Pour lutter contre le « sentiment d’insécurité urbaine » dans le quartier gare, la Ville de Luxembourg va faire appel à une société de sécurité privée.
Visiblement, la présence d’un hôtel de police à deux pas des rues tant décriées du quartier Gare (rue de Strasbourg etc.) ne suffit plus. En tout cas du point de vue des élus de la Ville. Une mission de « présence préventive » va être confiée à une « société de surveillance agréée » à partir du 1er décembre, jusqu’au 31 janvier 2021. « Cette société travaillera de concert avec la police, précise la Ville, sans pour autant empiéter sur le champ de compétence de cette dernière, ni remplacer l’action des forces publiques ». La frontière s’annonce étroite. Ce n’est toutefois pas encore le Brésil : les renforts du privé se composeront de « deux équipes de deux agents avec chien de garde »…
Le quartier Gare est souvent décrié pour son insécurité. En réalité, c’est plutôt le deal qui plombe l’ambiance, avec une main mise assez forte notamment des groupes nigérians, et des fins de soirées parfois houleuses. Mais avec un prix de l’immobilier moyen estimé à plus de 9 900 euros le m2 dans le quartier par le groupe atHome.lu, on ne peut pas dire que ce soit invivable.
De nombreuses tentatives ont été réalisées pour changer l’atmosphère du quartier, sans succès franc. En 2018, la bourgmestre Lydie Polfer allait jusqu’à inaugurer un parc de jeux volontairement construit en plein cœur des axes du deal, pour rendre symboliquement le quartier aux familles. La presse se souvient d’une scène assez inattendue, où quelques dealers écoutaient les discours officiels de loin.
Quelle base légale ?
Cette annonce a fait réagir au quart de tour. Le groupe parlementaire déi Lénk, via Marc Baum, a envoyé une question au gouvernement sous forme assez réthorique : «Y a-t-il une base légale pour attribuer le maintien de l’ordre public à des sociétés privées ? Quelles compétences auront exactement ces agents des sociétés de gardiennage ? Monsieur le ministre n’est-il pas d’avis que cela équivaut à une privatisation des pouvoirs régaliens de l’État ? La ville de Luxembourg a justifié le recours à ces entreprises en citant le problème du trafic de drogues et de la toxicomanie. Ces agents sont-ils formés pour faire face à cette problématique et à sa complexité ?»
La sécurité, plus précisément le « monopole de la violence légitime », est effectivement l’un des trois piliers traditionnels de l’état régalien. Avec la levée de l’impôt et la conduite des armées. On touche donc à un sujet sensible.
Un dispositif de « médiation » est annoncé dans la foulée. Le service « A vos côtés » débutera le 15 décembre. Six personnes vont être chargées de l’accompagnement « actif » des habitants du quartier, ainsi que de « jouer un rôle de médiateur » en faisant le lien avec la police et les services de Streetwork. Ces derniers ont un local proche de la gare : ils accompagnent les sans-abris ou les gens fragiles qui atterrissent dans le quartier depuis plusieurs années.
Hubert Gamelon