Restaurateurs, cafetiers, serveurs et clients ne sont pas les seuls à attendre une réouverture complète du secteur de l’Horesca. Les petits fauves du Chalon de thé à Luxembourg aussi.
Quand ils n’observent pas les passants à l’abri derrière la vitrine du bar à chats ou évoluent de branche en branche sur leurs arbres à chats, les greffiers tournent comme des lions en chasse de papouilles, impatients de redevenir le centre d’intérêt des clients. L’endroit ouvert en juillet 2019, unique au Luxembourg, a ses portes closes depuis la fin du mois de novembre. Une longue période pendant laquelle Tatoune le ronronneur, Miskine, Pablo et Neptune ont le local de la rue des Capucins pour eux tout seuls. Privés des longues séances de caresses avec les clients desquelles ils étaient friands, les chats ne sont pas pour autant malheureux. L’équipe du Chalon de thé ne les a pas abandonnés et n’a pas cessé de prendre soin d’eux. Chaque jour, les petits félins sont nourris, leurs litières et leur environnement sont nettoyés et on joue avec eux, rassure Mehdi Mimèche, le créateur de cet endroit destiné aux amoureux des chats.
«Les chats s’entendent très bien et jouent énormément entre eux. Ils sont actifs, s’apportent de l’animation et de la distraction. Ce n’est pas comme si on laissait un chat ou deux seuls toute la journée, rassure Mehdi Mimèche. Nous sommes présents sur place au moins deux fois par jour. Nous gérons des êtres vivants. Nous ne plaisantons pas.» Les chats qui ont besoin de soins médicaux sont isolés du groupe et hébergés au domicile des créateurs de l’établissement. «En ce moment et depuis plusieurs semaines, j’ai Smoke, le maine coon noir, en pension. Il a subi une opération aux paupières à la suite d’un entropion (NDLR : un enroulement du bord libre de la paupière vers l’intérieur qui peut causer une irritation et une inflammation de la cornée, une conjonctive, ainsi qu’un écoulement séreux pouvant se surinfecter)», précise le jeune homme qui fait des études d’assistant vétérinaire et de comportementaliste félin.
«Nous sommes logés à la même enseigne que les bars et les restaurants qui n’ont pas de terrasse à la différence près que nous avons des charges fixes, comme les croquettes, les litières et les soins vétérinaires, entre autres. Nous espérons pouvoir rouvrir le plus tôt possible.» Les aides de l’État permettent à l’équipe de tenir le coup. Une cagnotte a été lancée en août sur le site Leetchi pour soutenir l’établissement et ses petits pensionnaires moustachus. La période est difficile, mais «les chats sont heureux et c’est tout ce qui compte».
«Pas d’inquiétude à avoir pour les chats»
Mehdi balaie les inquiétudes des amis des animaux qui se sont alarmés de voir les chats seuls à l’intérieur de l’établissement ou dormir sur un des perchoirs. «Les gens me contactent et je veux les rassurer. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir pour les chats. Ils dorment entre 18 et 22 heures par jour. Un chat qui dort n’est pas un chat qui s’ennuie. Il en a besoin, réplique le jeune homme. Lors du premier confinement, nous avions retiré les chats de nos établissements et nous avons décidé de ne plus recommencer. Les chats ne supportent pas de changer constamment de territoire. Ils peuvent souffrir d’anxiété et de confusion en raison de cette déterritorialisation. Nous n’empêcherons jamais les gens de s’inquiéter pour les chats.»
Les chats sont suivis par une vétérinaire et par une comportementaliste félin. «Dès que nous détecterons le moindre signe d’abattement ou de tristesse chez un chat, nous chercherons des solutions adaptées à son bien-être. Pour le moment, cela n’a pas été le cas, nos chats ont tout ce dont ils ont besoin.» Avant d’être placés dans les Chalons de thé, les chats, pour la plupart adoptés, sont scrutés pour déterminer s’ils sont les candidats idéaux. «Si on constate que le chat est stressé, qu’il veut sortir, qu’il n’aime pas vivre en groupe, nous le plaçons dans une famille qui a un jardin, précise le fondateur. Certains chats ont un vécu qui fait qu’ils n’ont pas besoin de sortir parce que l’extérieur leur fait peut-être peur.»
Ces passionnés des chats font leur maximum, mais ce n’est parfois pas suffisant. «Depuis l’ouverture de nos bars à chats de Metz et de Luxembourg, nous avons été beaucoup critiqués. Certaines personnes pensent que les bars à chats sont synonymes de maltraitance, d’instrumentalisation des chats au service des humains… Ce sont des idées reçues, explique cet amoureux des chats. Je n’hésite pas à inviter les sceptiques à venir nous rencontrer pour découvrir notre philosophie et nos chats. Je suis ouvert à la discussion.»
Outre les critiques, le Chalon de Thé recevrait beaucoup de messages de personnes qui attendent avec impatience sa réouverture pour câliner les chats. «Nos chats aiment les papouilles», mais fidèles à leur réputation, ils ne se donnent que s’ils en ont envie. Pas question de les brusquer, de les réveiller ou de les prendre dans les bras, leur nature indépendante est respectée. Un règlement intérieur y veille. Les chats sont libres et attachants. Selon Mehdi Mimèche, «ils sont reconnaissants et heureux», car «ils ont une vie meilleure que dans la rue, d’où certains d’entre eux viennent» ou auraient pu atterrir. Parfois, bien que le Chalon de Thé n’ait pas cette vocation, des clients adoptent des chats auxquels ils se sont attachés. «Ce n’est que du bonheur», se réjouit Mehdi Mimèche, qui aimerait que le Covid-19 ne vienne pas à bout de cette «bulle de douceur».
Sophie Kieffer