Les vendanges pourraient débuter dès la première semaine de septembre. L’État et les vignerons réfléchissent à organiser au mieux l’arrivée des vendangeurs dans un contexte sanitaire compliqué. Pas simple…
Mercredi, l’Institut viti-vinicole de Remich a envoyé aux vignerons un mail indiquant les précautions et les mesures à prendre pour accueillir les vendangeurs qui arriveront d’ici un gros mois sur la Moselle. Alors que la liste des pays qui identifient le Grand-Duché comme une zone à risque s’allonge et qu’une reprise de la pandémie inquiète un peu partout en Europe, le sujet prend de plus en plus d’importance et l’inquiétude grandit. Sécuriser les vendanges en anticipant tout ce qui peut l’être devient une priorité absolue sur la Moselle, comme dans toutes les régions viticoles.
Le ministère de la Santé et les vignerons se sont déjà rencontrés pour évoquer les besoins et les obligations des uns et des autres mais, si l’ambiance est reconnue constructive, il reste encore beaucoup de points à éclaircir et de travail en perspective. «Ce n’est pas simple, nous travaillons à organiser les vendanges selon la situation actuelle, mais qui nous dit à quoi elle ressemblera en septembre ?, fait remarquer le président de l’Organisation professionnelle des vignerons indépendants (OPVI), Ern Schumacher. Il y a trois semaines, on ne pensait pas en être là aujourd’hui, ça évolue tellement vite…»
D’autant que le respect de plusieurs axes préconisés semble très compliqué, même si tout le monde s’accorde à les trouver parfaitement compréhensibles.
Les tests
Les vendangeurs devront fournir à leur arrivée un test négatif datant de moins de sept jours. Mais ce qui est une formalité au Luxembourg ne l’est pas nécessairement ailleurs : «Mes vendangeurs polonais me disent que, là-bas, un test coûte entre 250 et 300 euros, relève Ern Schumacher. Et certains devront faire plus de 200 km pour le réaliser.»
À leur arrivée, la procédure est déjà prête : tous les vendangeurs seront à nouveau testés «idéalement cinq jours après leur arrivée». Les vignerons leur fourniront un bon qui leur permettra de se rendre dans un laboratoire. En conséquence, le ministère signifie qu’il sera préférable que les saisonniers arrivent sur place cinq jours avant le début de la récolte. Les lieux de placement en quarantaine sont déjà prévus.
Pour éviter les éventuelles contaminations pendant les transports, il est conseillé aux vendangeurs de ne pas voyager en compagnie de collègues qui travailleront pour d’autres employeurs, notamment en covoiturage.
La grande crainte, en fait, c’est qu’un foyer de contamination survienne dans un domaine malgré toutes les précautions. «Nous avons tous peur de ça, souffle le président de l’OPVI. Si tout le monde est mis en quarantaine, comment fera-t-on pour récolter les raisins?» Sachant que tous les revenus d’une année découlent de ces quelques semaines, la question est effectivement essentielle.
L’hébergement
En règle générale, les vendangeurs logent dans des structures aménagées par les vignerons, dans les dortoirs des auberges de jeunesse ou partagent des locations saisonnières. Cette année, le ministère de la Santé préconise de limiter chaque chambre à quatre lits et de les distancer le plus possible. Du gel hydroalcoolique et du savon devront être disponibles à tous les points d’eau.
«Beaucoup de vignerons ont des logements pour les vendangeurs, mais dans certains cas, il sera difficile de loger tout le monde en respectant ces critères, reconnaît Ern Schumacher. Et il n’y aura pas assez de place dans les auberges de jeunesse pour trouver un lit à chacun… Surtout que leurs capacités d’accueil ont fortement diminué avec les restrictions.»
L’organisation du travail
La flexibilité, qui est une vertu cardinale lors des vendanges, va être sérieusement compromise. Les travailleurs qui logeront dans une même chambre devront, par exemple, rester dans le même groupe pour le travail et les repas. Si tel ne pouvait pas être le cas, ils devraient éviter tout contact avec leurs collègues, tant sur le lieu de travail que dans les hébergements.
«Il est conseillé de diviser nos vendangeurs en deux équipes, explique Ern Schumacher. Pour les plus gros producteurs, qui emploient entre 20 et 30 personnes, cela ne pose pas vraiment de problème mais pour les petits, ça ne sera pas simple : deux équipes, cela impose aussi d’avoir tout le matériel en double.»
Les consignes préconisent également de fractionner les pauses, d’éviter les départs collectifs et de porter un masque chirurgical. Logique, certes, mais pas simple à mettre en pratique.
Le scénario catastrophe
Toutes les précautions avancées ne valent que si la situation sanitaire se maintient. Si elle s’aggrave de manière significative ou si des pays voisins interdisent les déplacements qui permettent d’arriver au Luxembourg, il faudra un plan B. Celui-ci est en cours de préparation. «Nous y travaillons avec l’administration de l’Emploi (NDLR : l’Adem), assure Ern Schumacher. Si personne ne peut traverser nos frontières, nous chercherons des personnes au chômage qui voudront bien venir chez nous.» Dans ce cas de figure, l’État aidera financièrement les domaines.
Mais récolter le raisin n’est pas si facile. D’une part, c’est éreintant et d’autre part, il faut savoir sélectionner précisément ce que l’on coupe puisque la qualité du produit fini dépend de ce que l’on met dans le pressoir. «Notre chance, ce serait qu’il fasse beau et que tous les raisins soient sains, espère le président de l’OPVI. Dans ce cas, il n’y aura même pas besoin de connaître le métier pour bien travailler.» C’est vrai, mais la longue floraison cette année (début juin) a eu pour cause de décaler la maturité des grappes, y compris sur une même parcelle. Même au cas où les raisins ne seront pas touchés par les maladies, ils ne seront pas forcément tous mûrs au même moment, ce qui imposera aux vendangeurs d’avoir l’œil.
Et puis, il reste une possibilité pour faciliter le travail en cas de situation critique : «Plutôt que de risquer de tout perdre, nous avons aussi la possibilité de prendre des machines à vendanger pour le rivaner, le pinot blanc ou l’auxerrois qui ne sont pas plantés dans des vignes en pente, fait remarquer Ern Schumacher. Il y a en a quelques-unes au Luxembourg, pas suffisamment pour tout le monde, mais nous pourrions essayer d’en louer en Allemagne. Si on peut passer la frontière, bien sûr…» Plusieurs données limitent toutefois cette option. Les coteaux trop en pente pour la machine sont nombreux et l’appellation Crémant de Luxembourg interdit formellement leur usage dans le processus d’élaboration du crémant, dans lequel l’auxerrois et le pinot blanc sont qui plus est des cépages très prisés.
Il ne reste donc plus qu’à prendre le moins de risques possible et à croiser les doigts pour que les plans les moins pénalisants puissent être mis en application…
Erwan Nonet
1 000
Environ un millier de vendangeurs se retrouvent dans les vignes luxembourgeoises chaque automne. Il faut compter environ une personne pour un hectare et le vignoble en compte 1 300. La majorité vient de Pologne, souvent sur plusieurs générations.