Le développement de plus en plus important des cyanobactéries dans les eaux luxembourgeoises résulterait de l’effet combiné du changement climatique et de l’agriculture intensive.
Le phénomène des cyanobactérie, ou algues bleues, existe au Luxembourg depuis une dizaine d’années, mais il semble s’être intensifié ces cinq dernières années, selon Jean-Paul Lickes, le directeur de l’administration de la Gestion de l’eau. Cet été, ces bactéries se sont développées beaucoup plus tôt et de manière beaucoup plus intense que les années précédentes, envahissant un lac entier.
Parce qu’elles sont très toxiques pour l’homme et les animaux, le ministère de l’Environnement s’est vu dans l’obligation d’interdire la baignade jusqu’à nouvel ordre dans les eaux contaminées des lacs de la Haute-Sûre et de Weiswampach, mettant ainsi un terme prématuré à la saison des baignades et provoquant la grogne des Luxembourgeois, des touristes et des hôteliers de la région.
«Nous n’avions pas le choix», indique Jean-Paul Lickes, conscient des répercussions économiques que ces interdictions vont avoir sur la région. Les activités touristiques dans la nature dépendent du bon état des écosystèmes. «Toutes les eaux stagnantes au Luxembourg sont sous surveillance accrue», poursuit-il. C’est là que les algues bleues se développent.
«Les causes de cette prolifération sont difficiles à déterminer, note le directeur de l’administration de la Gestion de l’eau. Elles reposent sur un jeu complexe de différents éléments comme une période prolongée de fortes chaleurs qui réchauffe l’eau, un changement d’équilibre dans la biodiversité des lacs ou encore trop de nutriments dans l’eau, comme le phosphore» ou le CO2, les oxydes d’azote et les nitrates contenus dans la pollution atmosphérique, qui sont en augmentation. Ils jouent un rôle de superfertilisants.
«Lutter contre l’apport de nutriments»
Seules de fortes pluies semblent capables d’assainir l’eau des lacs dans l’immédiat. Pour tenter d’éradiquer le phénomène, il faut «combattre l’origine» et «lutter contre l’apport de nutriments» dans les eaux contaminées. Ces nutriments viendraient notamment de l’agriculture intensive qui privilégie les engrais et les fertilisants. Selon le directeur de l’administration de la Gestion de l’eau, l’activité agricole serait importante autour des deux lacs contaminés. Ce qui pourrait expliquer que les étangs de Remerschen ont été épargnés jusqu’à présent.
Les modes de travail actuels du sol en agriculture favoriseraient l’érosion hydrique et le ruissellement des éléments nutritifs vers les plans d’eau. Par conséquent, Jean-Paul Lickes plaide pour un retour à une agriculture plus raisonnée. Il évoque les aides financières prévues par le fonds de gestion de l’eau pour compenser le manque à gagner des agriculteurs qui accepteraient de changer de méthode d’exploitation. Pour le directeur, «l’intérêt collectif doit primer face à celui de quelques particuliers».
Entre les lignes, on comprend que l’inconscience de l’homme est à l’origine de l’amplification de ces bactéries partout dans le monde. Au Luxembourg, les baigneurs n’ont pour le moment pas d’autre choix que «d’attendre qu’elles meurent».
Sophie Kieffer