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Luxembourg : quel équilibre entre droits de l’Homme et vidéosurveillance ?


Le Commission Consultative des Droits de l'Homme (CCDH) de Luxembourg met en garde contre les risques d'une généralisation de la vidéosurveillance dans le société (Photo d'archives LQ).

La Commission consultative des droits de l’homme (CCDH) de Luxembourg a livré mardi son avis sur le projet de loi 7498 relatif à la vidéosurveillance.

«Il faut rester prudent avec la vidéosurveillance. C’est une question sensible», lance Gilbert Pregno. Selon le président de la Commission consultative des droits de l’homme (CCDH), «la vidéosurveillance peut donner un sentiment de sécurité, mais elle n’est pas la solution ultime pour lutter contre la délinquance et la criminalité». La CCDH a dévoilé hier son avis sur le projet de loi 7498 relatif à la vidéosurveillance. «Le gouvernement a bien tenu compte de la balance entre nécessité de vidéosurveillance et respect des droits de l’homme, souligne Gilbert Pregno. Globalement, nous avisons positivement le projet de loi du gouvernement, mais nous restons attentifs par rapport à l’avenir pour ne pas tomber sur une pente glissante.»
La CCDH articule son avis autour de quatre axes principaux : la nécessité de la vidéosurveillance; la mise en place des caméras; le volet technique et opérationnel; la protection des données collectives. Et voici ses recommandations sur ces différents thèmes :

Nécessité et efficacité de la vidéosurveillance

La CCDH incite le gouvernement à étudier de manière objective, exhaustive et transparente l’utilité du recours à la vidéosurveillance, notamment par rapport aux risques pour les droits de l’homme et les différentes parties de la population. Elle recommande au gouvernement d’évaluer les coûts de la vidéosurveillance par rapport à son efficacité. Les autorités en charge doivent disposer des ressources nécessaires pour exercer leurs missions, y compris l’évaluation exhaustive et qualitative de la vidéosurveillance.
La CCDH invite aussi le gouvernement à rendre publics toutes les évaluations, études et avis concernant la vidéosurveillance. La CCDH souligne l’importance de sensibiliser la population à l’utilité réelle et aux risques de l’utilisation de caméras. Elle doit disposer des informations complètes et compréhensibles sur les zones vidéosurveillées, les méthodes utilisées et les voies de recours. Enfin, la CCDH invite également le gouvernement à renforcer toutes ses politiques socioéconomiques afin de s’attaquer aux racines de la délinquance.

Installation des systèmes de vidéosurveillance

La tâche d’analyser l’impact sur les droits fondamentaux et la nécessité de recourir à la vidéosurveillance dans un lieu déterminé, la CCDH invite le gouvernement à la confier à un organe externe indépendant ou d’y associer des experts externes compétents en matière des droits de l’homme. La CCDH exhorte le gouvernement à revoir les définitions des lieux qui peuvent être placés sous vidéosurveillance et les préciser davantage. Elle rappelle que la vidéosurveillance ne doit représenter qu’une partie d’une réponse coordonnée au problème identifié et que d’autres mesures, moins invasives, doivent d’abord avoir été étudiées ou prises avant de recourir à la vidéosurveillance.

Mise en œuvre de la vidéosurveillance

La CCDH exhorte le gouvernement à garantir que les technologies utilisées ne soient pas discriminatoires, à préciser le type de caméras à utiliser et à encadrer davantage la détection automatique de situations. La CCDH recommande au gouvernement d’incorporer l’interdiction de recourir à la reconnaissance faciale et à l’enregistrement de son dans la loi. La CCDH recommande aussi de former les agents concernés en matière de protection des données et des droits de l’homme, avec un focus particulier sur les droits des personnes qui sont exposées à un risque de discrimination particulier fondé sur le sexe, la race, la couleur, l’âge, l’identité de genre, l’orientation sexuelle, le handicap, la religion, les origines ou le statut social.

La protection des données

La CCDH rappelle l’obligation de tenir un registre des activités de traitement des données. Les modalités concrètes devront être prévues dans la loi à venir. La CCDH invite également le gouvernement à revoir les panneaux installés dans les zones de sécurité qui doivent être visibles, attirer l’attention sur la localisation des caméras et prévoir des informations par rapport à la technique utilisée, le droit d’accès, des liens vers le site internet où on peut trouver plus d’informations, ainsi que le nom et les coordonnées de contact de l’autorité responsable et de contrôle. Enfin, la CCDH invite le gouvernement à prévoir des alternatives accessibles pour les personnes en situation de handicap, suivant la logique du «conçu pour tous».

Guillaume Chassaing