groupe de travail dresse un « large inventaire des connaissances sur les étiages dans le bassin du Rhin ». Il effectue par ailleurs une analyse à partir de cet inventaire et fait le monitoring, à l’échelle du bassin, des évolutions possibles des situations d’étiage.