Bêtes noires pendant la pandémie de Covid-19, les chats ont beaucoup à offrir. Les gérants du Chalon de Thé espèrent que le virus ne viendra pas gripper leur belle aventure.
Les chats aussi attrapent le Covid-19 et peuvent le transmettre. Les cas sont rarissimes, mais suffisants pour accuser les petits félins de tous les maux. Nous sommes allés prendre la température au Chalon de Thé à Luxembourg, un bar à chats. Comme les autres cafés et restaurants, il a repris son activité la semaine passée. Des félins de tous poils se dandinent entre les chaises, s’affalent de tout leur long sur les tables ou escaladent les jeans en échange d’un câlin. En deux temps, trois ronronnements, on oublie que ces félins peuvent être vecteurs du virus et on se détend.
Et puis, il y a le gel hydroalcoolique. «Nous n’avons pas attendu la pandémie pour demander à nos clients de se désinfecter les mains au gel hydroalcoolique avant de manipuler nos chats. Comme nous imposons ce geste depuis notre ouverture, nos clients n’ont aucun mal à s’y plier», explique Mehdi Mimèche, un des créateurs du bar à chats. Une personne infectée ne risque ainsi pas de transmettre le virus à un chat ou au client qui caressera le même chat. «C’est valable pour tous les autres virus depuis notre ouverture en juillet de l’année dernière.»
Clientèle fidèle
Mehdi Mimèche et ses associés créaient alors la sensation dans le centre-ville de la capitale avec leur concept unique au Luxembourg quelques mois seulement après avoir ouvert un premier bar à chats à Metz en France. Les adeptes de la ronron-thérapie ont adopté le lieu et les touristes ont multiplié les selfies devant la vitrine avec Smoke, un maine coon noir qui toise les passants dans la rue depuis son arbre à chats. «Nous avons été agréablement surpris de l’accueil que nous avons reçu, indique Mehdi Mimèche. Dès le départ, avant même que le projet ne soit monté, nous avons reçu beaucoup de soutien de la part des administrations qui ont senti que nous étions bienveillants envers les animaux. Nous avons également réussi à fidéliser une grosse clientèle, sans compter les touristes.»
De part et d’autre de la vitrine, des sourires sont échangés. Les clients discutent entre eux. «Nous sommes dans le partage. Les gens sont ouverts à l’échange», poursuit le jeune homme. «Nous recevons des personnes handicapées et autistes qui viennent pour pratiquer la médiation animale. À Metz, nous accueillons des adolescents autistes. Certains arrivent à s’ouvrir au contact des chats. Nous avons énormément de retours positifs.» Face à cet engouement, les associés n’excluent pas de développer le concept au Luxembourg et pourquoi pas de le franchiser.
Le royaume des chats
Ici, les clients ne sont pas les rois, ce sont les chats. Fidèles à leur réputation, ils ne se donnent que s’ils en ont envie. Pas question de les brusquer, de les réveiller ou de les prendre dans les bras, leur nature indépendante est respectée. Un règlement intérieur y veille. Les chats sont libres et attachants. Selon Mehdi Mimèche, «ils sont reconnaissants et heureux», car «ils ont une vie meilleure que dans la rue d’où certains d’entre eux viennent» ou auraient pu atterrir. «Je suis comportementaliste, précise le jeune homme, j’ai fait un gros travail avec les chats. Ils ont besoin de beaucoup d’amour. Nos clients aiment les chats. Cela crée une boucle positive que les chats ressentent. Ils se sentent bien et ils transmettent ce bien-être aux personnes qui interagissent avec eux.» Fous des félins domestiques, il ne peut s’empêcher de les encenser et de vanter leurs qualités : «Ils permettent de lutter contre les maladies cardiovasculaires grâce aux ronronnements.»
Le lieu aménagé en jungle où jouent des mini-panthères est entièrement dédié aux chats et à leur bonheur. Mais il arrive que certains d’entre eux ne se plaisent pas au sein de la «meute». «Il nous est déjà arrivé de les placer chez des clients auxquels les chats s’étaient attachés. Mais nous ne sommes pas une agence d’adoption. Le Chalon de Thé n’a pas cette vocation», précise Mehdi Mimèche. «Ce sont nos chats, ils ont une puce aux noms des associés.»
Certains ont bien grandi
Le lieu a également été créé pour toutes les personnes qui adorent les chats et ne peuvent en avoir à leur domicile. «C’est du travail. Il faut s’occuper des clients et des chats. En outre, les croquettes, les litières et les frais de vétérinaire sont des charges fixes que d’autres patrons de bars n’ont pas. Cela pèse surtout actuellement alors que nous n’avons pas travaillé pendant plus de deux mois», note le jeune homme. Le Covid-19 est passé par là. Des aménagements ont dû être réalisés comme dans tous les établissements du secteur de la restauration. «Cela va nous impacter financièrement, peut-être plus que les autres établissements», reconnaît Mehdi Mimèche.
Les chats qui ont passé la période du confinement chez Mehdi et ses associés, ont repris doucement leurs marques. Quelques conflits éclatent encore parfois pour des questions de dominants et de dominés ou de droits de passage, mais la situation revient à la normale. «Nous les avons réintégrés une semaine avant l’ouverture pour qu’ils se réhabituent au lieu et au groupe, indique Mehdi Mimèche. Les plus jeunes sont passés d’adolescents à adultes en quelques semaines. Leurs odeurs changent et cela déstabilise l’équilibre du groupe. Ils ont dû revoir toute la hiérarchie du groupe.» Les félins ont repris possession de leur royaume et s’attellent l’air de rien et avec nonchalance à reconquérir les cœurs des clients.
Sophie Kieffer